Par Je Suis Français.
Nous lisons souvent sur les réseaux sociaux – surtout grâce à Sylvain Tesson, autre figure – de magnifiques citations d’Hélie de Saint-Marc, et nous nous souvenons.
Algérie Française
Adolescents, nous avions entendu son nom. À propos de la guerre d’Algérie. À propos donc de cette tragédie que fut la rupture entre la France et sa colonie de l’autre rive de la Méditerranée.
Face à Marseille, où nous vivions, se trouvait Alger, turbulente et rebelle. L’Algérie était « française » ; en tout cas, c’est ce que nous pensions alors. Était-elle vraiment la France ? Ses habitants les plus nombreux étaient-ils des Français ? Légalement, peut-être. Mais en réalité ? Nous pensions que oui. Sans trop creuser la question. Les plus ardents partisans de l’Algérie française, notamment les Français d’Algérie, plaidaient pour l’intégration. La plupart avoueront plus tard que, dans leur for intérieur, ils n’y avaient jamais vraiment cru. Maurras, aussi, avait émis de sérieux doutes autrefois. Nous les ignorions.
En tout cas, nous faisions partie de ceux, notamment à l’Action Française, qui voulaient que l’Algérie fût française sous quelque forme que ce soit. Comme nos chefs militaires, officiers, soldats, qui avaient donné leur parole que la France resterait. Entre autres, aux musulmans, harkis ou autres, qui s’étaient engagés pour la France au péril de leur vie et qui, finalement trahis, d’une manière ou d’une autre, au propre ou au figuré, l’ont en définitive tragiquement, désespérément, perdue.
Hélie de Saint-Marc avait été de ces officiers qui n’acceptèrent pas. Il fut un rebelle. Il participa, à la tête de ses paras du 1er REP, au putsch raté des généraux d’Alger en avril 1961. Quelques mois avant, le prince François d’Orléans avait été tué en opération en Kabylie. Était-ce pour rien ? Et au fait, où étaient-ils alors, le ou les prétendants espagnols au trône de France ? (Comment osent-ils ? !).
Le commandant de Saint-Marc fut condamné à 10 ans de réclusion, et tout ce qui va avec… Emprisonné, dégradé, lourdement sanctionné. Nous l’admirions pour ces raisons, qui étaient des raisons d’honneur.
Nous ne savions pas que, quarante ans plus tard, nous devrions le revoir, dans la cour des Invalides, courbé par l’âge, agrippé à son déambulateur, et se redressant face à Nicolas Sarkozy, pour recevoir des mains du Chef de l’État les insignes de Grand-Croix de la Légion d’Honneur…
Hélie de Saint-Marc, Champs de braise
Hélie de Saint-Marc, très jeune, avait été – vraiment – résistant, avait connu la déportation — à Buchenwald — puis il avait « fait » l’Indochine, Suez et l’Algérie. Il avait beaucoup à raconter, à partager, fruits de ses longues années de méditation forcée sur l’aventure militaire et humaine qu’il avait vécue si rudement. Il devint un auteur à succès.
Il avait écrit Les Champs de braise, un livre superbe qui fit grand bruit. Nous nous souvenons d’avoir rencontré le prince Jean, chez lui, à Paris, en compagnie de Jean Gugliotta, le président de l’Union Royaliste Provençale, et que le prince nous avait confié être justement en train de lire Les Champs de braise, un livre qui lui faisait forte impression… Le vieux soldat recru d’épreuves devenait un exemple pour son prince. Saint-Marc lui était attaché. Et nous, sans manquer de respect, étions fiers que ce jeune prince, Dauphin de France selon l’usage de l’Ancien Régime, fût admiratif de ce vieux soldat rebelle.
Très âgé, Saint-Marc parlait donc en vieillard plein d’usage et de raison de sa vie de tumultes et de son livre, dans tous les médias, pour une fois respectueux.
Aux Baux : Rencontre avec Hélie de Saint-Marc
Ce doit être dans ces circonstances et à peu près à cette époque (autour de 1995) qu’il vint aux Baux-de-Provence, invité par nous-mêmes à notre rassemblement royaliste des mois de juin, où les Princes Jean et Eudes devaient aussi venir en 2002, soit quelques années plus tard. C’étaient de « grandes journées de fraternité et d’espérance », comme l’avait écrit Gustave Thibon, qui font encore « rêver » aujourd’hui ceux qui ne les ont ni organisées ni vécues. Trop jeunes ou occupés ailleurs…
Saint-Marc avait accepté notre invitation. Il habitait dans la Drôme (à La Garde-Adhémar), lieu où d’ailleurs il est mort. Très fatigué, très âgé, il avait demandé qu’on vînt l’y chercher pour l’amener aux Baux et le reconduire ensuite chez lui. Nous l’avons fait. C’est le cher et regretté Franck Lesteven qui s’en était chargé. Avec fierté sans doute, pour ce Français d’Algérie, natif, si nous ne nous trompons pas, de Philippeville, où Saint-Marc avait bien dû passer quelque jour ou quelque temps…
Des cadres d’A. F. de la trempe de Franck Lesteven, il n’y en a guère…Il avait impressionné Vladimir Volkoff un soir de veillée militante, une autre année aux Baux, au point qu’il en avait fait un éloge admiratif dans son discours de ce jour-là. Il n’était pas si commode de faire impression sur Volkoff, officier français lui aussi, qui avait connu les combats de son temps. Franck avait dirigé la veillée à laquelle Volkoff n’aurait manqué pour un empire ou plutôt pour un royaume. Il dirigeait la section d’Aix. De quoi ont-ils bien pu parler, Hélie de Saint-Marc et lui, l’enfant de Philippeville au cours du trajet La Garde-Adhémar – Les Baux et retour ? Franck ne nous en a pas parlé. Leur conversation, nous l’imaginons riche et, malgré la différence d’âge, fraternelle.
Hélie de Saint-Marc vint donc aux Baux, sous le soleil et la chaleur de juin, dans les Alpilles. Très entouré, fêté, respecté. Interrogé aussi. Il était une mémoire, et, au sens chrétien, un esprit. Quels furent les orateurs de cette année-là, nous n’en savons rien. Les archives nous le diraient… On lui demanda de prendre la parole. Il ne le voulut pas. Il n’était pas de force ou d’humeur à discourir. On lui tendit un micro à l’ombre des arbres où il se tenait. Il dit simplement deux ou trois fois à l’assistance nombreuse : « Je vous aime ». De sa part, ce n’étaient pas paroles en l’air ! Ce fut compris ainsi.
Quand il s’en alla, nous nous sommes souvenus de ce que nous avaient dit au même endroit Michel de Saint-Pierre, Volkoff et Rapail, eux aussi en partant, dans des termes à peu près semblables : « Vous savez, ici, c’est ma famille. »
C’était aussi la sienne, la nôtre, matérialisée, réunie une fois l’an, à Montmajour, Saint-Martin de Crau et aux Baux-de-Provence, pendant 35 ans. L’A.F. nous a parfois déçus. Ceux qui ont un peu de plomb dans la cervelle remercieront tout de même le Ciel, pour eux-mêmes et pour la France, de l’avoir fait exister. ■ G.P.
Merci pour cet article.
Que de belles figures et de grands hommes passèrent aux Baux …..!
» Des Baux je ferai ma capitale »
Un très grand bonhomme : le reliquat de considération que j’ai pour Sarko tient au fait que, à la surprise générale, il la élevé à la dignité de Grand Croix …
Très beau texte, aussi bien par l’évocation de ce grand soldat patriote que par les souvenirs de Baux et de l’URP.