Le sujet préoccupant de la protection et de la sécurité des Français écarté par un faux débat…
Par Elisabeth Lévy.
Cet article – brillant, comme, en général, ceux d’Elisabeth Lévy – est paru dans Causeur hier 2 octobre. Il n’y a à proprement parler rien à y ajouter. Sa lecture – trame et fond – nous renvoie cependant à deux souvenirs : 1. Le gros livre où Maurras analyse comment notre Démocratie (Majuscule) se veut religieuse, en substitution à l’ancienne religion du peuple français (C’est l’idée de Vincent Peillon ou Luc Ferry) ; 2. La formule latine que De Gaulle opposait souverainement à ceux qui tentaient de lui rappeler les règles du Droit : « Prius omnium salus patriae« . C’est sans doute ce que veut dire Elisabeth Lévy en la circonstance…
Estimant que sa priorité consiste à protéger la nation, le ministre de l’Intérieur a osé dire que l’État de droit n’est « ni intangible ni sacré ». Lors de la déclaration de politique générale hier, il a été désavoué par le Premier ministre qui entend donner des gages aux centristes mollassons.
« C’est comme ça, l’État de droit, ils y pensent jour et nuit. »
Le syndicat des beaux esprits et grandes âmes s’est trouvé une nouvelle marotte : l’État de droit. Depuis que le ministre de l’Intérieur a déclaré que celui-ci n’était « ni intangible ni sacré », ils ont découvert qu’ils l’adoraient. Par exemple, quand ils subventionnent des associations qui aident les migrants à transgresser nos lois ; quand ils affirment que la police, seule détentrice de la force légale, « assassine » ; quand ils applaudissent un zozo qui appelle à l’intifada en plein Paris ; quand ils s’opposent à une perquisition menée sous la responsabilité de la Justice en braillant « La République, c’est moi » ; quand ils estiment que l’émotion justifie une manifestation interdite (ça c’était Christophe Castaner à propos d’une manifestation du comité Traoré à la fin du confinement). C’est comme ça, l’État de droit, ils y pensent jour et nuit.
Festival de jérémiades
La macronie et la gauche nous ont donc offert un nouveau festival de jérémiades et offuscations, chacun faisant mine de penser que Bruno Retailleau appelait de ses vœux un régime policier où l’arbitraire remplacerait la règle de droit. « Retailleau remet en cause l’État de droit, c’est-à-dire la séparation des pouvoirs, la justice indépendante, les libertés fondamentales », déclare sobrement Manuel Bompard. « Retailleau fait comme s’il gouvernait déjà avec l’extrême droite », ose Olivier Faure. « L’État de droit est sacré. Il nous protège, il garantit que personne, pas même un ministre, ne puisse faire ce qu’il veut. Renforçons l’application de nos règles, mais sans jamais contourner le cadre qui nous protège tous : l’État de droit », s’enflamme Yaël Braun-Pivet.
On ne s’étonne pas des imprécations venues de la gauche, qui continue de vivre dans une réalité parallèle. Ainsi, dans sa réponse au discours de politique générale de Michel Barnier, l’inénarrable Panot continue à expliquer que le Nouveau Front populaire a gagné l’élection et à réclamer avec force glapissements, la nomination de la très baroque Lucie Castets, dont les Français ont déjà oublié le nom et les inepties qu’elle a prononcées. Mais si on en doutait, cet épisode ridicule montre à quel point les macronistes sont sous l’emprise de leur surmoi de gauche. Alors qu’ils sont contraints de soutenir un gouvernement de droite, leur obsession, c’est de montrer par tous les moyens qu’eux ne mangent pas de ce pain-là. Gabriel Attal ne s’en cache pas. À l’Assemblée, hier, il n’a cessé de roucouler en direction de la gentille gauche, celle qui n’a avec LFI qu’une misérable alliance électorale, mais rien en commun rassurez-vous. À l’évidence, Attal et ses troupes attendent en embuscade que le gouvernement tombe pour jouer à embrassons-nous Folleville avec leurs copains du PS. Il ne faudrait pas qu’on cesse de les recevoir sur France Inter. En faisant de Bruno Retailleau leur tête de turc, ils achètent leur place à l’église.
Barnier contraint de recadrer Retailleau
Le pire, c’est que Michel Barnier a dû mettre genou à terre. Non seulement il a recadré son ministre, lui imposant une sorte de mea culpa, ce qui a enchanté la presse de gauche, mais il a été contraint de proclamer dans son discours que l’Etat de droit était sacré, reconnaissant ainsi qu’il était tenu par les macronistes et provoquant un soupir agacé de Marine Le Pen. Pris en sandwich entre Attal et Le Pen, le Premier ministre ne va pas être à la fête.
Si le clan des offusqués cherchait autre chose que l’occasion de prendre des poses avantageuses, la sortie de Retailleau aurait pu être l’occasion d’un beau débat, essentiel pour le pays.
L’État de droit, tel que nous l’avons bâti, c’est l’infrastructure juridique de la démocratie. Un ensemble de règles, adoptées par les représentants du peuple souverain, auquel les gouvernants sont soumis comme n’importe quel citoyen. C’est donc la garantie contre l’arbitraire du pouvoir. L’Etat de droit signifie que le gouvernement ne peut pas vous faire embastiller sans raison.
Seulement, cet État de droit a changé de nature, parce que le droit dont il garantit la primauté a changé de nature. Il s’agit de moins en moins de droit positif et de plus en plus d’une interprétation jurisprudentielle très libre de ce droit. La Cour de cassation, le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État sont habilités, dans leurs domaines respectifs, à dire comment on doit lire la Constitution et les lois adoptées par des élus. De même, la Cour européenne des droits de l’Homme décide de la façon dont la Convention du même nom doit être comprise et appliquée. Or, depuis au moins une dizaine d’années, ces éminentes juridictions nationales et internationales interprètent tous les textes dans le même sens : toujours plus de droits pour les individus, y compris les délinquants, criminels et terroristes, toujours moins de droit pour les Etats de se protéger. C’est ainsi que la CEDH a sommé la France d’annuler l’expulsion d’un Tchétchène radicalisé. Sans succès heureusement. Sauf que, quand c’est le Conseil d’Etat qui annule une expulsion, le gouvernement ne peut pas l’envoyer bouler.
L’État de droit n’est plus un ensemble de règles adoptées par la voie démocratique, il est devenu une idéologie qui change les règles sans que jamais les peuples soient consultés sur ce changement. C’est l’État de droit qui impose aux Français un multiculturalisme qui leur va mal au teint. C’est l’État de droit qui s’oppose au bon sens. Bruno Retailleau a raison. Il faut changer l’État de droit. Ou on finira par en dégoûter les Français. ■ ÉLISABETH LÉVY
Étonnante cette facilité de nos grandes gueules à s’emparer de tout ce qui est à la mode pour en gloser sans fin. Ne se rendent-elles pas compte qu’une notion comme ce redoutable « État de droit » est viciée dans son principe. Qu’elle pollue la réflexion et interdit toute construction intellectuelle solide. On a vu, ainsi, en Turquie des villes entières mal bâties disparaître lors d’un séisme; en Italie c’est un pont majestueux qui est tombé tout seul, Ils étaient pourtant en « béton ». mais quel béton ?
C’est avec le projet de constitution européenne, en 2005, que ce « tas de droits » a fait son apparition publique. Aussitôt les Britanniques ont objecté l’impossibilité de traduire cette notion (allemande) en anglais. Ils en sont d’ailleurs restés à leur principe ancestral et clair pour tout le monde, le Règne de la Loi (Rule of Law). Ils ont depuis pris la tangente !
L’adoption irréfléchie de mots ou de formules étrangères est malheureusement caractéristique d’une certaine France. Suivisme, obséquiosité, ignorance, snobisme, fascination du neuf, désaffection de leur propre langue, inclination à se faire mousser. À ces travers, s’ajoute la volonté de nos dirigeants de brouiller les pistes : impressionner les gogos, échapper à ses concurrents (se démarquer) mais aussi à ses responsabilités. Dans le commerce, c’est plutôt l’anglais qui domine, mal traduit souvent. L’Édd, nous sommes allé le chercher en Allemagne, dans les brumes, comme pour plaire à la demoiselle riche et gourde (politiquement « naine ») sur laquelle nos politiques prétendaient mettre le grappin.
Je perçois quelque chose de comparable dans le droit international public. Aux Droit et Institutions peu à peu mis en place dans le cadre de l’ONU et par divers traités, s’est, nous dit-on, dans certains domaines, juxtaposé, substitué un ensemble de Règles qui, subrepticement, priment sur le Droit, notamment quand les projets de certains États sont concernés. Chaque jour qui passe apporte la preuve que ce double système de normes produit un dérèglement général et laisse un grande confusion dans les esprits.
Ainsi chez nous, Règles macroniennes ou Tas de droits, la Constitution, qui est, proprement, le Droit auquel est soumis notre État se vide chaque jour de sa pertinence, de son prestige et de sa vigueur.
Il ne faut pas incriminer du même mouvement la bouillante Elisabeth Lévy qui souscrirait probablement aux divers éléments de la critique de Marc Vergier que, sans être juriste et encore moins constitutionnaliste, je trouve l à 100% pertinent .
L’Etat de droit qu’a t-il apporté à Philippine, Lola, Thomas, Samuel PATY, et tant d’autres. L’Etat de droit c’est le droit illimité pour les voyous et les devoirs pour les personnes normales
Dans cet article, le premier emploi de cette expression: « l’Etat de droit », celui ci est qualifié de « nouvelle marotte »par Elisabeth Lévy ; l’on voit bien qu’elle n’est point adepte de ce concept, et dès lors, même si. l’expression est plusieurs fois reprise sans guillemets, les pincettes on été bien été initialement prises par E.Levy pour en parler.
D’accord avec Richard. Beaucoup utilisent l’expression d’un esprit hostile, pour la critiquer, la moquer, s’y opposer. C’est clairement le cas deMBC et bien d’autres.
Je ne soupçonne ni É. Lévy ni M. B-C. de défaut de jugement. Néanmoins, utiliser cette expression, même entre guillemets, ou désamorcée magiquement, comme le mauvais sort, les deux mains en oreilles de lapin, c’est encore lui faire honneur. C’est la remettre en circulation, comme on refile de la fausse monnaie. On se débarrassera jamais ainsi des mots qui entretiennent la confusion. Voyez « extrême-droite ». Plus personne ne s’aventure à la définir beaucoup continuent à l’utiliser, les uns entre guillemets les autres tels quels : pusillanimité, paresse, calcul, conformisme… On en crève !