Cette chronique se veut ironique – et l’est vraiment, fourmillant d’idées saugrenues et drôles. Moment de détente rafraîchissant dans le contexte politique sous tension. Une ironie parfois fondée sur des poncifs ou des options politiques sous-jacentes qui ne sont pas les nôtres, voire sont, selon nous, déplacées. Même en un tel cas, Samuel Fitoussi rend compte de la situation. Le lecteur de JSF en fera la critique si bon lui semble.
Cette chronique est parue dans Le Figaro du 20 septembre. Elle ne manque pas à son ambition de drôlerie ironique chargée de sens. Bonne lecture !
CHRONIQUE – Chaque semaine, pour Le Figaro, notre chroniqueur pose son regard ironique sur l’actualité. Aujourd’hui, il soumet un programme académique de rupture au nouveau directeur de l’IEP de Paris.
L’information est tombée : le diplomate Luis Vassy devrait succéder à Mathias Vicherat à la tête de Sciences Po Paris. En mars dernier, j’avais moi-même, dans ces colonnes, présenté ma candidature : elle n’a malheureusement pas été retenue. Bien que déçu de l’apprendre par voie de presse, je ne suis pas mauvais perdant, et rends public le programme académique que j’avais esquissé pour la nouvelle année. Je permets à Luis Vassy de l’utiliser, libre de droits (il lui suffira de s’abonner au Figaro pour lire cet article en intégralité).
Masculinité toxique. Pour une fois, la théorie sera accompagnée d’études de cas concrets. Par exemple, les étudiants verront des vidéos de refus d’obtempérer et seront ainsi sensibilisés aux tragédies que peuvent engendrer l’inconscience masculine et la testostérone. Ils se pencheront sur le cas de délinquants multirécidivistes qui conduisent régulièrement sans permis ou sous l’emprise de stupéfiants, commettent des violences, vendent de la drogue et représentent un poids pour la collectivité. En cours de sociologie, ils se demanderont si cette masculinité n’est pas intériorisée en raison des codes culturels problématiques : le rodéo urbain célébré au Festival de Cannes, les discours de personnalités politiques prenant spontanément la défense de délinquants multirécidivistes plutôt que des forces de l’ordre, les paroles de musiques de rap, de Kaaris à Médine…
Stéréotypes de genre. Les élèves étudieront la biologie et la théorie de l’évolution pour comprendre la différence des sexes, découvriront que les asymétries comportementales entre hommes et femmes (les choix de carrière par exemple) ne sont pas toutes construites socialement, contrairement à ce que raconte la fake news en vogue. Une hypothèse sera mise sur la table : en déconstruisant la différence des sexes dans sa forme la plus civilisée, ne laisse-t-on pas ressurgir une fascination malsaine pour la masculinité dans ce qu’elle a de pire ? Cela pourrait expliquer pourquoi ceux qui sont les plus scandalisés par les stéréotypes de genre dans les contes pour enfants sont aussi les plus enthousiasmés par le Hamas et le Hezbollah.
Intersectionnalité. Les étudiants apprendront qu’il est possible d’être discriminé selon plusieurs axes de domination. Par exemple, sur le service public, un mâle blanc est moins discriminé qu’un mâle blanc de plus de 50 ans, qui lui-même est moins discriminé qu’un mâle blanc de plus de 50 ans de droite.
Chasse aux sorcières. Les étudiants liront Sorcières de Mona Chollet, et apprendront que de tout temps, les femmes libres d’esprit – celles qui déjouaient les codes de leur époque, interrogeaient les dogmes et les discours dominants -, perçues comme des menaces à l’ordre social, ont été traquées, combattues, victimes de misogynie de la part de ceux qui souhaitaient les faire rentrer dans le rang. Chaque cours sera conclu par une minute de silence pour les femmes qui, aujourd’hui, sont vouées aux gémonies par leurs contemporains : J.K. Rowling, Marguerite Stern, Dora Moutot, Maïwenn, Élisabeth Badinter.
Culture du viol. Les élèves apprendront à combattre la culture du viol. Ils découvriront que 7,2 % des femmes en Seine-Saint-Denis ont subi une excision. Ils étudieront la théorie selon laquelle la pudeur islamique imposée aux femmes – avec l’idée que l’exhibition d’une épaule dénudée serait une provocation – participe de cette culture, se situe sur un continuum de violences. Ils se documenteront sur l’affaire Shaina, du nom de cette adolescente, violée en réunion à Creil en 2019 en raison de sa réputation de « fille facile », puis, quelques mois plus tard, poignardée quinze fois et brûlée vive par un garçon dont elle était tombée enceinte.
Fragilité blanche. Les étudiants seront formés en médecine anatomique et découvriront la fragilité universelle du corps humain. Ils découvriront qu’un individu – même blanc – agressé physiquement, par un individu – même racisé – risque la mort. Un hommage sera rendu à la petite Lola, à Thomas, Matisse, aux 273 morts du terrorisme islamiste en France depuis 2012.
Le patriarcat. Nous étudierons la condition des femmes afghanes, le système de tutelle masculine en Arabie saoudite, les crimes d’honneur au Pakistan, la polygamie en Algérie. Nous nous poserons la question : est-il réellement progressiste de laisser prospérer chez nous, sous l’effet de l’immigration, ces sous-cultures rétrogrades ? Nous étudierons la révolution iranienne de 1979 et tenterons d’en tirer des leçons pour l’Occident : une société peut rapidement, si elle cède à l’islamisme, devenir violente et patriarcale, les femmes rapidement y perdre tous leurs droits.
Enjeux LGBTQIA+. Les cours théoriques seront remplacés par un atelier pratique. Les étudiants partiront une semaine à Trappes en voyage scolaire, où ils devront se déplacer munis de drapeaux LGBT, organiser un défilé de drag-queens, et faire du porte à porte dans les mosquées locales pour sensibiliser à la fluidité de genre. ■ SAMUEL FITOUSSI
Excellent, Ce n’est pas de l’humour c’est la réalité et peut- on vraiment encore en rire ?