Marianne : En Europe, pourquoi tant de fascination pour la politique de Giorgia Meloni ?

La Première ministre italienne, Giorgia Meloni. TIZIANA FABI/AFP
Par Marie Labat.
Le 10.10.2024
Commentaire : Voir celui de Michel Yves Michel, qui suffit.  

À quelques jours d’intervalle, le chef de l’opposition espagnol Alberto Nùnez Feijòo puis, plus inattendu, le Premier ministre britannique travailliste Keir Starmer, ont encensé la politique migratoire de Giorgia Meloni, la décrivant comme un modèle à suivre. Bientôt ce devrait être au tour de la ministre chargée de l’asile et des migrations néerlandaise Marjolein Faber de faire le déplacement à Rome. Pourtant, le bilan italien est en demi-teinte. Alors, pourquoi cet engouement ?

Il n’y a encore pas si longtemps, en 2022, lorsqu’elle venait tout juste d’être élue, Giorgia Meloni n’était autre qu’une chef de gouvernement venue de l’extrême droite et, de fait, persona non grata du gratin européen. Elle était une Première ministre italienne qui discourait, à qui voulait l’entendre, du danger de la submersion migratoire, un thème dont elle n’a eu de cesse de faire sa rengaine jusqu’à la tribune des Nations unies, le 24 septembre dernier, pour défendre le « droit à ne pas émigrer ». Mais en deux années, force est de constater que cette petite ritournelle semble avoir fait des émules : alors que Giorgia Meloni était d’abord quasiment infréquentable, voilà maintenant que le Vieux continent fait la queue pour minauder auprès de la chef du gouvernement italien et faire l’apologie de sa politique migratoire.

À la surprenante visite du tout nouveau Premier ministre britannique, Keir Starmer, issu des rangs du parti travailliste, a succédé le voyage du leader du parti conservateur espagnol Alberto Nùnez Feijòo et, bientôt, celui de la ministre néerlandaise de l’asile et des migrations Marjolein Faber. Sans parler des personnalités politiques qui concèdent sans mal le succès de la chef du gouvernement post-fasciste. Que s’est-il donc passé pour que l’Europe en arrive là ? Ou peut-être : qu’a fait l’Italie pour réussir à changer la donne ? Il faut dire qu’après des débuts chaotiques – les arrivées clandestines avaient plus que doublé entre 2022 et 2023 – Giorgia Meloni peut se targuer d’avoir fait baisser le nombre d’entrées irrégulières sur les plages du pays de près de 65 % par rapport à l’année dernière, selon le ministère de l’Intérieur italien. En cause, la Première ministre vante l’effet dissuasif des différents décrets qu’elle a fait adopter depuis son arrivée au pouvoir comme le renforcement des peines pour les passeurs, les restrictions au regroupement familial ou encore le durcissement des conditions d’accueil pour les mineurs.

Mais pour le politologue spécialiste des migrations François Gemenne, ce succès est un leurre. « Il y a moins de gens qui arrivent en Italie parce qu’il y a davantage de gens qui meurent en Méditerranée. Les chiffres se rapprochent de ceux de 2016, l’année noire au cœur de la crise des réfugiés. Cela parce que Giorgia Meloni a fait passer des lois qui compliquent le travail des ONG, leur impose de rentrer au port en Italie entre chaque sauvetage en mer, même s’il y a d’autres naufrages en cours. Et puis, elle a surtout réussi à réduire les arrivées dites irrégulières parce qu’elle les a déportées chez les voisins. » Effectivement, sur les huit premiers mois de l’année 2024, les entrées clandestines ont augmenté de près de 56 % en Grèce et de plus de 66 % en Espagne. Selon le ministère de l’Intérieur espagnol, ce chiffre bondit même à 126 % lorsqu’il concerne plus précisément les îles Canaries. C’est donc davantage un tour de passe-passe qu’a réussi Giorgia Meloni. « En matière d’immigration, toutes les actions politiques sont des actions de communication. Il s’agit surtout de montrer à l’opinion qu’on est prêt à aller jusqu’au bout, qu’on est même prêt à violer les droits humains les plus élémentaires pour régler le problème », précise l’expert.

Et puis, la chef du gouvernement italien profite, en plus, d’un boulevard politique, laissé libre par des règlements de Dublin jugés unanimement en faillite même si, officiellement, la politique migratoire reste une prérogative de l’Union européenne et qu’elle a, en mai dernier, adopté un pacte sur la migration et l’asile. En l’absence d’une réelle politique commune, Giorgia Meloni promeut ainsi librement l’idée d’une « alliance européenne » contre l’immigration irrégulière. Selon le politologue François Gemenne, elle surfe essentiellement sur la popularité d’un accord qu’elle a conclu avec l’Albanie et qui vise à externaliser le traitement des demandes d’asile – Bruno Retailleau l’a même qualifié de « solution innovante » lors d’une réunion des ministres de l’Intérieur de l’UE. « Ce régime d’externalisation intéresse de plus en plus de pays européens parce que c’est une façon de ne plus voir le problème chez soi. En plus, Giorgia Meloni n’est pas au ban de l’Union européenne comme peut l’être Viktor Orbán par exemple, donc ils se disent : au fond si elle l’a fait, qu’est-ce qui nous empêche de faire pareil chez nous ? »

 

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