Cet article d’Alexandre Devecchio, – désormais très présent plus seulement dans la presse écrite mais aussi sur les plateaux de télévision – est paru dans le Figaro du 18 janvier. Il s’articule autour de deux notions : la notion de génération – en l’occurrence, celle représentée par le tandem Trudeau-Macron et la notion de cycle historique, celui que nous vivons actuellement, sous idéologie mondialiste et diversitaire, épuisé et près de s’achever. Pour creuser ce sujet, en effet important, conseillons seulement de se reporter à l’excellent article de Pascal Cauchy publié hier dans JSF : L’an 2000 ou la génération Macron.
Trudeau et Macron, derniers à croire en la mondialisation heureuse alors que les peuples aspiraient au retour des nations…
LA BATAILLE DES IDÉES – Emmanuel Macron suivra-t-il jusqu’au bout l’exemple de son « frère siamois » en démissionnant ?
C’était en 2017. Il y a un siècle. Lors de leur première rencontre au sommet du G7, la presse mondiale n’avait d’yeux que pour eux. Tous deux étaient arrivés au pouvoir à quelques années d’intervalle après une ascension fulgurante. Tous deux prétendaient représenter l’émergence d’une nouvelle génération, jeune, moderne et souriante. Tous deux voulaient incarner un progressisme conquérant. Tous deux pensaient avoir l’avenir devant eux. Lorsqu’il devient premier ministre en 2015, Trudeau a 43 ans, Emmanuel Macron entre à l’Élysée après deux ans à seulement 39 ans.
Dix ans plus tard, Trudeau et Macron ont continué d’avoir une trajectoire symétrique, mais cette fois dans la chute. Tous deux ont vu leur cote de popularité s’effondrer. Tous deux ont échoué à régler la question de l’immigration (si la question migratoire a longtemps fait l’objet d’un consensus au Canada, ce n’est plus le cas car Trudeau a fait exploser la politique des quotas, si bien que le nombre d’immigrés a doublé en dix ans). Tous deux ont été mal réélus au point de ne pas avoir de majorité. Après plusieurs mois de paralysie au Parlement, Trudeau a annoncé, la semaine dernière, son intention de démissionner. Il y a encore quelques semaines, le premier ministre canadien espérait se représenter. Emmanuel Macron suivra-t-il jusqu’au bout l’exemple de son frère siamois en politique ?
Changement d’ère politique
En vérité, à travers la chute de Trudeau et le crépuscule de Macron, nous assistons à un changement d’ère politique. Pas encore quinqua, le premier ministre canadien et le président français, auxquels on pourrait ajouter l’ancien premier ministre britannique, Rishi Sunak, prennent déjà la couleur sépia. Un peu comme ces chanteurs qui déboulent soudainement, dominent la scène pendant des années et, victimes d’un changement d’époque, disparaissent.
L’élection de Trump, après celle de Milei et Meloni, est passée par-là. Nous assistons à une véritable recomposition populiste dans la plupart des démocraties occidentales. Et ce n’est sans doute que le début. Car lors de la cérémonie d’investiture du président américain ce lundi, les regards seront tout autant tournés vers Elon Musk que vers Donald Trump. En effet, bien plus que le magnat de l’immobilier, l’entrepreneur de la Silicon Valley cristallise désormais les passions. Musk fascine tout autant qu’il fait peur. En particulier à une élite technocratique, qui se sent aujourd’hui dépassée, menacée de grand remplacement par la double rupture politique et technologique qu’incarne le patron de Tesla. S’il attire pour l’instant moins la lumière que le turbulent ministre de l’efficacité gouvernementale, le vice-président JD Vance représente lui aussi une facette du renouveau des élites occidentales et pourrait jouer un rôle prépondérant dans les années à venir. Diplômé des meilleures universités, mais issu d’une famille de rednecks du fin fond de l’Ohio, il est le visage de la revanche de l’Amérique profonde. Musk et Vance sont à la révolution populiste ce que la bourgeoisie émergente était à la Révolution française. Trudeau et Macron, derniers à croire en la mondialisation heureuse alors que les peuples aspiraient au retour des nations, incarnent au contraire l’ancien régime. Ils se rêvaient en hérauts du nouveau monde, mais les Youngs Leaders ont déjà vieilli. ■ ALEXANDRE DEVECCHIO
Lorsqu’une mode idéologique semble triompher, c’est là qu’elle commence à saturer. J’ai compris ça avec mon maître en sociologie, Gilbert Durand. La roche tarpéienne est proche du Capitole. Il n’y a que les réactionnaires qui sont innovateurs.