CHRONIQUE – Au terme de son procès, l’actuelle députée RN encourt jusqu’à 5 ans d’inéligibilité. On aurait tort d’avoir une lecture strictement juridique de cette séquence, qui ne s’éclaire qu’à la lumière de la longue durée et d’un plus vaste contexte, qui est celui de la répression des forces d’opposition nationale en Europe occidentale.
Le régime a déjà annoncé qu’un cas de victoire électorale du camp national, suivant un effondrement du front républicain, il se donnerait le droit de lui faire barrage du cœur même des institutions, en interdisant l’application de son programme
Au terme du procès de Marine Le Pen et des dirigeants du RN, le parquet a réclamé la peine la plus lourde : l’inéligibilité de Marine Le Pen. Autrement dit, comme tous l’ont compris, on cherche à expulser Marine Le Pen de la prochaine élection présidentielle. On aurait tort d’avoir une lecture strictement juridique de cette séquence, qui ne s’éclaire qu’à la lumière de la longue durée et d’un plus vaste contexte, qui est celui de la répression des forces d’opposition nationale en Europe occidentale.
Revenons aux années 1980, au moment de leur émergence. Très rapidement s’est mis en place un dispositif de diabolisation métamorphosant médiatiquement les critiques de l’immigration massive en grand retour des fascistes vaincus de la Seconde Guerre mondiale. Ce dispositif conjuguant extrême-droitisation symbolique et exclusion politique suffira longtemps pour les contenir à la marge, même si cette dernière s’élargissait, et même si la contestation dépassait de plus en plus son expression électorale la plus visible, comme on le verra à partir du début des années 1990, comme on le verra encore plus au moment du référendum de 2005.
Assez aisément, le régime, mais on devrait plutôt parler ici du système, s’est maintenu en place, jusqu’à 2017, quand il fut pris de panique et sentit le besoin de faire émerger une figure nouvelle. L’élection d’Emmanuel Macron fut un coup de force maquillé en coup de jeune. L’élément marquant de cette séquence fut évidemment l’anéantissement par le parquet de la candidature d’un François Fillon jugé dangereux, dans une stratégie digne du Baron noir. Marine Le Pen fut alors installée dans le rôle d’opposante principale, dans la mesure où on la jugeait structurellement condamnée à perdre pour toujours. Plusieurs en conclurent que le RN était la meilleure assurance-vie du système.
Tournant répressif
Mais le régime, qui, depuis quelques années, a pris les traits de « l’État de droit », s’est mis à douter, et n’est plus convaincu de pouvoir vaincre électoralement Marine Le Pen, et s’est donc donné les moyens d’en finir avec elle autrement. C’est à cette lumière qu’on doit comprendre ce procès qui vise tout simplement à décapiter l’opposition nationale, qui est devenue l’opposition principale, et qui est toujours traitée comme un corps étranger à pulvériser, malgré les salamalecs de la stratégie de dédiabolisation. Les grands moyens sont mobilisés : on cherche aussi à ruiner le RN. Ces méthodes, ailleurs dans le monde, seraient jugées radicalement illibérales et antidémocratiques. Ici, c’est au nom de l’État de droit qu’elles sont utilisées.
Le tournant répressif du régime diversitaire dépasse le seul procès de Marine Le Pen. Des procès à répétition pour « appel à la haine » en passant par la dissolution des Identitaires, en allant jusqu’à la circulaire Darmanin de 2023, qui permet l’interdiction préventive de colloques et manifestations en contradiction avec l’idéologie dominante, sans oublier le harcèlement politique et physique toléré contre Marguerite Stern pour son livre Transmania , tout a été mis en place pour faire « augmenter le coût » de la liberté d’expression et pousser chacun à intérioriser les interdits du régime.
La fermeture de C8 par l’Arcom témoigne aussi de la volonté de mater les médias accusés de ne pas répéter les bons slogans. Pendant ce temps, le service public est en roue libre et martèle une propagande ne tolérant sur ses plateaux que ce qu’on appellera « l’opposition domestiquée ».
Élite épuisée
Plus encore : le régime a déjà annoncé qu’un cas de victoire électorale du camp national, suivant un effondrement du front républicain, il se donnerait le droit de lui faire barrage du cœur même des institutions, en interdisant l’application de son programme, comme l’a maintes fois promis Laurent Fabius, au point même d’annoncer qu’il s’opposerait à l’organisation d’un référendum ne cadrant pas avec son interprétation très arbitraire de la Constitution.
N’y voyons toutefois pas une exclusivité française. En Italie, Matteo Salvini se retrouve devant les tribunaux pour avoir appliqué son programme de refoulement des migrants. Quant à Giorgia Meloni, elle voit sa stratégie albanaise mise en échec par les tribunaux, toujours au nom de « l’État de droit ». Le harcèlement judiciaire contre Donald Trump était de même nature.
À l’échelle de l’histoire, la crispation oligarchique d’une élite épuisée, qui se retourne contre un peuple qu’elle sait désormais méfiant, et même hostile à son endroit, n’a rien de nouveau. On ne mate pas le peuple aujourd’hui comme on le faisait au XIXe siècle – bien que l’histoire des « gilets jaunes » nous rappelle que le pouvoir ne s’interdit jamais vraiment les grands moyens quand il panique. Mais on le mate quand même. À travers cela, les grands mots de l’État de droit sont de moins en moins crus, et le langage de la démocratie redevient celui de la révolte. ■ MATHIEU BOCK-CÖTÉ
Parfait !
« Front républicain » mériterait pourtant des guillemets, comme l' »État de droit » Ce ne sont pas des notions, mais de vulgaires « éléments de langage » martelés pour égarer les esprits.
L’Etat profond est de même nature en France et en Italie. Les officines y sont identiques, les intérêts croisés, les fonctionnaires et les agences subventionnées également. Voilà le véritable ennemi.