« François Bayrou, nouveau Premier ministre, revendique une filiation avec Henri IV » Peut-il faire autre chose que la revensiquer ?
Par Paul Melun.
Ce jeune intellectuel et auteur, déjà bien connu des lecteurs et des téléspectateurs, a le goût et le talent de la transmission, de la littérature, de la mémoire, de l’Histoire et de l’héritage. Il relève, dans cette chronique du JDD (13.12), les analogies qui pourraient justifier la filiation dont François Bayrou semble se prévaloir avec Henri IV, roi sur lequel il a, en effet, écrit des livres profonds et de belle qualité. Paul Melun note les limites de cette analogie mais ne s’y étend guère. Il serait long et fastidieux de les développer ici. Nous ferons mieux en reprenant, dans ces mêmes colonnes, l’extrait de la Satyre Ménippée où « le parti des politiques » avait exposé alors les fortes raisons de son souhait que le pouvoir royal soit enfin remis entre les mains d’Henri IV. Elles sont, hélas, très éloignées des conditions d’accession au pouvoir et d’exercice du gouvernement de la France par François Bayrou.
« François Bayrou devra sans doute, comme son lointain modèle, chercher à apaiser sans renier ses convictions. Mais c’est là que l’analogie trouve ses limites. »
CHRONIQUE. François Bayrou, nouveau Premier ministre, revendique une filiation avec Henri IV, roi pragmatique et bâtisseur. Paul Melun explore comment l’ombre de ce souverain, réconciliateur des divisions, pourrait inspirer Bayrou face aux fractures sociales et politiques actuelles.
Henri IV, c’est d’abord l’histoire d’un homme qui fut tout sauf un idéologue. Roi de guerre avant d’être roi de paix, il hérita d’un royaume fracturé par trente années de guerres de religion. Le défi, à son avènement en 1589, était immense : réconcilier les catholiques et les protestants, remettre en ordre un État moribond, apaiser les campagnes ravagées par les pillages et relancer une économie à l’agonie.
Son règne est marqué par des gestes à la fois audacieux et pragmatiques. Le plus célèbre reste l’Édit de Nantes, proclamé en 1598, qui octroya aux protestants une liberté de culte limitée mais réelle, tout en réaffirmant le catholicisme comme religion officielle. Henri IV savait que la paix civile passait par des compromis. Son célèbre « Paris vaut bien une messe » résume cette philosophie : il abjura le protestantisme pour accéder au trône, non par cynisme, mais par réalisme.
En matière économique, Henri IV fut un roi bâtisseur. Avec son ministre Sully, il s’attela à rétablir les finances publiques et à développer l’agriculture, convaincu que « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ». Des grands travaux furent lancés, comme le canal de Briare, et des mesures pragmatiques prises pour encourager la reprise économique.
Enfin, Henri IV était, pour son temps, un homme proche du peuple. Il aimait se montrer parmi ses sujets, s’adresser directement à eux, déployant un style de gouvernance que les éditorialistes qualifieraient aujourd’hui de « terrain ». Sa bonhomie et son éloquence contribuèrent à forger l’image d’un roi humain, attaché à son peuple, loin de l’austérité de son prédécesseur.
François Bayrou : un disciple inspiré ?
François Bayrou, depuis toujours, revendique cette filiation avec Henri IV. On pourrait y voir une simple coïncidence biographique : même terroir, même fascination pour les équilibres complexes du pouvoir. Mais cette passion révèle plus qu’un attachement régional ou littéraire : elle éclaire la manière dont le nouveau Premier ministre perçoit l’exercice du pouvoir.
Comme Henri IV, François Bayrou est un homme de compromis. Toute sa carrière politique a été marquée par une quête d’équilibre entre des forces antagonistes. Centristes, catholiques sociaux, républicains modérés : il a tenté de bâtir des ponts entre des camps souvent irréconciliables. Cela lui valut parfois l’étiquette d’indécis, mais c’est aussi le signe d’un homme convaincu que la politique est l’art du possible, et non celui de l’absolu.
La nomination de François Bayrou intervient dans un contexte où le pays, bien que loin des guerres de religion, est lui aussi fracturé. Les tensions sociales, les clivages idéologiques, les défiances envers les institutions rappellent à leur manière les défis d’Henri IV. François Bayrou devra sans doute, comme son lointain modèle, chercher à apaiser sans renier ses convictions. Mais c’est là que l’analogie trouve ses limites.
Henri IV, au-delà de son pragmatisme, fut aussi un homme d’action rapide et décisive. Il savait que le pouvoir ne se dilue pas dans l’attentisme. François Bayrou, en revanche, a parfois donné l’impression d’un homme davantage porté sur la réflexion et le temps long que sur l’initiative immédiate. Sa longévité en politique témoigne d’une capacité à durer, mais l’époque est désormais à l’instantanéité : réseaux sociaux, communicants…
En nommant François Bayrou Premier ministre, Emmanuel Macron semble vouloir jouer la carte de l’apaisement, de l’expérience et d’un certain équilibre. À l’image d’Henri IV, Bayrou pourrait tenter de fédérer des forces contraires et de reconstruire un pacte républicain affaibli. Mais le défi est immense : saura-t-il être à la hauteur de son modèle ?
L’Histoire ne se répète jamais, mais elle inspire. Bayrou, à l’instar du roi de Pau, devra naviguer entre le pragmatisme et la fidélité à ses convictions. Et, peut-être, nous montrer que les leçons du passé peuvent encore éclairer l’avenir. En ce 13 décembre, jour d’étranges coïncidences, l’ombre d’Henri IV plane certainement sur le destin de François Bayrou. Reste à savoir si cette ombre sera un guide dans la tempête qui s’annonce. ■ PAUL MELUN
Il est plus que jamais opportun de rappeler que, selon, saint Thomas d’Aquin, en matière d’analogie les différences l’emportent toujours sur ce qu’il y a de commun…
Le Béarnais est la fois rural et urbain. Chrétien catho mais . Quant la France profonde à dit Non à l’Europe, il a voté Oui.