Extrait de L’ANTIRACISME DANS TOUS SES DÉBATS, coordonné par Lucien Bitterlin. Collection Panoramiques, dirigée par Guy Hennebelle et Monique Martineau, Arléa-Corlet, FRANCE-PAYS ARABES. Entretien par Marie Poinsot.
Cette reparution en 2024 de propos tenus en 1996,
est dédiée in memoriam à tous les Français
qui ont été victimes de francocides depuis l’an 2000.
« À proprement parler, il n’y a pas de racisme en France ! »
Journaliste, longtemps en poste à Alger, Le Caire et Beyrouth, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le monde musulman, dont Le radeau de Mahomet (1982, Flammarion) et Villes du Sud (1990, Payot). Il dirige chez Balland la collection « Le Nadir » consacrée aux pays de l’hémisphère sud et qui compte une trentaine de titres.
Existe-t-il un lien spécifique entre immigration et racisme en France ?
D’abord, il n’y a pas de racisme en France, et ce n’est pas un mot en l’air. Je suis un vieux reporter au journal Le Monde. Je roule ma bosse à travers la planète depuis une trentaine d’années. J’ai vécu vingt ans à l’étranger, notamment dans des pays arabes : l’Égypte, l’Algérie, le Liban, etc. J’ai voyagé un peu partout, dans une centaine de pays, souvent en y restant plusieurs semaines, plusieurs mois, et à chaque retour en France, je suis toujours frappé ou agacé de voir des Français faire des mea culpa continuels sur leur « racisme », de lire des reportages culpabilisants, d’entendre des associations qui bouffent des budgets pour lutter contre une chose qui n’existe pas. Le racisme, c’est quand on nuit à quelqu’un pour la couleur de sa peau, pour sa religion, ou pour la forme de son nez, qu’on proscrit des mariages pour des raisons ethniques, etc.
Évidemment, tout le monde n’aime pas en France les Chinois, les Arabes, les Anglais, les témoins de Jéhovah, ou même les Français. Car il y a chez nous des gens qui n’aiment pas les Français ! Est-ce que c’est du racisme ? Non. On ne peut pas vous obliger à aimer une tribu, une race, une religion ou une couleur, et si on veut contraindre les gens, ça échouera parce qu’il y aura rejet par esprit de contradiction ou tout simplement parce que l’amour, l’affection sont des sentiments spontanés. Or, en France, actuellement, on veut absolument que les Français aiment les étrangers, en particulier les Arabes, les musulmans. Eh bien, ça risque de créer une aversion qui n’existait pas vraiment jusqu’à présent. Il n’y a dans notre pays ni loi, ni comportement général qui puisse être qualifié de racial, de raciste, et c’est ça qui compte. S’il y a parfois des attitudes hostiles, discriminatoires, ce sont des comportements individuels qui sont aussitôt réprimés, condamnés. Contrairement à ce qui se passe dans de nombreux pays, il n’y a pas ici, et c’est capital, d’empêchement légal ou social de mariage.
Bien sûr, si monsieur et madame Dupont voient leur fille épouser Mamadou, Abdallah ou Tchang, ils auraient peut-être préféré qu’elle se marie avec un Français de souche, comme on dit, mais cette chose-là, Lévi-Strauss (Photo), entre autres, l’a très bien expliquée : chaque groupe est fondé à défendre ses traditions, ses mœurs, ce qu’il est, y compris la couleur de ses yeux, de ses cheveux. Ce n’est pas du racisme, mais seulement le souci de pérenniser sa communauté, sa culture, sa foi, son teint. Hélas, il y a en France une perversion du débat qui fait qu’on parle de racisme à tout propos, et à force de dire aux Français qu’ils sont racistes, ils finiront peut-être par le devenir parce qu’il y a une espèce de phénomène de persuasion collective, comme il y a des hallucinations collectives.
Le vrai racisme, je l’ai vu dans maintes contrées, par exemple en Amérique latine. Ainsi, à Cuba. C’est un pays très sympathique, mais tout y est fondé sur la couleur de la peau. Les relations sociales, les arrangements matrimoniaux sont, dans cette société apparemment harmonieuse, ludique et détendue, secrètement régis par les origines raciales. Jamais, ou presque jamais, un Blanc ou un « café-au-lait » n’épousera une Noire. Ce qu’il y a, en revanche, ce sont des Blancs ou des Noirs qui couchent ensemble, c’est-à-dire, et c’est la même chose au Brésil et presque partout ailleurs en Amérique du Sud, qu’il y a des mâles de souche européenne qui prennent des concubines, des maîtresses noires ou métisses, « mulâtresses » comme ils les appellent. C’est ce qui donne le métissage, mais il n’y a pas en Amérique latine de société mélangée où Européens, Africains et Amérindiens vivraient sur un pied d’égalité.
J’ai été très surpris un jour, en arrivant en Colombie – au cours d’un voyage avec Jack Lang, alors ministre de la Culture (Ici avec l’écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez en 1982) – il y avait aussi à Bogota un régime de gauche et j’ai entendu une ministresse utiliser indio comme un mot d’insulte pour quelqu’un de sa suite !
Et au Mexique, dans la haute société blanche, espagnole, les femmes se laissent pousser les poils sur les jambes pour qu’on ne les confonde pas avec les indigènes amérindiennes qui sont imberbes… Dans toutes ces contrées, les autochtones et les sang-mêlé n’ont pratiquement pas accès au pouvoir. Alors ça, oui, c’est du racisme ! Et pourtant on ne cesse de vous répéter qu’au Mexique, en Colombie, à Cuba existent des « nations métissées » ignorant le racisme !
Idem à New York (Photo à gauche) où s’étale, sans aucun complexe, le type même de la société raciste avec des quartiers spécifiques où vous ne pouvez pas aller si vous n’appartenez pas à l’ethnie qui y habite… Aux États-Unis, il n’y a ni creuset, ni melting-pot, puisque les Chinois détestent les Italiens, que les Juifs détestent les Noirs et réciproquement, les Noirs ne supportent plus les Blancs, les catholiques ne s’entendent pas avec les protestants. Dieu merci, ces choses-là n’existent pas en France. Je dirai même que la France est la seule grande nation où vous pouvez vous promener dans la rue avec une femme ou un homme d’allure exotique, étrangère, où vous croisez des couples de toutes sortes, sans que personne ne se retourne sur eux. C’est loin d’être le cas partout, malheureusement. À Alger, quand je ramenais ma femme de ménage en voiture chez elle, bien qu’on me prenne souvent pour un Arabe, j’ai été contrôlé plusieurs fois par des policiers qui, au vu de nos papiers, obligeaient la malheureuse à descendre, car une musulmane ne doit pas épouser un « infidèle », ni même frayer avec lui… (À suivre) ■ PÉRONCEL-HUGOZ
Voir l’introduction de Péroncel-Hugoz à cet entretien.
Longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, Péroncel-Hugoz a publié plusieurs essais sur l’Islam ; il a travaillé pour l’édition et la presse francophones au Royaume chérifien. Les lecteurs de JSF ont pu lire de nombreux extraits inédits de son Journal du Maroc et ailleurs. De nombreuses autres contributions, toujours passionnantes, dans JSF.
Retrouvez les publications de Péroncel-Hugoz dans JSF. ICI
C’est bien pour ça – admirablement démontré par Péroncel-Hugoz – que l’Algérie dite « française » était une vaste blague dans laquelle l’AF est tombée (j’en étais !).
Seul le général a eu une attitude réaliste et « capétienne ».
Hélas…Toutes les vérités ne sont pas acceptées…mais elles sont lá.