Par Gérard Leclerc.
Pour rappel : Léon Bloy est mort le 3 novembre 1917.
Publié le 12.11.2017 – Actualisé le 3.11.2024.
Hier, Leonardo Castellani, un étonnant génie du pays de notre pape François, nous offrait, en quelque sorte, une clé pour entrer dans l’intimité de cet autre génie qu’est Léon Bloy.
Une clé qui risquait d’en rebuter plus d’un. Reconnaissons-le : l’annonce du Royaume avec Bloy, ça n’est pas une partie de plaisir. Ça risque même d’en faire fuir beaucoup. Mais la Bonne Nouvelle ne se traduit pas non plus facilement en termes publicitaires. L’Évangile, qui nous amène au Vendredi saint, suffirait à nous en avertir. Et de ce point de vue là, Bloy est dans la ligne, il ne nous raconte pas d’histoire. Bernanos confirme le diagnostic de Castellani. Il a écrit en 1947 un texte intitulé Dans l’amitié de Léon Bloy, où il note que si l’écrivain a dans le monde, et singulièrement en Amérique latine, des milliers d’amis, « nul, en apparence, n’a moins que lui recherché l’amitié ; il l’eut plutôt déconcertée, découragée, il l’a souvent défiée, provoquée avec une espèce de colère sacrée… ».
De cette attitude, Bernanos tire une leçon pour son temps qui peut être prolongée encore aujourd’hui. Et là encore, il nous faut encaisser. Nous sommes, en effet, très loin d’une thématique qui a cours chez nous autour de « l’ouverture au monde ». Nous serions trop loin des attentes du monde, et c’est pourquoi l’Évangile n’y serait pas entendu. Bien sûr, il y a quelque chose de vrai là-dedans, si l’on entend par ouverture proximité avec le prochain, écoute du cœur. Mais c’est tout autre chose qu’un alignement sur l’esprit du temps et les idéologies en cour.
C’est là que l’inflexibilité de Bloy et de Bernanos fait réfléchir. La question n’est pas, je traduis, de se trouver du côté du monde, mais de s’y trouver avec Jésus Christ. Et pour cela, il y a des ruptures nécessaires, des conversions, et même des polémiques, comme il y a des polémiques dans l’Évangile. Polémiques qui ne servent pas à rabaisser l’autre, mais à le faire émerger, ne serait-ce que pour découvrir la charte du Royaume, où se trouve exalté l’esprit de pauvreté. Cet esprit que Léon Bloy a poursuivi toute sa vie. • GÉRARD LECLERC
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 7 novembre 2017