Par Gabrielle Cluzel.
Cet article, auquel il n’y a rien à redire ni à ajouter, est paru le 29 novembre dans Boulevard Voltaire. Gabrielle Cluzel ne fait grâce de rien à Emmanuel Macron. Il a bien eu son discours non pas à mais dans Notre-Dame. Fût-ce sous forme ou prétexte d’une ultime visite de chantier, pas dans la solennité de la messe de réouverture de la Cathédrale, bondée, emplie de musique sacrée, de chants et de la splendeur de la liturgie catholique. Où cependant l’absence du pape, légitimement fâché, brillera d’une sombre résonnance. Macron le verra en Corse, terre chrétienne… Mais qu’importe Emanuel Macron ! Bientôt, personne n’en aura plus conservé la moindre mémoire quand Notre-Dame continuera de surplomber comme si ce devait être pour l’éternité l’atmosphère lumineuse ou obscure de la Ville.
« jadis la gauche quand elle avait encore des lettres… »
Il aura donc finalement eu son discours inaugural sous les voûtes de Notre-Dame, sous couvert de « dernière visite de chantier » retransmise en direct par toutes les télés. Il a grillé la politesse à l’archevêque de Paris, apparemment consentant, puisque ce dernier, sur le parvis, bien aligné en rang d’oignons avec les autres dans une semi-haie d’honneur, attendait le couple présidentiel comme le petit personnel accueille le comte et la comtesse de Grantham de retour à Downton Abbey.
Mais Monseigneur Ulrich n’était pas le seul à accompagner dans Notre-Dame Emmanuel et Brigitte Macron. Ceux-ci étaient aussi flanqués de Rachida Dati, de Valérie Pécresse, du préfet Nuñez et, surtout, d’Anne Hidalgo pour déambuler dans les contre-allées, la nef et le chœur, levant le nez, commentant ou serrant la main des artisans, s’arrêtant un instant devant la Vierge au pilier, comme un hommage du vice à la vertu. Car chacun sait que « Notre-Drame de Paris », comme est appelé le maire par ses opposants, avant le vrai drame de Paris qu’a été l’incendie, se préoccupait comme d’une guigne du patrimoine religieux parisien et que les célèbres embouteillages dans la capitale qu’elle a largement contribué à développer ont, le soir fatidique, ralenti les pompiers.
Un sketch des Inconnus
La fameuse statue restée intacte – qui a réintégré les lieux il y a 15 jours – doit avoir bien du mal à se sentir chez elle : si la partie « immobilière » de sa maison – les murs, la voûte, les croisées d’ogive, les colonnes, les sols – ont été magnifiquement restaurés, grâce à la patience, au savoir-faire et au talent méticuleux d’artisans merveilleux, le mobilier, en revanche, tient moins de l’église éternelle que d’un show room IKEA. La séance d’extase convenue devant un autel en forme de bol sur une estrade, d’un ambon sur le modèle d’un pupitre pour séminaire d’entreprise, de fonts baptismaux (quand on connaît les anciens…) semblables à un entonnoir, d’un fauteuil épiscopal au dossier dur et droit comme un siège de torture pendant l’Inquisition, d’un reliquaire pour la Couronne d’épines aux allures de « disque d’or » des années 80, ne laisse pas d’étonner. Quant aux félicitations surjouées aux « designers » Ionna Vautrin, Sylvain Dubuisson et Guillaume Bardet – celui-ci jurant ses grands dieux, avec des air modestes, que cet autel version poterie de CE2 pour cadeau de fête des mères lui a valu six mois de réflexion pour trouver l’inspiration -, elles ressemblent singulièrement à un célèbre sketch des Inconnus.
Emmanuel Macron a réussi – en tordant le bras, par le fait du prince, aux règlement en vigueur, mais reconnaissons que le jeu en valait la chandelle – à faire en sorte que Notre-Dame soit rebâtie en cinq ans. Il se sent donc l’empereur des lieux qui tapote l’épaule des artisans comme Napoléon tirait l’oreille de ses grenadiers : « Nous sommes contents de vous. » Et surtout de nous-mêmes.
Le roi est nu
Sauf que, comme dans le conte d’Andersen, l’empereur est nu. Ces meubles rutilants, les habits neufs de la cathédrale, sont nuls, mais chut ! il ne faut rien dire de peur de passer pour un plouc obscurantiste, un philistin obtus.
Le designer, puisque c’est son nom – il est vrai qu’en l’occurrence, il convient mieux qu’artiste ou artisan -, excipe comme dans les années 70, d’une sobre simplicité supposée rappeler le christianisme originel. Sauf que tout cela jure dans l’exubérance grandiose de la cathédrale comme un plat Tupperware™ sur la table d’un grand banquet dans la galerie des Glaces… à cette différence près que le coût (ignoré jusqu’à présent) ne doit pas être celui d’un moule à charlotte en plastique. Et en ces temps de Laudato si’ prônant dans l’Église l’économie circulaire et le développement durable, le moins que l’on puisse dire est que l’archevêché de Paris ne donne pas l’exemple : tant de trésors à restaurer – et, pour ce faire, on le voit à Notre-Dame, il y a des artisans excellents – croupissent, au fond de la France, dans des réserves de musée oubliées et de petites églises en ruine qui auraient été honorées de ce don pour recyclage à Notre-Dame.
Comme Gisèle dans Les Caprices du même nom, Emmanuel Macron finit toujours par obtenir ce qu’il veut, même quand on lui a dit non : le discours dans la cathédrale, le geste contemporain avec le mobilier. Et l’on n’a pas encore vu les vitraux.
La France sait imiter le beau, mais plus le créer. Qu’elle ait au moins l’humilité de le reconnaître et se contente de reproduire… en attendant d’avoir retrouvé la recette qui est peut-être, au fait, spirituelle. ■ GABRIELLE CLUZEL
Je vais un peu morigéner Gabrielle : le pitre macaron a tout simplement inauguré une usine à touristes aux portables. À Moissac les vêpres étaient chantées par quelques sœurs fantomatiques devant trois fidèles. Sans vergogne les touristes, américain peut-être, passaient devant nous pour les vidéos. Il n’y a plus de foi, plus de France et je dirai : Adieu.
La restauration de Notre-Dame ne se serait pas faite sans une certaine fois. Ce commentaire me paraît nettement excessif.
Le principal est que le bâti ait été restauré à l’identique et, mérite à concéder à E.Macron, dans les délais prévus : un chantier d’une dizaine d’années eût été fort dommageable ; il ne fallait pas » bâcler » non plus. Donc chapeau .
Le nouveau mobilier installé , par contre est affreux, mais ce n’est qu’un détail : comme mobilier, justement,il sera facile de l’envoyer en décharge où à Beaubourg lorsque la mode en sera passée .
Notre Dame de Paris n’est pas un quelconque musée que l’on va réouvrir après une période de travaux de restauration avec coupe du traditionnel ruban tricolore, les petites fours et le pétillant.
Notre Dame est une cathédrale-basilique endommagée et profanée par un incendie dévastateur avec effondrement de la voûte du transept, des fouilles. Après de longs travaux de restauration profane (engin de chantiers, discussions éloignées du sacré, éventuellement jurons en se tapant sur les doigts avec un marteau) ce magnifique édifice religieux devrait être re consacré au nom du Droit canonique. De même l’autel caliméro (de par sa ressemblance avec la demi-coquille d’oeuf du poussin) devrait-être recouvert d’une table de pierre d’un seul tenant ; c’est le Droit canonique aussi qui le précise.
De tout cela il semblerait que l’archevêque Ulrich n’en ait rien à faire. Si j’ai bien reçu une réponse (par Mè) à mon courrier postal (concernant l’autel) mon second courrier (par Mèl) concernant la re consécration n’a reçu aucune réponse.
Quant à l’absence de Francisco di Roma elle peut, peut-être, s’expliquer qu’à 220 ans (et 6 jours) de distance il ne veuille pas se retrouver dans la position du grand pape Pie VII qui, invité à couronner le nouvel empereur, ne se retrouva finalement qu’en position de faire-valoir !
Ce que je déteste le plus, dans le caractère français – ceux des Français qui viennent des Gaulois ; moi je suis Romain – c’est cette particulière capacité à grogner, à chipoter, à ergoter, à critiquer sans se laisser porter par l’enthousiasme.
Je ne crois pas que Macron soit pour quoi que ce soit dans l’exploit du sauvetage et de la reconstruction de Notre-Dame : imagine-t-on Sarkozy ou Hollande (ou même Chirac !) dire qu’on allait tout raser ? Mitterrand (surtout, dont le nom restera attaché aux merveilleux « Grands travaux », Louvre, Arche, Bibliothèque) et même Giscard auraient fait de même.
Mais l’exploit ce sont les Pompiers de Paris (voir ou revoir l’admirable « Notre-Dame brûle » de Jean-Jacques Annaud) et toute la formidable équipe des reconstructeurs, du général Georgelin au plus petit charpentier` ; il y avait hier sur TF1 un très long reportage séquencé magnifique et exaltant que je conseille à tous de revoir en replay.
À partir de là, les gloses, ratiocinations, regrets sur la courbe de tel machin ou de tel truc n’ont aucune importance… Mais enfin il y a des gens qui ont protesté contre la pyramide du Louvre, admirable signal…
Comme le comte de Chambord, nous voulons toujours le « drapeau blanc » ; et nous nous étonnons de demeurer les couillons de la farce.