Par Arnaud Florac.
Chez Bock-Côté, hier soir, sur CNEWS, donc, Marcel Gauchet parlait en termes brillantissimes et surtout profonds, exacts, de l’effondrement simultané et, bien sûr corrélé, du Politique et tout simplement du cérébral européens, notamment français. De la terrible ignorance historique et donc de l’inconscience grandissante d’une quelconque appartenance des citoyens, « élites » comprises. C’est ce qu’illustre l’article qui suit paru dans Boulevard Voltaire, nos courageux confrères et amis, le 21 octobre. Marcel Gauchet ne croit pas que cet effondrement soit irréversible. En tout cas, il n’est pas sûr qu’il le soit. Là est la porte étroite d’une espérance raisonnable !
Le concours « Puissance Alpha », organisé sur Parcoursup, ouvre la possibilité d’accéder à dix-neuf écoles d’ingénieurs après le bac. On sait qu’en France, où le succès scientifique est structurellement mieux vu que les aptitudes littéraires, les concours pour devenir ingénieurs sont particulièrement relevés et comportent, en général, un large éventail d’épreuves, mélange de sciences « dures » et de culture générale. Mais cette année, il y a une surprise : l’épreuve de français sera supprimée du concours. La raison en est donnée sans ambages par les organisateurs du concours eux-mêmes : « Cette épreuve s’avère anxiogène pour les candidats qui ne se sentent pas toujours prêts à être évalués sur leurs acquis en français. Le résultat de l’épreuve, qu’il soit positif ou négatif, ne fait pas de différence majeure dans l’évaluation globale du profil. » Au moins, c’est clair.
On pourrait crier à la déculturation. On serait, cependant, encore un cran en dessous de la réalité, car l’épreuve de français qui vient d’être supprimée n’était pas une dissertation d’agrégatifs. Il s’agissait seulement d’un… questionnaire à choix multiples de « connaissances verbales et linguistiques », d’une durée de quarante-cinq minutes, destiné à vérifier les capacités des candidats en compréhension de textes, grammaire et orthographe. On se doute qu’en trois quarts d’heure, on n’a pas le temps de faire la preuve de son brio littéraire, et que ce QCM avait donc seulement pour but de vérifier que les futurs ingénieurs maîtrisaient les bases du français. Apparemment, c’était déjà trop.
Vers plus de crétinisme généralisé
Difficile de savoir si l’on va vers plus de spécialisation (des philosophes qui ne maîtrisent pas les divisions euclidiennes et des ingénieurs qui écrivent comme des pieds) ou, tout simplement et plus prosaïquement, vers plus de crétinisme généralisé. Cette suppression révèle à la fois l’hypersensibilité des élèves, qui « ne se sentent pas toujours prêts », et la démission des professeurs, qui retirent tout simplement du programme la maîtrise, par les candidats, de leur langue maternelle.
Si l’on prend un peu de recul historique, tout cela va à l’encontre de quatre ou cinq millénaires d’esprit occidental. Sur notre continent, dans notre aire civilisationnelle, un vrai érudit est un homme complet, en littérature comme en sciences. Blaise Pascal en est un exemple éclatant. Il disait d’ailleurs qu’« il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une seule chose ». Le principe était d’ailleurs le même dans la relation entre corps et esprit (« mens sana in corpore sano », selon la célèbre formule de Juvénal) : Pythagore fut champion olympique de boxe avant de se consacrer à la musique et aux mathématiques, entre mille autres choses. On pourrait même étendre la nécessité d’être complet à la forte récurrence d’écrivains géniaux qui, jadis, exercèrent d’importantes responsabilités politiques ou militaires : César, Cicéron, Monluc, La Rochefoucauld… jusqu’à Jünger. L’hyperspécialisation des êtres humains, qui par principe sont des êtres pensants aux multiples facettes, va bien au-delà de la chute du niveau scolaire. Ce n’est tout simplement pas une bonne nouvelle pour l’humanité. « La république n’a pas besoin de savants », disait le président Coffinhal à Lavoisier, en 1793. « Trop de science corromprait ma jeunesse », renchérissait Adolf Hitler. Un régime qui se méfie de la culture et de l’intelligence ne tire jamais la nature humaine vers le haut.
La maîtrise du français n’est pas une variable d’ajustement. Elle est un moyen de ne pas s’adresser à autrui avec une machette ou un marteau. Elle a sorti du ruisseau des génies qui seraient demeurés en bas de l’échelle sociale. Mais la République française n’a peut-être pas besoin de génies… ■ ARNAUD FLORAC
De toute façon , dans les écoles d’ingénieurs, l’enseignement se fera exclusivement en anglais dans les quelques prochaines années… de l’aveu même des dirigeants.
Mais bien entendu « leur » république n’a pas besoin de « savants » mais de pov’imbéciles incapables de s’exprimer ou de trouver substance dans des écrits soignés.
Personnellement j’ai eu la surprise de constater que des pov’sots me disaient au téléphone « mais je ne comprends pas ce que vous me dites, il faut parler français » . Mon rythme cardiaque prenant le mors aux dents, j’étais dans l’obligation de dire à l’interlocuteur qui avait d’ailleurs un acccent lamentable
(devinez, devinez quel accent) que j’étais ce qu’ils ne seront plus : une spécialiste de ma langue « naturelle ». ma si belle langue française ! Et d’ajouter, sans chamaillerie inutile, que c’était à mon correspondant d’aller apprendre cette langue harmonieuse afin de croire enfin être Français.
Hélas, hélas…
Une citation qui laisse augurer des lendemains difficiles dans la servitude.
« Les frontières de mon langage sont les frontières de mon monde.
Le langage peut restreindre le champ de la pensée.
Un langage pauvre nous condamne à une pensée pauvre. »
Ludwig WITTGENSTEIN (1889 – 1951)
Si on parle mal le français, on ne pourra pas bien parler une autre langue, et les traducteurs automatiques n’y pourront rien, car en entrant un texte mal écrit, on aura une réponse nulle..
DONNEZ LE NOM DES ECOLES
Encore une mesure destinée à faciliter l’ incorporation dans les grandes écoles, des Français de passage, nés par hasard sur notre sol
« 19 écoles d’ingénieurs n’auront plus d’épreuve de français au concours d’entrée » voila une décision bien préjudiciable à la qualité de formation de ces futurs ingénieurs . Inclure la maîtrise de la langue française dans l’épreuve de concours d’intégration à l’une de ces 19 écoles
est tout fait indispensable pour s’assurer de la future réussite et du succès professionnel des ingénieurs qui continueront à être formés dans ces écoles .
En effet un ingénieur se doit de maîtriser des concepts scientifiques , organisationnels , technologiques … , et pour maîtriser ces concepts la parfaite maitrise de la langue française est une nécessité et doit donc être requise
Qui plus est , au moment où se développent les applications de l’intelligence artificielle et plus particulièrement celles de l’« IA générative ». , domaine qui fait explicitement appel aux notions « Modèles de langue » , « espace sémantiques » , au « TALN « ( Traitement Automatique du Language Naturel ) comment comprendre et justifier la suppression de cette épreuve de français ?
« Quatre à cinq mille ans d’esprit occidental » ? Qui dit mieux ? Faut pas pousser ! Talleyrand est présumé avoir dit que tout ce qui est excessif est insignifiant….
Déliquescence organisée par …
On creuse encore et encore…..
La langue française n’est-elle pas déjà « mitée » de nombreux trous qui s’agrandissent régulièrement créés par le remplacement de mots et d’expressions françaises par des mots et expressions de l’anglais avec évidemment notre accord. Il suffit d’ouvrir les yeux et les oreilles…Rivarol, au secours!