« Ainsi, Monsieur Mélenchon se voit poussé au désespoir. Peut-être commence-t-il à comprendre qu’il ne suffit pas de se prétendre l’ennemi du système pour en devenir la victime. »
Par Dominique Labarrière.
Ce billet optimiste — peut-être trop optimiste, l’avenir le dira — est paru ce matin même dans Causeur (15.11). À écouter ses toutes récentes déclarations à propos des peines exorbitantes réclamées par les juges contre Marine Le Pen, nous nous étions naïvement dit qu’il y avait, passées ses folies et sa rage toute robespierriste, un vieux sens de la justice, une vieille et persistante liberté d’esprit chez Jean-Luc Mélenchon. Nous n’avions pas vu qu’il pouvait aussi se sentir en compétition avec Marine Le Pen, dans l’ordre de la persécution et des bénéfices qu’elle confère., ce que Dominique Labarrière a peut-être eu la supériorité de bien percevoir. On ne cesse jamais d’apprendre !
Jean-Luc Mélenchon est dans une mauvaise passe. Malgré tous ses efforts, le système rechigne à le considérer comme son adversaire.
La situation, bien que tragique pour lui, est cependant des plus simples. Au RN, à Monsieur Bardella, à Madame Le Pen, tout ! À lui, rien ! Quelle injustice ! Quelle ignominie.
Je pense en effet que Monsieur Mélenchon serait fondé à hurler au complot. Il ne peut s’agir d’autre chose que de cela, une odieuse conspiration. Des forces obscures sous le masque de centrales syndicales ou de parquet de justice s’emploient à saper ses plus légitimes ambitions politiques en favorisant outrancièrement ses principaux concurrents – ceux que je viens de nommer – déroulant sous leur pas le tapis rouge de la victimisation, de la stigmatisation, du sacrifice sur l’autel de l’iniquité et de l’injustice. Sont-ils devenus fous, ces militants bornés, ces magistrats sous influence !? Où cela s’arrêtera-t-il donc ?
Voilà quelques jours, une engeance syndicale assurait le succès du lancement du livre de Jordan Bardella, Ce que je cherche, en le privant éhontément de toute campagne d’affichage dans les gares du pays. C’était déjà énorme. Énôôôrme, comme dirait Luchini.
Mais à peine Monsieur Mélenchon peut-il se remettre de ce camouflet que des procureurs particulièrement en verve s’avisent d’en remettre une couche, une sacrée couche, en faisant de Madame Le Pen la plus formidable victime du système qui se puisse concevoir. On cause prison, amende phénoménale, exécution de peine d’inéligibilité alors que tous les recours de justice n’étant pas épuisés on pourrait peut-être bien exciper d’un reliquat de présomption d’innocence ?
À croire, se révolte très légitimement M. Mélenchon, que, par de tels procédés, ces gens s’emploient, à faire grimper l’électorat d’en face de onze millions à vingt ou vingt-cinq millions…
Oui, il trépigne, il vocifère, il s’étrangle. Il a beau se complaire dans les franges abjectes de l’antisionisme le plus insane, cracher le feu de l’invective, de l’anathème, de l’insulte à chaque prise de parole, pousser ses affidés à se comporter en petites frappes parlementaires, en petites frappes tout court, et malgré tant et tant de constance, d’excès de moins en moins expiables, toujours pas la moindre garde à vue, la plus légère mise en examen. Pire encore, il en viendrait à publier son opus Le chaos que je cherche, personne dans les instances syndicales ou dans hautes sphères de la SNCF ne lèverait le petit doigt ne serait-ce que pour tenter d’en empêcher l’affichage. Peut-être même agrandirait-on les panneaux ? Peut-être même nombre de cheminots syndiqués se transformeraient-ils gaiement en hommes sandwichs ? Iraient-ils jusqu’à renoncer à la grève des fêtes de fin d’année afin que le maximum de public puisse suivre la campagne publicitaire, c’est ce que je me garderais bien de pronostiquer. Cependant, on ne peut l’exclure.
Ainsi, Monsieur Mélenchon se voit poussé au désespoir. Peut-être commence-t-il à comprendre qu’il ne suffit pas de se prétendre l’ennemi du système pour en devenir la victime. Encore faut-il être assez redouté de ce même système pour le mériter. ■ DOMINIQUE LABARRIÈRE