Cette publication d’une qualité toute particulière, extrêmement soignée, riche d’images, nous a été signalée par un visiteur de JSF, qui, y ayant trouvé un article sur Mistral qui l’a intéressé, nous a transmis ce beau travail dont il est l’auteur, paru sur un site d’esprit local La Seyne en 1900. Nous avons souhaité le publier ce que nous faisons ici en accord avec l’auteur. Merci à lui. Ainsi se font parfois d’heureux échanges sur la toile… ■ JE SUIS FRANÇAIS La Rédaction.
Lors de notre visite au Centre des métiers d’art Mano X Alto d’ Ollioules pendant la fête de l’Olivier, l’artisan sérigraphe qui nous accueille nous montre ses tirages et s’étonne que nous reconnaissions Frédéric Mistral de profil sur un imprimé.
« Le plus souvent les gens croient y voir Buffalo Bill » nous dit-il.
Un souvenir confus me vient en mémoire d’un lien existant entre ces deux personnages. Voici l’histoire (racontée par ailleurs, parfois avec talent mais surtout beaucoup d’anachronismes), plus proche de la réalité grâce à la magie d’internet et de la BnF Gallica, une source intarissable…
Même chevelure, même moustache, même barbiche, même chapeau à larges bords (un Stetson sur mesure pour Bill Cody). Deux légendes à part entière, les deux ayant en commun le souci de perpétuer en la mythifiant une culture en voie de disparition, le « bon vieil Ouest » d’un côté et de l’autre la riche civilisation de la Provence rurale (prix Nobel de littérature en 1904 en langue provençale).
Mais le point commun entre ces deux hommes dont il est question ici n’est pas dans cette liste…
Une des photos les plus connues de « Lou Felibre de Bello Visto », le montre assis dans sa cour caressant un chien. C’est un chien le point commun entre ces deux hommes. Sur la photo de 1900 c’est Pan-panet, il est le rejeton de Pan-perdu le protagoniste cette histoire…
Le contexte :
Dès 1883, le célèbre Buffalo Bill, qui fut tour à tour éclaireur scout dans l’armée américaine sous les ordres du Général Custer, convoyeur, messager pour le Pony-Express en 1857, chasseur de bisons (mais aussi d’Indiens d’Amérique du Nord), crée un spectacle itinérant, le Wild West Show. Il débarque en France en 1889 à l’occasion de l’Exposition Universelle à Paris. La première de son spectacle (la troupe était installée à Neuilly) a lieu le 18 mai 1889 en présence de Sadi Carnot, Président de la République mais aussi de la comédienne Sarah Bernhardt et des peintres Paul Gauguin et Edvard Munch. C’est un énorme succès. Le Tout-Paris accourt (dont Edison, Rosa Bonheur, ou encore les ducs d’Aumale ou de Penthièvre). À chaque représentation, deux fois par jour, 15 000 spectateurs vivent l’Ouest américain. (l’accès sera ensuite limité à dix mille personnes par séance).
L’Exposition Universelle Internationale de 1889
C’est là que René de Jouëtte*, premier mytiliculteur à La Seyne-sur-Mer, fut reconnu comme l’un des fondateurs de l’ostréiculture en Méditerranée et obtient une médaille d’argent, mais ceci est une autre histoire.
L’Exposition Universelle Internationale de 1889 est la dixième du nom.
Organisée à Paris, étendue sur 95 hectares, l’Exposition se tient à Paris du 5 mai au 31 octobre 1889. Elle occupe le Champ de Mars, la colline du Trocadéro et les quais jusqu’à l’esplanade des Invalides, et la tour Eiffel construite pour cette occasion est au centre de tous les regards. Son thème est la Révolution française, dans le cadre du centenaire de cet événement. La capitale des lumières célèbre 100 ans de liberté, d’égalité et de fraternité, un anniversaire boycotté par de nombreuses monarchies….C’est aussi la première exposition coloniale parisienne.
« Outre la tour Eiffel, flambant neuve, l’attraction principale offerte aux 28 millions de visiteurs de l’Exposition universelle est le « village nègre » et ses 400 Africains, exhibés sur l’esplanade des Invalides, au milieu des pavillons coloniaux ». Ces zoos humains, « spectacles anthropozoologiques »ont un énorme succès…
« L’exposition ethnologique »
Le chien de Mistral
L’explication c‘est Mistral lui-même qui la raconte à Jules Bois en 1901 dans un ouvrage, publié en 1902 « L’Au delà et les forces inconnues, opinion de l’élite sur le mystère« , (Ollendorff), le paragraphe étant intitulé « Le chien de Mistral et la métempsychose ».
Jules Bois est un poète, romancier, dramaturge, essayiste et journaliste, un écrivain voyageur, auteur d’ouvrages sur l’ésotérisme et théoricien du féminisme, docteur en psychologie). Il retranscrit dans cet ouvrage les échanges épistolaires qu’il eut avec le maître en 1901 à propos de ce chien Pan-perdu, qui lui prêtait des dons exceptionnels, notre félibrige versant volontiers dans le mysticisme.
Voici le témoignage de Mistral in extenso :
« En admettant qu’un esprit eût bien voulu, dans un but quelconque, s’incorporer dans Pan-perdu, cet esprit fut obligé d’employer les moyens terrestres. Or voici une indication qui me parait toute naturelle ».
« Lors de l’Exposition de 1889, l’Américain Buffalo-Bill avait amené à Paris une tribu de Peaux-Rouges accompagnés d’une meute de petits chiens indiens qu’on employait à divers exercices. Or Buffalo-Bill, avec son grand chapeau et sa coupe de barbe, me ressemblait absolument ».
Après l’Exposition, Buffalo, vint à Marseille. Un de ses chiens sauvages put s’échapper du wagon, à Tarascon ou à Arles – et après avoir vagué quelque temps dans la campagne, il crut un soir d’été, avoir retrouvé son maitre, en voyant son sosie, je veux dire Mistral, passer dans le chemin.
« Un jour que je me promenais à l’entrée du crépuscule, dans un chemin rural, je vis tout à coup du fossé de la route, comme une espèce de gnome tout noir et sémillant, un petit chien qui me flaira, me suivit à la maison et ne voulut plus me quitter. Cette rencontre d’un chien perdu qui a l’intelligence de choisir son nouveau maitre n’a rien de bien miraculeux. Mais elle me frappa pourtant parce que l’incident se passa à la brune derrière le « Mas » ou je suis né et que j’ai quitté depuis longtemps, et au pied des cyprès noirs où j’allais par prédilection jouer quand j’étais petit. Or comme Pan-perdu (c’est le nom d’un nain troubadour, que je donnais un nouveau venu) a certaines allures mystérieuses et cabalistiques, comme à certains moments il tourne sur lui-même vertigineusement en se mordant la queue, comme parfois il me regarde avec des yeux étonnamment perçants, et comme il n’appartient à aucune des races connues dans le pays, j’ai fini, Dieu me pardonne, par me persuader que quelque bon ancêtre avait choisi cet «avatar » pour me protéger, qui sait ? dans quelque danger à venir.«
NDLR : Pan-perdu en septembre 1901 est dit par Frédéric Mistral « mort depuis 2 ans » (donc en 1899). Sur la photo connue qui date de 1900 il s’agit donc bien de Pan-panet le rejeton de Pan-perdu.
Un chien du Circus aurait sauté du train qui conduisait Buffalo-Bill à Marseille en 1889, possiblement lors d’un arrêt en gare de Tarascon ou Arles et aurait pu confondre Frédéric Mistral avec Buffalo Bill, c’est la version puisée « à la source » chez un poète, qui plus est empreint de mysticisme…La version mistralienne en quelque sorte…Se non è vero è bene trovato !
The Wild West Show
La troupe revient en France en 1905 Le Figaro écrit : «Inimitable ! C’est par ses proportions colossales, ses 100 chapiteaux surplombés par tous les drapeaux du monde, ses 800 acteurs, ses 500 chevaux de selle, ses 250 chevaux de trait, ses 80 wagons que Buffalo Bill est tout d’abord inimitable […], c’est par ses peuplades de Peaux-Rouges, par ses reconstitutions historiques absolument exactes, que la Wild West est inimitable». Après Paris la troupe sillonne la France entière: pas moins de cent villes accueillent la troupe de Buffalo. Deux séances par jour, et déjà des produits dérivés, des photos, des carabines en toc, des objets ayant appartenu aux Indiens.
Cet immense barnum se déploie dans toute l’Europe, enchantant les foules et forgeant le mythe de la conquête de l’Ouest.
« Soixante millions de spectateurs estimés en vingt ans: ce show signe la naissance du divertissement de masse. Il marque aussi le point d’orgue de la destruction d’un peuple », selon l’écrivain Éric Vuillard, (dans « Tristesse de la terre » chez Actes Sud).
D’autres versions circulent selon lesquelles en 1905 le chien de BB se serait échappé du Wild West Show à la gare de Tarascon et se serait retrouvé dans l’arrière-cour de Frédéric Mistral lors de la venue du cirque en Provence, un fait objectif car la troupe s’est installée les 27 et 28 octobre 1905 sur un terrain vague route d’Arles, à Nîmes. Frédéric Mistral et Folco de Baroncelli (le marquis manadier et poète) ont bien assisté à la représentation le 27 octobre 1905. Mais le chien est mort depuis bien longtemps…
Ou bien « un jour d’hiver de 1905, le grand poète provençal et lexicolologue Frédéric Mistral a reçu une visite à Maillane, près d’Arles, de William Cody alias Buffalo Bill », etc, etc…
Au-delà des hypothèses, échafaudées sans réel fondement ci et là, la version qui s’impose est bien celle de Jules Bois en 1902 (parvenue à nous grâce à la magie de la BnF Gallica), lui qui, travaillant sur l’ésotérisme avait recueilli épistolairement en 1901 le témoignage direct de Frédéric Mistral sur ce chien Pan-perdu aux dons prétendus exceptionnels.
Le cimetière de Maillane
Mistral a tracé lui-même les plans de son tombeau-mausolée; Outre de beaux visages de Provençales (une Mireille et une arlésienne) et l’étoile à sept branches du félibrige, le Poète a exigé qu’un sculpteur grave sur la pierre l’effigie de Pan-Perdu et de Pan-panet !
Le mausolée du Poète
Voir par ailleurs l’amitié de Mistral et d’Angelo Mariani , l’inventeur du Coca Mariani à l’origine d’une certaine boisson…
https://www.laseyneen1900.fr/2022/09/28/le-coca-mariani/*
Sources
Wikipédia
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k623413/f102.item
https://www.lefigaro.fr/livres/2014/11/06/03005-20141106ARTFIG00031–tristesse-de-la-terre-buffalo-bill-le-grand-cirque.php
https://mascultura.mx/frederic-mistral-bio/
http://acantari.overblog.com/2017/04/quand-bill-rencontre-fred.htm
https://www.geo.fr/histoire/dix-choses-que-vous-ne-saviez-pas-sur-buffalo-bill-167409
https://jeanprovencher.com/2015/08/27/pan-perdu-le-chien-de-frederic-mistral/
https://www.midilibre.fr/2022/08/28/une-grande-amitie-est-nee-entre-les-sioux-et-zintkala-waste-marquis-de-baroncelli-10509224.php
https://expositions.bnf.fr/cnac/grand/cir_3122.htm
https://cirque-cnac.bnf.fr/fr/dressage/chevaux/buffalo-bill-et-le-wild-west-show
frederic-mistral-▬-connaissez-vous-cette-histoire-lisez-la-et-aussi-notre-commentaire
https://www.conservatoire-documentaire-culturel-frederic-mistral.fr/139+en-attendant-des-jours-meilleurs.html
Photo de Pan-perdu par Nadar : Epreuve photo, cliché Nadar – coll. de l’auteur. novembre (1898). Restauration/Colorisation par I.A
Dernière photo : API/Gamma-Rapho colorisation I.A
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