Cette chronique se veut ironique – et l’est vraiment, fourmillant d’idées saugrenues et drôles. Moment de détente rafraîchissant dans le contexte politique sous tension. Une ironie parfois fondée sur des poncifs ou des options politiques sous-jacentes qui ne sont pas les nôtres, voire sont, selon nous, déplacées. Même en un tel cas, Samuel Fitoussi rend compte de la situation. Le lecteur de JSF en fera la critique si bon lui semble.
Cette chronique est parue dans Le Figaro du 30 septembre. Elle ne manque pas à son ambition de drôlerie ironique chargée de sens. Bonne lecture !
CHRONIQUE – Chaque semaine, pour Le Figaro, notre chroniqueur pose son regard ironique sur l’actualité. Aujourd’hui, il imagine le quotidien d’une sociologue médiatique, entre cours sur la domination dans les natures mortes de Monet et croisade contre la récupération politique de – certains – faits divers.
« Je rappelle que si le programme du NFP avait été appliqué et qu’une lutte sérieuse contre les stéréotypes de genre avait été entreprise, les femmes seraient en sécurité en France »
10 heures. Je me rends à l’université de Nanterre, où je donne des cours de sociologie de l’art (je me spécialise dans l’analyse des systèmes de domination structurelle dans les natures mortes de Claude Monet). Je me dirige vers la salle de classe où je dois donner cours, mais aucun de mes étudiants ne se présente. Je me rappelle alors que je leur ai accordé deux semaines de vacances pour qu’ils se remettent de la nomination du catholique d’extrême droite Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur. La santé mentale est un enjeu majeur de notre époque. Je le prends très au sérieux.
12 heures. Je suis invitée sur le plateau de Franceinfo pour éclairer les Français sur les temps troublés que nous vivons. Je livre d’abord un décryptage de la situation au Proche-Orient : Israël bafoue l’aspiration du Hamas, du Hezbollah, des houthistes, et des mollahs iraniens à vivre en paix. Nous abordons ensuite le thème de la récupération d’un fait divers par l’extrême droite. Je souligne d’abord que les premières victimes des sans-papiers multirécidivistes sous OQTF sont les sans-papiers multirécidivistes sous OQTF victimes d’amalgames.
Je rappelle ensuite qu’il est immoral d’utiliser des cas particuliers pour jeter l’opprobre sur toute une catégorie sociale, d’autant qu’en l’occurrence le problème n’est pas l’immigration mais les hommes dans leur ensemble. La misogynie n’a pas de nationalité, elle a un genre. La droite, parce qu’elle lit davantage les journaux que les travaux de recherche en sociologie, ne comprend pas la violence enracinée dans nos conventions patriarcales, ne voit pas que la phallocratie contemporaine est d’abord structurelle, institutionnelle et systémique. En définitive, la question des violences sexistes et sexuelles est trop sérieuse pour être laissée à la droite, et devrait plutôt être confiée à Lucie Castets.
14 heures. De retour chez moi, je visionne l’extrait de mon intervention sur Franceinfo pour en publier des extraits sur les réseaux sociaux. Je suis assaillie par la culpabilité. À la 7e minute, au lieu de dire « toutes et tous celles et ceux », je dis : « toutes et tous ceux ». Je prie pour que les téléspectatrices ne se soient pas senties micro-agressées.
15 heures. Pas question de rester les bras croisés. Je les décroise. Puis je retourne sur le campus de Nanterre, où j’ai rendez-vous avec une doctorante autrice d’une thèse très stimulante sur l’absence de diversité dans le film Shoah de Claude Lanzmann. Devant l’entrée de la fac, quelques membres de l’UNI (le syndicat des étudiants de droite) sont massés, le cerveau intoxiqué par les fake news de CNews, munis de banderoles contre « l’immigration incontrôlée », le « laxisme judiciaire » ou « l’insécurité ». La récupération politique de faits divers m’a toujours écœurée (sauf bien sûr lorsqu’elle s’impose, comme pour Nahel ou George Floyd). Heureusement, des militants de la Jeune Garde leur font comprendre, par le biais d’une agression physique progressiste, que le fascisme n’a pas sa place sur le campus. Je suis une femme tolérante, mais je ne peux condamner l’agression. Nous n’avons pas vaincu le nazisme avec de jolis arguments. Pas de tolérance pour les ennemis de la tolérance.
18 heures. Il me prend l’envie d’assister au procès des viols de Mazan, le Nuremberg de la masculinité occidentale que nous attendions tant. Je me fraye un chemin le long des quais, traverse le Pont-Neuf, bifurque vers la Conciergerie et vois le Palais de justice, magistral et imposant, se dresser devant moi. J’apprends que le procès des viols de Mazan se tient à Avignon. Je rebrousse chemin tristement.
20 heures. Je suis invitée sur France 5 par Karim Rissouli dans l’émission « C ce soir » pour disséquer la complexité de l’époque avec la profondeur analytique des sciences sociales. Nous discutons à nouveau du fait divers instrumentalisé par la droite pour attiser la xénophobie. Je rappelle que si le programme du NFP avait été appliqué et qu’une lutte sérieuse contre les stéréotypes de genre avait été entreprise, les femmes seraient en sécurité en France. En outre, je souligne un élément passé sous silence dans les médias : le criminel était déjà passé par la case prison. Preuve de plus, s’il en fallait, que l’incarcération crée de la récidive. La réalité, une nouvelle fois, donne raison aux sociologues. Nous devrions éduquer, prévenir et réinsérer avec douceur plutôt qu’enfermer. Un polémiste de droite évoque alors « la non-exécution des OQTF » (quelle originalité dans l’analyse !). Je lui objecte que si nous expulsions les violeurs maghrébins, ils risqueraient de commettre des viols au Maghreb. Nous devons au contraire accueillir davantage de violeurs pour œuvrer à une répartition plus égalitaire des viols dans le monde. Notre boussole républicaine nous y engage.
22 heures. Je rentre chez moi. En raison d’une présence importante d’hommes dans ces zones, j’évite la Goutte d’Or, Barbès, le secteur Gare du Nord, la porte de la Chapelle, et la ligne 13. ■ SAMUEL FITOUSSI
Remarquable et d’une drôlerie féroce et bien appliquée !
Une conne d’extrême-gauche comme il y a tant dans la secte sociologique, ayant tenu dans les années 2020 des propos complotistes sur le réchauffement climatique qui aurait provoqué la crise de la Covid qui d’après elle devait entraîner plus de 3 milliards de morts. La sociologie, cette discipline où on peut dire tout et n’importe quoi pourvu qu’on appartienne au CNRS.