L’Action Française a toujours dit et répété que l’Allemagne – sous l’éclairage de Bismarck – avait voulu la république en France pour l’abaisser, éviter qu’avec un retour de la monarchie, elle redevînt puissante. A force de répétition, on finissait par se demander si c’était bien vrai, si ce n’était pas de la propagande, si cette volonté de l’Allemagne était bien consciente, claire, formulée. En voici la preuve formelle. Bismarck révèle son plan : la cause de la France et celle du catholicisme romain sont liées ; pour « annihiler » la France, Bismarck dit entreprendre « contre l’Eglise catholique une guerre qui sera longue et peut-être terrible. » C’est la République qui la mènera ! Ce propos éclaire par surcroît l’antigermanisme étroitement mêlé d’antiprotestantisme de Charles Maurras, monarchiste et « bon défenseur » du catholicisme selon le pape Pie X. Le propos de Bismarck mène, en effet, très loin. Merci à Michel MICHEL !
Par Michel MICHEL.
« Nous devons désirer le maintien de la République en France pour une dernière raison qui est majeure. La France monarchique était et sera toujours catholique. Sa politique lui donnait une grande influence en Europe, en Orient et jusqu’en Extrême-Orient. Un moyen de contrecarrer son influence au profit de la nôtre, c’est d’abaisser le catholicisme et la Papauté qui en est la tête. Si nous pouvons atteindre ce but, la France est à jamais annihilée. La monarchie nous entraverait dans cette tentative. La république radicale nous aidera.
J’entreprends contre l’Eglise catholique une guerre qui sera longue et peut-être terrible. On m’accusera de persécutions. Mais il le faut pour abaisser la France et établir notre suprématie religieuse et diplomatique comme notre suprématie militaire ».
Bismarck lettre au comte d’Arnim le 11 novembre 1871 ■ MICHEL MICHEL
Maître de conférence en sociologie.
Derniers ouvrages parus …
Cliquer sur les images.
Questions sur cette question :
1. d’ordre strictement documentaire et tout à fait accessoire : à quelle source la lettre a-t-elle été pêchée ?
2. de l’ordre du fond de la question :
– premièrement, autour d’une guerre, les adversaires pensent une chose ou une autre pour ce qui serait susceptible de faire avantageusement pencher la balance, il n’y a pas lieu d’en tirer de conclusions autre que celles stratégiques (que la stratégie soit astucieuse ou non) ;
– deuxièmement, il s’agit de savoir dans quelle domaine l’interprétation d’une donnée de cette nature peut être faite ; la germanophobie galopante des uns et des autres doit également être observée à la lumière de la révolution française et des guerres napoléoniennes, durant lesquelles les Germains ont été contraints à une espèce de «conscience “nationale”» pour ainsi dire centralisatrice, devenue politique, sociologique, voire étatique, au lieu du quasi seul ciment de Kultur (avec un K, disait Ezra Pound) qui les unissait auparavant. C’est la république révolutionnaire – avec l’assaut de l’idée «citoyenne» – qui a envahi les pays germaniques, d’une part, et c’est cette même république révolutionnaire qui a été vaincu par la coalition, laquelle coalition a aidé au rétablissement de la monarchie en France. À partir de ces données lapidaires, on peut développer un raisonnement, dont je m’abstiendrai ici pour ne pas faire trop long, mais n’importe qui peut saisir le sens de ce que j’imagine pouvoir être développé ;
– troisièmement, un simple exercice d’«empirisme organisateur» nous renseigne sur ceci que c’est la papauté qui a reconnu la République et, à un moment donné, pour ainsi dire «condamné» la pensée contre-révolutionnaire, si bien que Bismarck se trompe en spéculant sur une papauté qui serait «à la tête» – cependant, il aurait bien mesuré la coïncidence de l’abaissement du catholicisme avec celui de la France –, et il y a lieu de poursuivre le raisonnement ici entamer pour nous bien éclairer ;
– quatrièmement et pour finir (quoique ce n’épuise évidemment pas la discussion), il faut bien réaliser que la destruction de l’empire austro-hongrois (catholique) est le grand événement destructeur de l’idée royale (ou «monarchique», si l’on veut) en Occident (relire «Le Monde d’hier» de Stefan Zweig qui peut nous en donner le meilleur «sentiment»), en somme, que la «défaite» de la germanité Kulturelle ouvre sur le démocratisme mondialisateur, tout d’abord, avec la tentative de Société des Nations puis de l’ONU, de l’OTAN et, enfin, avec l’instauration de l’ UE («union européenne», comme on dit) «intermédiaire» ; cela pour dire que j’ai l’absolue conviction que l’antigermanisme de Maurras et, par suite, de l’AF est une des erreurs doctrinales majeures (peut-être bien la seule, du reste) que Maurras a commise, et il n’a pas été le seul à la commettre, jusques et y compris René Guénon, qui a si malheureusement cédé à cette pour le moins énigmatique Sirène.
Nous autres, qui savons ce que vaut ce que l’on appelle «culture» (plus ou moins pertinemment, certes, mais, dans l’instant, cela vaut tout à fait pour ce que cela vaut), il nous revient d’observer l’Histoire du monde moderne (qui commence très pratiquement au XVIIe siècle et s’affirme au XVIIIe) au point de vue «culturel» (doctrinal, idéal, religieux), ou «civilisationnel» pour qui préfèrerait le terme – à partir de Descartes et de Richelieu pour aller vite et droit au but d’origine – et, ainsi d’observer le plain panorama de ce qui a «abaissé la France», mais pas seulement : la Chrétienté tout entière.
Pardon pour la dimension de mon merrrrdier.
Je comprends mieux maintenant les desseins teutoniques…
Le hareng de Bismarck: (le poison allemand) Poche – 7 mai 2015
de Jean-Luc Mélenchon
Les explications savantes de David Gattegno ont tout leur intérêt. pour autant que je puisse les comprendre. En ce qui me concerne, je puis admirer l’intelligence et la distinction de Bismarck . Mais je suis catholique romaine, et par conséquent je ne puis regarder d’un œil compréhensif et empathique , un homme d’État qui veut entreprendre une guerre terrible contre le catholicisme, et qui par ailleurs a ´la malice de confier ce rôle à la république radicale laquelle en effet ne faillira jamais dans l’accomplissement de cette mission.
Je prie, David Gattegno d’excuser la simplicité de mon propos, mais qu’y faire ? On ne peut servir’deux maîtres. Je me suis pas de ceux qui détestent l’Allemagne, mais il y a une hiérarchie dans mes allégeances et la mienne est. En faveur de l’église catholique et de la monarchie française.
Chère Anne, mon allégeance est en faveur de l’Église catholique apostolique et romaine et à la royauté française, également… La Bavière, entre autres, est catholique et toute la plus haute intelligence allemande, dès la révolution française, se convertit au catholicisme «à la notable exception d’Achim von Arnim», précise l’admirable Albert Béguin, oubliant au passage que le sublime Novalis mourut à 29 ans avant d’avoir pu se convertir, alors que son frère, Karl, vécut le temps d’accomplir sa conversion.