Journal de l’année 14 de Jacques Bainville : Les notes sont quasiment quotidiennes jusqu’au 31 décembre. Sauf du 14 au 27 août à cause des contraintes de la guerre. Nous conseillons vivement de les lire au jour le jour, comme elles furent écrites. Sachons que notre situation française et européenne d’aujourd’hui découle largement des grands événements relatés ici !
«… des journalistes de bas étage (à deux ou trois exceptions près), bref parmi tout un monde totalement illettré. »
Grosclaude, dans Le Journal, a publié avant-hier un excellent article qui gênera considérablement l’obscure intrigue qui se noue en faveur de la paix, intrigue pour laquelle Joseph Caillaux travaille et qui n’attend qu’une occasion pour sortir de l’ombre.
L’article de Grosclaude (Photo de Nadar) nous est confirmé de première main : c’est une nouvelle Affaire Dreyfus qui s’annonce, avec les mêmes éléments.
Aujourd’hui Les Débats donnent, comme venant de La Nouvelle Presse libre de Vienne, la traduction d’un article où Joseph Caillaux est présenté comme l’homme de la situation, celui qui sera le héros de la France de demain parce qu’il est le seul homme politique de la République qui n’ait pas de responsabilité dans la guerre, etc… Pavé de l’ours germanique, horriblement compromettant pour Joseph Caillaux. Or cet article avait paru le 17 octobre dans La Gazette de Francfort. Je l’avais traduit. Maurras l’avait commenté, et la censure avait interdit texte et commentaire. Le texte prohibé à L’Action française comme venant de Francfort a donc paru hier aux Débats, comme venant de Vienne. Chef-d’oeuvre de la censure dont l’étourderie et l’ignorance sont sans bornes et qui fait choir dans le ridicule les idées de salut public et d’autorité. L’état-major du général Galliéni est composé de vaudevillistes, de ténors et d’impresarii. La censure est recrutée parmi des coulissiers juifs, des habitués du café Weber*, des journalistes de bas étage (à deux ou trois exceptions près), bref parmi tout un monde totalement illettré. ■ JACQUES BAINVILLE
* Célèbre café, rue Royale, que fréquentait Marcel Proust.
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