Journal de l’année 14 de Jacques Bainville : Les notes sont quasiment quotidiennes jusqu’au 31 décembre. Sauf du 14 au 27 août à cause des contraintes de la guerre. Nous conseillons vivement de les lire au jour le jour, comme elles furent écrites. Sachons que notre situation française et européenne d’aujourd’hui découle largement des grands événements relatés ici !
« Un comité arabo-syrien, sous la direction d’un petit-fils d’Abd-el-Kader, formerait un gouvernement provisoire avec l’assistance de la France. »
Stephen Pichon, Richepin, quelques autres continuent à faire campagne en faveur d’une intervention de l’armée japonaise achetée au prix d’une compensation à débattre. D’autre part, la censure a interdit aujourd’hui la publication, dans Paris-Midi, de l’article d’un certain Ernest Outrey, député de Cochinchine, qui protestait d’avance contre toute cession de nos territoires asiatiques aux Japonais et déclarait que faire appel au Japon pour chasser les Allemands de France serait un aveu de faiblesse, un déshonneur et un péril.
On essaie de déterminer le gouvernement à intervenir en Syrie, à profiter de l’état de guerre avec la Turquie pour ne pas laisser Beyrouth et Damas nous échapper si l’Empire ottoman doit être partagé. Tout est prêt : il ne faudrait que cinq mille hommes de troupes africaines et coloniales, actuellement inutilisables en France à cause du froid, et dont le commandement, consulté, accorde le libre emploi : une habile combinaison politique, fondée sur l’antipathie des Arabes pour la domination turque, est mûre. Un comité arabo-syrien, sous la direction d’un petit-fils d’Abd-el-Kader, formerait un gouvernement provisoire avec l’assistance de la France. Ainsi serait respecté l’esprit indépendant des Arabes. (Illustration : Portrait d’Abd-el-Kader, Constzantinople, 1866).
A ce projet, la résistance vient de Delcassé, qui, d’après certaines indications, redouterait le veto de l’Angleterre. Quoi qu’il en soit, l’occasion de prendre un gage – que l’Angleterre n’a pas perdue en proclamant son protectorat sur l’Egypte – s’offre et ne se représentera peut-être plus. Car la place qui pourra rester à la France en Orient, quelle sera-t-elle ? ■ JACQUES BAINVILLE
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