Par Pierre Builly.
En cas de malheur de Claude Autant-Lara (1958).
Ah, jeunesse !
Introduction : En 1957 à Paris, la belle Yvette Maudet, 22 ans, qui se prostitue occasionnellement, assomme l’épouse d’un horloger qu’elle tente de dévaliser. Me André Gobillot, avocat quinquagénaire, accepte de la défendre et, séduit par sa sensualité, en tombe amoureux. Grâce à un faux témoignage, il obtient son acquittement. Il entame alors une liaison avec elle, l’installe et l’entretient, ne peut plus se passer d’elle. Mais Yvette aime en cachette Mazetti, jeune étudiant en médecine, jaloux et possessif.
Je n’ai pas beaucoup d’estime pour les qualités d’actrice de Brigitte Bardot, dont personne, pourtant ne peut aujourd’hui imaginer le mythe planétaire qu’elle a été ; son meilleur rôle est sans doute celui de Dominique Marceau dans La vérité d’Henri-Georges Clouzot (1960), parce qu’elle est parfaitement adaptée au personnage et qu’elle entre parfaitement dans cette personnalité de paumée. Dans En cas de malheur, deux ans auparavant, à un moindre degré toutefois, cette identification se manifeste aussi ; ses moues crispantes et son ton de voix acidulé sont tellement dans le rôle qu’elle parvient tout à fait à réussir cette incarnation d’une fille veule.
Le film est adapté d’un roman de Georges Simenon dont l’œuvre abondante et magnifique incline au pessimisme le plus noir ; ou plus exactement à la relation rigoureuse d’existences démolies.
Me Gobillot (Jean Gabin), grand avocat opulent, doté en Viviane (Edwige Feuillère) d’une épouse parfaite, qui tolère ses maîtresses dès lors qu’elles ne lui font pas quitter les lignes droites du foyer grand bourgeois est submergé par ce torrent de jeunesse, d’une idiotie mais d’une vitalité et d’une sensualité sans pareilles. Sans doute, sûrement parce qu’il sent que c’est sûrement la dernière fois qu’il va connaître ce bouleversement du désir absolu ; et que ce chant du cygne semble tout lui autoriser.
Mais est-ce qu’il aime Yvette (Brigitte Bardot) ? Sûrement pas, ou pas autant que Mazzeti, son amant de cœur et de corps (Franco Interlenghi – qui joue un peu trop exalté, trop napolitain -) … Maître Gobillot aime que sa dernière passion se joue avec une fille si belle…
Un jour, peu avant Noël Yvette ne rentre pas à l’appartement où Gobillot l’a installée Au terme d’une nuit de recherches, l’avocat apprend qu’on l’a retrouvée poignardée dans un hôtel de quartier. Elle y avait rejoint Mazetti et, comme elle voulait repartir, il l’a tuée.
J’ajoute que Nicole Berger, disparue dans un accident de voiture à 33 ans, et qui interprète la femme de compagnie placée aux côtés d’Yvette par son vieil amant, avait bien du talent et parvient dans ses brèves apparitions à donner à son personnage le tour vénéneux qui convenait….
Et je termine en rappelant qu’il y a aux manettes le grand Autant-Lara, aux scénario et dialogues les duettistes Bost et Aurenche, et à la musique, René Cloërec ; presque la même équipe que Douce ! Excellent film que En cas de malheur, irrigué par ce qui faisait la trame (ou l’épaisseur, plutôt) du cinéma dit de la Qualité française : les seconds rôles et les silhouettes (Madeline Barbulée, Gabrielle Fontan, Hubert de Lapparent). À voir et revoir. ■
DVD autour de 10€.
Chroniques hebdomadaires en principe publiées le dimanche.