Nous n’avons rien à ajouter à cet article d’Alexandre Devecchio paru dans le Figaro du 23 janvier. Sauf que cet article montre l’inanité des affirmations de certains – simplistes, péremptoires et finalement erratiques – selon lesquelles seule compte, seule est efficace (sic), l’action politique pure (?) à l’exclusion de toute préoccupation dite métapolitique réputée sans effet. Ces assertions évidemment ridicules, se trouvent ici controuvées avec toute la vigueur du vécu bien réel.
Plus que la décision ubuesque d’un président fantasque, il faut y voir une forme de gramscisme populiste. Trump entend mener une révolution culturelle et connaît le pouvoir des images.
LA BATAILLE DES IDÉES – La prochaine cérémonie des Oscars, dominée par la comédie musicale trans de Jacques Audiard, s’annonce comme un savant mélange entre marche des fiertés et happening anti-Trump. Qu’à cela ne tienne ! Le président américain a nommé Sylvester Stallone, Mel Gibson et Jon Voight « ambassadeurs spéciaux » à Hollywood.
C’est l’irréductible village démocrate qui résiste à l’empereur Donald Trump. Les dirigeants de la Silicon Valley au grand complet lui ont prêté allégeance, Obama et Biden s’affichent avec lui tout sourire, les Village People lui font la danse du ventre, mais Hollywood demeure l’ultime refuge du progressisme. La prochaine cérémonie des Oscars s’annonce comme un savant mélange entre marche des fiertés et happening anti-Trump.
Vainqueur des Golden Globes, Emilia Pérez du Français Jacques Audiard, qui devrait concourir dans la catégorie meilleur film, raconte la transition d’un chef de cartel mexicain en femme. Son interprète principal, Karla Sofía Gascón, déjà récompensée par un prix collectif à Cannes, pourrait être la première actrice trans à remporter la statuette dorée.
Autre favori dans la catégorie meilleur film, Conclave d’Edward Berger, version woke et intello de Da Vinci Code, qui nous plonge dans les arcanes de l’élection d’un pape d’un genre nouveau puisque au terme du suspense le nouvel évêque de Rome se révèle être… une femme ! Enfin, Wicked , derrière une apparence de pur divertissement familial, est une parabole anti spéciste et néoféministe. Dans cette relecture du classique Magicien d’Oz, le monde imaginaire d’Oz est gangrené par le racisme systémique qui vise les animaux tandis que la méchante sorcière du film original est désormais présentée comme une héroïne en butte aux discriminations. The Apprentice, biopic à charge relatant la jeunesse de Trump, pourrait aussi récolter des nominations.
Qu’à cela ne tienne ! Contre « Hollywoke », le président américain pense avoir trouvé la parade. Comme il l’a annoncé sur le réseau social Truth, il a nommé comme « ambassadeurs spéciaux » dans la cité du cinéma un trio de choc : Sylvester Stallone, Mel Gibson et Jon Voight. « L’objectif est clair : retrouver, comme pour les États-Unis d’Amérique, l’Âge d’or de Hollywood », a-t-il lancé. Plus que la décision ubuesque d’un président fantasque, il faut y voir une forme de gramscisme populiste. Trump entend mener une révolution culturelle et connaît le pouvoir des images.
Trump, héros de cinéma
Lui-même a fait des apparitions dans plusieurs films, de Maman, j’ai encore raté l’avion à Die Hard 3. Lui-même se vit probablement comme un héros de cinéma. L’image de Trump se relevant après sa tentative d’assassinat, l’oreille ensanglantée, le poing levé vers le ciel devant un drapeau américain, aurait pu être tirée d’un film d’action. Et la photo officielle de son investiture, les sourcils froncés, rappelle L’Inspecteur Harry. Si Hollywood est une citadelle démocrate, Rocky et Rambo, incarnés par un certain Stallone, furent des porte-étendards de la politique reaganienne dans les années 1980. En faisant appel à un trio de personnalités viriles, dont l’acteur italo-américain, Trump s’inspire de Reagan mais entend aussi s’adresser à un électorat de jeunes hommes en quête de repères masculins qui ne se reconnaissent pas dans Barbie.
Ces trois gros bras suffiront-ils à sauver Hollywood ? Gibson, 69 ans, Stallone, 78 ans, et Voight, 86 ans, font figure d’anciens combattants. Mais La Mecque du cinéma est aussi le temple du business. Après avoir tenté une déconstruction woke de ses classiques, le studio Disney a enchaîné une série d’échecs commerciaux et opéré un revirement artistique. À Hollywood, le dieu Dollar sera une arme plus puissante contre le wokisme que Trump et ses ambassadeurs spéciaux. ■ ALEXANDRE DEVECCHIO