Journal de l’année 14 de Jacques Bainville : Les notes sont quasiment quotidiennes jusqu’au 31 décembre. Sauf du 14 au 27 août à cause des contraintes de la guerre. Nous conseillons vivement de les lire au jour le jour, comme elles furent écrites. Sachons que notre situation française et européenne d’aujourd’hui découle largement des grands événements relatés ici !
« Un boche ? Chouette, alors ! s’écrie l’artilleur. Je n’en avais pas encore vu ! »
On entretient comme on peut la gaieté française et déjà courent, bons ou mauvais, les « mots de la guerre ».
Maurice Donnay* est l’auteur de celui-ci, qui date de ces derniers jours, quand les aéroplanes allemands – les taubes – venaient tous les matins jeter des bombes sur Paris : « Comment voulez-vous que les Parisiens soient effrayés ? Ils ont l’habitude de prendre leur taube. » (Photo de ces curieux avions des débuts de la Grande Guerre, aux allures de pigeon).
Alfred Capus raconte ce trait, tout à fait caractéristique de la guerre. A l’ambulance, le médecin, avec toutes sortes de précautions, avise un de nos artilleurs blessés que, faute de place, il sera obligé de lui donner un Allemand pour voisin de lit.
– Un boche ? Chouette, alors ! s’écrie l’artilleur. Je n’en avais pas encore vu !
Et c’est très vrai que nombre de blessés n’ont jamais vu l’ennemi, qui tire de loin ou caché dans les tranchées et ne tient pas au contact direct. ■ JACQUES BAINVILLE
* Maurice Donnay (1859-1945), auteur de théâtre, recevra Jacques Bainville à l’Académie française le 7 novembre 1935.
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