« Ce qui va se jouer n’est pas le sort des enfants à naitre car, en ce qui les concerne, il n’existe aujourd’hui en France aucun acteur politique de quelque importance qui soit prêt à parler en leur nom. Ce qui va se jouer est ce qui reste aux Français de liberté de paroles et de liberté de conscience. »
Par Aristide Ankou.
Le fait que les « progressistes » de tous poils et plumes, tous partis politiques confondus, considèrent comme inacceptable que quelqu’un qui a voté contre la constitutionnalisation de l’IVG puisse devenir ministre ne peut surprendre sérieusement personne.
Comme j’avais eu l’occasion de l’écrire au moment de cette constitutionnalisation, ceux qui, telle Marine le Pen, arguait qu’elle était inutile étant donné que la légalité de l’avortement n’était en rien menacée dans notre pays, se fourvoyaient complètement.
Que l’accès pratique à l’avortement ne soit menacé par personne en France, les féministes le savent parfaitement, même si, pour les besoins de la cause, elles affectent de croire le contraire. Mais elles s’en moquent, car ce qu’elles demandent, et la seule chose qui pourra peut-être les satisfaire, est que l’avortement soit publiquement reconnu comme un « un bienfait social » et que « l’atmosphère entière soit désinfectée de toute trace d’opposition à l’avortement ».
L’avortement ne doit pas seulement être légalement possible, il doit être publiquement approuvé et tous ceux qui ont des réserves vis-à-vis de l’avortement doivent être empêchés de les exprimer. C’est précisément ce que visait la constitutionnalisation du « droit à l’IVG » car un droit, et particulièrement un droit protégé par la Constitution, est inséparablement quelque chose de légal et de moral. Affirmer que l’on a le « droit » de faire quelque chose, ce n’est pas seulement dire que la loi ne punit pas l’action en question – ce qui est une simple constatation – mais aussi que l’action en question est bonne ou, au pire, indifférente. Bref, que l’on n’est pas critiquable lorsque l’on fait usage de la liberté que vous laisse la loi. C’est une revendication morale.
Et derrière la « liberté des femmes » protégée par la Constitution viendra le « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », car assurément si l’avortement est incorporé à la Constitution c’est qu’il doit être un des fondements de notre régime républicain et, par conséquent, questionner la légitimité de l’avortement revient, même implicitement, à mettre en question la République.
Une fois l’avortement inscrit dans la Constitution, la prochaine étape sera donc de faire de la critique de l’avortement l’équivalent de « l’incitation à la haine et à la discrimination », qui existe déjà dans notre code pénal et qui permet de criminaliser quantité de propos qui, il n’y a pas si longtemps, auraient été considérés comme faisant partie de la conversation civique normale dans un régime libre.
Cela ne devrait pas être trop compliqué. Depuis une trentaine d’années, le nœud coulant n’a cessé de se resserrer autour de la gorge des opposants à l’avortement, avec l’apparition de divers « délits d’entrave ».
Et dès lors que le « droit à l’avortement » est inscrit dans la Constitution et devient un principe de même niveau que la liberté d’expression, il devient possible d’adopter des lois encore plus restrictives pour, enfin, faire taire les réfractaires qui continuent à considérer que l’avortement est un acte grave qui ne devrait être autorisé que de manière exceptionnelle.
Essayer d’interdire l’accès à toute responsabilité politique à ces hérétiques n’est qu’un des brins de la corde destinée à les étrangler, ou une des bûches destinées à les incinérer, si vous préférez.
Au moment de l’inscription de l’IVG dans la Constitution, j’écrivais : « Les enjeux de la révision constitutionnelle qui s’annonce sont donc réellement très élevés. Ce qui va se jouer n’est pas le sort des enfants à naitre car, en ce qui les concerne, il n’existe aujourd’hui en France aucun acteur politique de quelque importance qui soit prêt à parler en leur nom. Ce qui va se jouer est ce qui reste aux Français de liberté de paroles et de liberté de conscience. »
Aux dernières nouvelles, Laurence Garnier, qui était annoncée pour occuper le ministère de la Famille, a finalement été rétrogradée au rang de simple secrétaire d’Etat chargée de la Consommation. Autrement dit même pas un strapontin, juste une chaise pliante.
CQFD, et je n’en tire vraiment aucune satisfaction. ■ ARISTIDE ANKOU
* Précédemment paru sur la riche page Facebook de l’auteur, (le 22 septembre 2024).
Aristide Ankou
Excellente mise en évidence de la machine à broyer la liberté de penser mise en place par le système . Pour certain d’entre nous, le fait d’être accusé de lutter contre la république est reçu comme un compliment. Alors constitution ou pas, il faudra bien tout bazarder, pour reconstruire la nation royale.