Le Journal de l’année 14 de Jacques Bainville, que JSF publie quasi quotidiennement, exprime une constante consternation devant la faiblesse des dirigeants de notre République, leur soumission et leur naïveté face à l’âpreté, la ruse et l’absence de scrupules avec lesquelles les puissances de l’époque défendent leurs intérêts. Les dirigeants français se laissent ainsi manipuler, manœuvrer à l’envi. Les choses ont-elles changé après plus d’un siècle ? Notre incapacité à mener une politique étrangère efficace est-elle une caractéristique congénitale de la République française ? La réponse est oui. JSF
Cette intéressante chronique qui complète et renforce nos publications d’hier 7 novembre sur le dossier algérien, est justement parue sur le JDD, également hier jeudi.
« Emmanuel Macron n’aura eu de cesse de céder aux objurgations algériennes »
CHRONIQUE. Le président de la République est soucieux de satisfaire les autorités algériennes, quand bien même celles-ci ne sont pas intéressées par un réchauffement des relations avec la France, relève notre chroniqueur Arnaud Benedetti*.
Après Rabat, Alger. Ou plutôt : pour se faire pardonner Rabat, Emmanuel Macron redonne des gages à Alger. Comme s’il fallait calmer l’éternel ressentiment du pouvoir algérien, toujours affamé de repentance dès lors qu’il se tourne vers l’ancienne puissance coloniale dans laquelle il ne cesse de voir la source de tous ses maux passés, présents et sans doute futurs. Maux fantasmés dont il faut bien dire qu’ils constituent prioritairement un alibi visant à occulter ses propres insuffisances et ses échecs immenses.
Peu importe, in fine, qu’une telle prédisposition soit toute de post-vérité ; l’essentiel est qu’un tel stratagème opère et fonctionne. Ce qui avec Emmanuel Macron est d’autant plus le cas qu’il est sans doute le président de la Ve République le moins affranchi de la relation avec l’État algérien. Tout avait commencé en 2017 lors de la campagne présidentielle où Macron le jeune s’en était allé, « bourgeois de Calais » en rappel clientéliste, complaire aux autorités algéroises. Pour ce faire, il avait affirmé que la présence française durant 130 années sur les autres rives de la Méditerranée pouvait s’apparenter à un crime contre l’humanité ! Il s’ensuivit en France une légitime controverse qui attesta, encore une fois, d’une mémoire vive, dont les plaies étaient loin d’être cicatrisées.
Quelques années plus tard, à l’occasion d’une visite officielle à Alger à nouveau, le président français amenda quelque peu ses propos initiaux, en s’en prenant cette fois-ci et non sans raison à la « rente mémorielle » dont userait et abuserait la classe dirigeante algérienne pour s’absoudre de son évidente responsabilité dans la situation du pays. Il n’en demeure pas moins que passé ce fugace moment de lucidité, Emmanuel Macron n’aura eu de cesse de céder aux objurgations algériennes, plongeant toujours plus dans le piège des héritiers du FLN, dont l’arme culpabilisante n’a d’autre but que d’affaiblir la France d’une part et de minorer d’autre part l’exercice cynique de leur pouvoir.
C’est bien la marche funèbre du repenti qui aura accompagné depuis sept années Emmanuel Macron dans le rapport qu’il a voulu instaurer avec l’Algérie, au mépris de la réalité nécessairement complexe de l’histoire et des mémoires qui ici en France ne se résignent pas à accepter la geste narrative qui prévaut à Alger. Et en ce 70e anniversaire du déclenchement des hostilités en Algérie, le 1er novembre 1954, il vient d’ajouter une pierre à son édifice de soumission commémorative telle qu’en rêve l’oligarchie militaro-nationaliste qui tient d’une main de fer les rênes du pouvoir algérien. En reconnaissant en cette date anniversaire la responsabilité réelle de l’armée française dans la mort de l’un des leaders du FLN, Larbi Ben M’hidi, le chef de l’État français procède à un travail de mémoire hémiplégique et qui entend exclusivement satisfaire le manichéisme idéologique qui, de la gauche française aux oligarques algériens, vise à construire une histoire à charge dont la France devrait forcément porter le fardeau.
Bien évidemment une perspective aussi sommaire que schématique n’a d’autre but que de passer sous silence le terrorisme islamo-nationaliste qui, de 1954 à 1962, caractérisa une lutte qui n’hésita pas à commettre des exactions de masse à l’encontre tant des populations européennes que musulmanes. Or, une mémoire qui s’exonère d’une partie de sa charge est une mémoire biaisée, pernicieuse, piégeuse. Une fausse conscience, en quelque sorte, qui en évacuant et dissimulant sa part maudite impose non pas un dépassement des déchirements d’hier, mais leur prolongement par-delà les morts et les vivants. Une telle mémoire poursuit de facto un combat sur le sol même de l’ancienne puissance coloniale, sur le terrain culturel, au cœur des esprits des élites et des leaders d’opinion, là où l’histoire est ce « produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré », pour reprendre le mot efficace et parlant de Paul Valéry.
De l’autre côté de la Méditerranée, on sait pouvoir compter sur les failles incommensurables de nos responsables politiques
Tout se passe comme s’il fallait reproduire jusqu’à reddition de l’adversaire d’hier une guérilla psycho-politique qui se fixe pour cible le désarmement moral du pouvoir français et de ses appendices éditoriaux et intellectuels dont certains ne manquent jamais d’en appeler à la génuflexion unilatérale de la France. Les néodécoloniaux, wokes et autres, tiennent avec l’Algérie cet « os à ronger » dont les gouvernants à Alger ont compris qu’il était un extraordinaire cheval de Troie en vue de leur entreprise de culpabilisation des dirigeants français. La guerre mémorielle qu’ils imposent avec hargne à la France n’est rien d’autre que la continuation de la guerre d’Algérie par d’autres moyens. C’est une guerre mentale, subversive comme toute guerre mentale, inlassable, car légitimante et donc vitale pour les hiérarques algériens, et conquérante aussi car disposant ici même de relais multiples et variés. Le jour même de l’annonce élyséenne, la sénatrice de Marseille Samia Ghali se félicitait du geste présidentiel, quand le recteur de la grande mosquée de Paris faisait part de son émotion sur X au moment où les commémorations officielles du 70e anniversaire de la « Toussaint rouge » débutaient à Alger…
De l’autre côté de la Méditerranée, où l’on n’est jamais à satiété des repentirs français, on sait pouvoir compter sur les failles incommensurables de nombre de nos responsables politiques, intellectuels, médiatiques pour accompagner de l’intérieur un discours corrosif, déconstructeur, et dévitalisant. Vaincre sans combattre, comme le professait l’incomparable Sun Tzu, n’est-ce pas l’art suprême de la guerre, surtout lorsque cette guerre est culturelle et qu’elle vise d’abord à s’emparer des esprits par une lancinante imprégnation d’un côté, celui de l’intérieur et par des demandes toujours plus soutenues et intransigeantes de l’autre, celui de l’ancienne colonie indépendante… depuis sept décennies ! La tenaille des injonctions n’a que de trop beaux jours devant elle, si l’on ne comprend pas qu’en l’état actuel du rapport de force Paris-Alger, il n’y a rien à attendre du régime algérien. ■ ARNAUD BENEDETTI
Pour effectuer la rédaction du manuscrit de « Mémoire de mes souvenirs » qui a été édité par le Lys Bleu, j’ai effectué des recherches étant né à Alger de parents d’ascendance ou d’origine alsacienne et j’ai cité cette phrase d’Emmanuel Macron prononcée le 26 janvier 2022 lors de la réception de représentants de rapatriés français lors de la campagne présidentielle à propos du massacre de civils survenu rue d’Isly « le massacre de la rue d’Isly, à Alger en 1962 est impardonnable pour la République… ».Je rappelle qu’entre 70 et 80 personnes désarmées perdirent la vie dans des conditions horribles selon les photos et les témoignages collectés. Pour terminer cette note je rappelle que le nom actuel de l’ex-rue d’Isly à Alger est « Rue Larbi-Ben-M’Hidi »….