Journal de l’année 14 de Jacques Bainville : Les notes sont quasiment quotidiennes jusqu’au 31 décembre. Sauf du 14 au 27 août à cause des contraintes de la guerre. Nous conseillons vivement de les lire au jour le jour, comme elles furent écrites. Sachons que notre situation française et européenne d’aujourd’hui découle largement des grands événements relatés ici !
« La prise d’Anvers est surtout un affront pour les Anglais »
La prise d ‘Anvers produit l’effet que les Allemands ont vraisemblablement cherché, du moins quant à la France. Leur ténacité, leur acharnement éclatent. On les sent toujours capables de fournir un énorme effort sur un point donné. Toutefois leur offensive, en France, paraît brisée définitivement.
Plus tard, nous saurons jusqu’à quel point la défense d’Anvers a été paralysée ou affaiblie par les innombrables Allemands qui infestaient la ville. Pour Reims, par exemple, cela n’a pas été douteux. Que se serait-il produit à Paris ?
Je revois encore la salle du célèbre restaurant Colomb, à Anvers. J’y déjeunais voilà deux ans et la salle était pleine de boursiers dont plus de la moitié parlait allemand. Un navire de guerre français était venu peu de jours auparavant, et au départ une scène pénible avait eu lieu, en raison de la désertion de vingt-trois de nos marins. J’entends encore un Allemand racontant la chose avec complaisance, donnant des détails, répétant le chiffre vingt-trois en insistant : « Drei und zwanzig. » Il pensait évidemment : « La France n’existe plus. Nous en ferons ce que nous en voudrons et elle ne sera pas capable de nous empêcher de prendre Anvers et le reste… » Aujourd’hui cet Allemand-là doit être content. (Illustration d’époque, prise d’Anvers).
La prise d’Anvers est surtout un affront pour les Anglais, sinon un danger pour eux : on parle d’une promenade prochaine des Zeppelins au-dessus de Londres. ■ JACQUES BAINVILLE
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