Journal de l’année 14 de Jacques Bainville : Les notes sont quasiment quotidiennes jusqu’au 31 décembre. Sauf du 14 au 27 août à cause des contraintes de la guerre. Nous conseillons vivement de les lire au jour le jour, comme elles furent écrites. Sachons que notre situation française et européenne d’aujourd’hui découle largement des grands événements relatés ici !
« L’électeur français devenu un combattant paie la démocratie qui se croit progrès et qui n’est que routine, un chariot mérovingien dans une ornière. »
Ma femme a voyagé toute une nuit avec dix soldats, des territoriaux, qui revenaient du front éclopés. Il n’est galanterie que ces braves gens – paysans, ouvriers – n’aient imaginée. L’impression dominante chez eux, c’est que les soldats allemands sont joliment mieux habillés et équipés que les nôtres. Le fait est que les gaillards ont des bottes en cuir fauve étonnamment confortables et un uniforme d’une couleur feldgrau qui est exactement la couleur de la terre de France. Le pantalon rouge fait triste mine à côté de ces vêtements pratiques, souples et qui ne se voient pas, tandis que le pauvre pantalon rouge traditionnel sert de cible à l’ennemi.
Il y a tout un symbole dans ces pauvres pantalons qui reviennent si lamentables. Par eux aussi l’électeur français devenu un combattant paie la démocratie qui se croit progrès et qui n’est que routine, un chariot mérovingien dans une ornière. Voilà quarante ans que l’on parle de changer l’uniforme français et que l’on ne décide rien. Le régime parlementaire n’a pas préparé la guerre à laquelle des ministres comme le général Brun disaient d’ailleurs tout haut qu’ils n’y croyaient plus. Il est de plus en plus évident que le citoyen français a eu, pendant ces quarante-quatre dernières années, deux cartes à jouer. L’une étant le bulletin de vote, l’autre la feuille de mobilisation. L’heure étant venue de jouer la seconde, il a payé cher la partie… ■ JACQUES BAINVILLE
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