COMMENTAIRE – Nous ne croyons pas un redressement de la France possible en République. Pour toutes sortes de raisons qui tiennent à son caractère, à son idéologie, à ses dépendances intérieures et extérieures, à la mécanique des partis, à la composition de l’Assemblée, à la présence d’Emmanuel Macron continuant d’exercer ce qu’il reste de la fonction présidentielle, en raison encore de la composition de l’Assemblée, du pouvoir des juges, etc. la droite, de retour « aux affaires », sera bien, selon nous, parfaitement « émolliente ». Ceux qui y auront cru seront une fois de plus décus. Ce n’est pas grave. Ils en ont l’habitude. Ce qui est bien plus grave c’est que la France continuera de s’enfoncer. JSF
Par Vincent Trémolet de Villers.
« Si ce discours annonce une nouvelle diagonale du flou, au soulagement encore présent d’avoir échappé à une gauche dangereuse succédera inévitablement la déception d’avoir cru à une droite émolliente. «
Les temps sont durs, nous a dit le premier ministre, et, citant de Gaulle : « Je vous demande de faire beaucoup avec peu. » Michel Barnier, dans son discours de politique générale, a renversé la proposition : il a dit beaucoup, mais le risque existe qu’on en retienne peu. L’ancien commissaire européen a préféré à l’éloquence churchillienne la prudence bruxelloise : pas d’effets de tribune, pas d’élans lyriques, mais, sous les cris insupportables de la gauche débraillée, un mélange de formules passe-partout, comme « renforcer la transparence », d’annonces prudentes, comme la fusion de France Stratégie et du haut-commissariat au Plan, de propositions lénifiantes, comme la « journée annuelle de consultation citoyenne ». L’évocation d’une possible suppression des ZAN, de la prolongation de la rétention des OQTF, du durcissement de la justice des mineurs ou de l’exécution réelle des peines de prison a fort heureusement relevé l’ensemble.
Reste que ceux qui attendaient la rupture ici et maintenant n’en ont pas pour leur argent. Sauf les plus riches et les entreprises, punies d’êtres performantes. Ils subiront donc sous un premier ministre de droite le rétablissement d’une logique fiscale dont Emmanuel Macron s’était dégagé. Quant aux économies, elles sont pour le moment introuvables. À force de vouloir penser contre soi-même, on finit par gouverner contre son camp.
Si le discours s’est ouvert sur un hommage à Philippine, il aura fallu attendre plus d’une heure pour que les questions de sécurité, de justice, d’immigration, qui ont mené à cette mort épouvantable, soient évoquées. On retrouvait çà et là les propositions de Bruno Retailleau, mais comme assourdies.
Enfin, pourquoi ajouter aux mille motifs de division la relance du débat sur l’euthanasie ?
Une question demeure : cette anesthésie (de politique) générale avait-elle pour objectif d’endormir le patient pour mieux le soigner ? Dans ce cas, on sacrifie volontiers le plaisir des mots à l’efficacité du travail chirurgical. Si, en revanche, ce discours annonce une nouvelle diagonale du flou, au soulagement encore présent d’avoir échappé à une gauche dangereuse succédera inévitablement la déception d’avoir cru à une droite émolliente. ■ VINCENT TRÉMOLET DE VILLERS