Mathieu Bock-Côté n’écrit pas ici dans les colonnes correctes du Figaro – un peu moins aujourd’hui – ni sous le regard suspicieux de l’ARCOM. Il donne au JDNews un article bref et vigoureux, de tonalité révolutionnaire, sur la personnalité attachante de Laurent Obertone. De quoi plaire et intéresser, nous semble-t-il. JSF
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Laurent Obertone s’est d’abord fait connaître en 2013 avec un ouvrage coup de poing, La France Orange mécanique. Certains y virent une compilation de faits divers, sans comprendre qu’il y théorisait une délinquance conquérante, qu’on réduisait alors au fameux sentiment d’insécurité – le régime diversitaire, aujourd’hui, cherche plutôt à l’invisibiliser.
Mais depuis quelques années, Obertone a commencé à tracer un autre sillon intellectuel, celui d’un écrivain politique dissident, où il fait le portrait d’une société zombifiée. Après Éloge de la force et Game Over, Guerre est le troisième tome de cette trilogie. Le titre en donne le programme. Dans quel monde vivons-nous ?
Pour le décrire, Obertone parle tout à la fois de « fascisme domestique » et de « communisme mental ». Autrement dit, notre monde serait un immense goulag à visage humain. En son cœur, on trouve un dogme, un égalitarisme religieux, aplatisseur, qui dévitalise et décourage l’effort et la liberté, et valorise le ressentiment et la mesquinerie. Pour Obertone, l’égalitarisme est une doctrine vicieuse qui produit des ratés et entraîne un asservissement général, en plus de mater les plus capables. Il transforme chacun en créature larmoyante, s’apitoyant sur son sort et cherchant à confisquer le fruit du travail de ceux qui ne se sont pas contentés d’être spectateurs de leur propre vie. Il aurait pu parler de néo-socialisme.
S’élever, se révéler
Que faire ? À la question de Lénine, il est d’usage de proposer un programme politique. Plus le diagnostic est sévère, plus il sera radical. Mais ce n’est pas le genre d’Obertone. Il plaide plutôt pour la dépolitisation la plus complète de l’existence. L’individu en révolte contre son temps, qu’il nomme « l’hérétique », ne doit plus chercher son salut dans un engagement militant, mais reprendre sa vie en main pour ne plus suivre le troupeau.
Il doit se reprendre en main physiquement, mentalement, culturellement, économiquement. Devenir autonome, indépendant, rompre avec ses habitudes les plus toxiques après les avoir révisées. Le développement personnel, chez Obertone, est un programme de rupture et n’est pas mièvre.
Un révolutionnaire nommé Obertone
Concrètement, cela passe par un antiétatisme intégral et un libéralisme agressif. On a l’impression, au fil des pages, de redécouvrir le Louis Pauwels des années 1980. Obertone tonne contre le braquage fiscal, les normes bureaucratiques qui étouffent l’existence, les politiques de sensibilisation et d’endoctrinement qui transforment l’homme ordinaire en larve ordinaire, mais aussi contre les programmes qui prétendent lutter contre les discriminations pour mieux pénétrer notre intimité, domestiquer notre vie et redéfinir idéologiquement nos préférences personnelles. À le lire, l’État est une mafia qui a réussi.
Mais Obertone n’est pas qu’un individualiste. Car son individu n’est pas une créature désincarnée, étrangère à son groupe, comme un petit être flottant. Il appartient à un peuple, contre qui l’État s’est retourné. Il existe en France un révolutionnaire nommé Obertone. Il frappe fort, très fort, trop souvent, probablement. On le sent jouir de ses transgressions. ■ MATHIEU BOCK-CÖTÉ