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COMMENTAIRE JSF – Cette chronique est parue dans Le Figaro de ce samedi 25 janvier. Un éclairage plus précis et circonstancié sur le sujet peut être obtenu en écoutant l’entretien de Bernard Lugan sur Radio Courtoisie, proposé à nos lecteurs dans nos publications du jour. Nous mettons en exergue un passage de sa chronique où Mathieu Bock-Côté constate qu’« ils sont nombreux à rêver, aujourd’hui, à la manière d’une revanche historique, d’une France algérienne – ou du moins, d’une France islamisée. » Est-ce si étonnant, et même si condamnable, lorsque l’on persiste à opposer à cette tentation islamique une « laïcité » à la française, dépourvue de substance et d’élan, ou les « valeurs de la République », tout aussi vides et auxquelles plus personne ne croit ? La droite française, y compris l’extrême droite, est trop souvent tombée inconsidérément dans le piège qui consiste à brandir ces oripeaux inconsistants face à la vigueur de l’islam. Leur efficacité est nulle. Ce qu’il faut retrouver, ce sont les beautés françaises – historiques, sociales, esthétiques et spirituelles – pour les rendre visibles, enviables, respectables et aimables par tous. Ce sont ces beautés, ainsi que la force de la Tradition française, qui doivent être mises en avant. Nombreux sont ceux qui commencent à comprendre l’importance de dissocier ces réalités historiques, constitutives des origines de notre nation, des abstractions idéologiques qui leur ont été surajoutées, pour notre plus grand malheur. Il faut – c’est là notre position – continuer sur cette voie et progresser dans ce sens.
CHRONIQUE – En votant contre une résolution pour la libération de l’écrivain au Parlement européen, l’Insoumise montre qu’elle n’est loyale qu’au régime algérien.
… ils sont nombreux à rêver, aujourd’hui, à la manière d’une revanche historique, d’une France algérienne – ou du moins, d’une France islamisée.
Rima Hassan sait faire parler d’elle. À Bruxelles, elle a ainsi voté contre une motion appelant à la libération de Boualem Sansal, depuis plusieurs semaines maintenant otage du régime algérien, et risquant de périr dans ses geôles. Elle a justifié son vote sur X/Twitter avec un raisonnement tarabiscoté, en prenant la peine d’ajouter que Sansal n’a pas été arrêté à cause de ses idées, ou de son activité d’écrivain, mais parce qu’il aurait remis en question l’intégrité territoriale algérienne, nuance apparemment essentielle dans le présent contexte. Elle ne s’est pas empêchée, par ailleurs, comme on le fait souvent dans les rangs de LFI, de marquer l’écrivain à « l’extrême droite », ce qui est une manière de dire qu’il a bien cherché son sort, même si on peut s’en désoler. Elle a ajouté bien qu’à demi-mot, que ses défenseurs devraient s’occuper davantage du sort des Palestiniens que du sien.
Ils sont nombreux à parler de trahison. Tout cela semble évidemment vrai, mais à la surface des choses. Car ce vote finalement ne contredit en rien les prises de position, les combats qui, en quelques mois, ont donné à Rima Hassan un statut particulier dans la politique française, celui d’égérie de la cause palestinienne, cause sur laquelle LFI a fait sa campagne européenne et prépare à en croire les discours de Jean-Luc Mélenchon sa campagne présidentielle. Rima Hassan avec ce vote montre une fidélité sans faille à ce qui motive l’intégralité de son engagement. C’est elle qui , déjà, écrivait au mois de juillet qu’Alger était «la Mecque des libertés». Pour parler d’intelligence avec l’ennemi, il faudrait déjà que la députée considère le régime d’Alger comme hostile. C’est exactement le contraire.
Il ne faut pas l’oublier : la mouvance décoloniale, qu’il serait plus avisé de présenter comme la mouvance contre-coloniale, considère depuis un temps LFI comme une prise de guerre. C’était exactement ce que disait Houria Bouteldja en 2021 en rappelant l’évolution de Jean-Luc Mélenchon. « Il y a un butin de guerre qui s’appelle Mélenchon. » Jean-Luc Mélenchon « était une espèce de laïcard de dingue ». Aujourd’hui, « il dit des choses qu’il n’aurait jamais dites, il y a quinze ans ». Plus récemment, la militante décoloniale Sabrina Waz présentait LFI comme « le parti des Arabes », actant par là d’une conscience ethnoraciale revendiquée – ce qui ne devrait pas surprendre, car c’est en Occident seulement qu’on a voulu et réussi à la transcender au fil des dernières décennies. Ailleurs dans le monde, elle demeure active – elle l’est aussi souvent chez ceux qui s’installent en Occident. C’est le paradoxe des temps présents : l’universalisme occidental, qui s’est même déchargé de la conception substantielle de la nation qui le rendait possible, se décompose devant les particularismes agressifs qui jouent de la mauvaise conscience post-coloniale pour s’imposer.
Rima Hassan, en piétinant Boualem Sansal, explique au peuple français qu’elle n’a aucun égard pour lui. C’est au régime algérien et à la seule cause palestinienne qu’elle se montre loyale, jusqu’au fanatisme. Mais cela va plus loin : on a quelquefois l’impression que la classe politique française, par rapport à l’Algérie, est victime d’érotomanie. Elle ne cesse de chanter un amour réciproque entre la France et l’Algérie, alors que le régime de cette dernière est animé par la haine anti-française. La controverse récente entourant les influenceurs algériens devrait suffire à dissiper les derniers doutes à cet égard, et confirmer qu’ils sont nombreux à rêver, aujourd’hui, à la manière d’une revanche historique, d’une France algérienne – ou du moins, d’une France islamisée.
Mais voilà, on ne conquiert pas un pays sans complices dans ses murs. À bien des égards, LFI est le véhicule d’un nationalisme étranger, et surtout, conquérant. On y trouve évidemment encore, et en grand nombre, des Autochtones, qu’on appelait à l’occasion des Français de souche, mais qu’il faudrait peut-être appeler plutôt les nouveaux Français reniés, qui se font régulièrement expliquer que leur temps sera bientôt passé. C’est ce qu’a fait au printemps 2024 Rima Hassan, à laquelle on revient toujours, dans un meeting. Je la cite : « L’antiracisme a besoin de voix et de visages incarnés, et non pas de porte-parole éloignés de ses réalités. Cette époque du porte-parolat est révolue. » À ses côtés, on trouvait une Mathilde Panot déconfite, comprenant soudainement que les indigénistes militants qui s’autoproclament « racisés» jugent désormais qu’ils peuvent se passer des Français à l’ancienne. Qui pourtant demeurent à leurs côtés. On trouve à LFI de fiers dhimmis. Appelons-les les conquis contents. ■ MATHIEU BOCK-CÖTÉ