La vérité est que ce dogme est un mythe, brandi quand ça arrange, contre ceux qui l’enfreignent avant qu’on l’enfreigne soi-même. La vérité est que les nations ont des intérêts bien plus que des principes juridiques ou moraux. Ceux-là ne servent qu’à titre de moyens de négociation ou de propagande. La vérité, c’est Renaud Girard qui la dit dans un récent article du Figaro : « Le grand retour des rapports de force dans les relations internationales ». Non pas que les rapports de force en soient jamais sortis, mais plutôt du fait qu’ils ressurgissent ces temps-ci au grand jour, décomplexés, comme si, après sept ou huit décennies passées à faire semblant que la Communauté internationale fût une réalité, les ambitions, les impérialismes, les soifs de puissance, de conquêtes, ou le simple et impérieux besoin de sauvegarder son rang ou sa suprématie dans le monde, soient devenus si forts qu’on n’ait plus du tout l’envie ou la possibilité de les dissimuler.
L’Amérique s’emparera donc du Groenland si elle le veut vraiment, du simple fait de la loi du plus fort, quia nominor leo, car personne ne voudra faire la guerre pour ce territoire, pas même le Danemark. Pas plus que ni l’Amérique ni personne ne fera sans doute la guerre pour Taïwan, État manifestement chinois, né des affrontements civils du siècle dernier dans l’Empire du Milieu. S’il devait éclater un conflit majeur sino-américain, où, d’ailleurs, l’Amérique tenterait à coup sûr de nous entraîner, ce serait pour des motifs d’une tout autre gravité que le sort de l’ancienne Formose…
Tout cela ne présage rien de bon sinon le retour des forces brutales. Pour la France, puissance pacifique, mieux vaut le savoir, le mesurer avec réalisme et raison. S’y préparer en tâchant de rompre enfin avec les sortilèges de l’idéologie de type Emmanuel Macron et tenter d’en finir avec le processus de déclin qui, pour l’instant, ne cesse de nous entraîner au plus bas. ■
Taïwan ne sera pas une monnaie d’échange avec le chinois pour Trump, qui sait que l’armée chinoise est un tigre de papier, beaucoup de matériel, pas d’hommes aguerris. Les Chinois eux-mêmes souhaitent une guerre pour s’aguerrie et il vaudrait mieux
qu’ils la fassent aux coté des Houthis ou de la junte birmane avant de se frotter à Taïwan. L’exemple nord-coréen semble l’annoncer.