Si la restauration de Notre-Dame de Paris a montré ce que la mobilisation nationale pouvait accomplir en un temps record, souhaitons que le Louvre bénéficie d’un élan similaire. Notre-Dame, comme le Louvre, ne sont pas que de simples monuments, ils sont une part de l’âme française.
Par Paul Melun.
LE COMMENTAIRE DE JSF – Paul Melun, dans le JDD du 24 janvier, joint sa voix à toutes celles qui se sont élevées en apprenant, pour la plupart avec surprise, le mauvais état du Palais du Louvre et du musée lui-même, pourtant si vivant et magnifique lorsqu’on a la chance de le visiter. Paul Melun s’est fait une spécialité des sujets touchant à la culture, au patrimoine sous toutes ses facettes et, surtout, à la transmission. Vaste programme, devenu existentiel à l’heure démocratique, où l’on ne produit plus grand-chose capable de susciter l’enthousiasme, et où la conservation des œuvres du passé est donc devenue une exigence plus impérieuse qu’autrefois. Emmanuel Macron y trouve un exutoire à son isolement et à son inaction forcée. Tant mieux pour le patrimoine et pour le Louvre, où, en effet, dialoguent les cultures qui furent celles de l’ancienne Europe, sous leurs formes communes tout en restant bien distinctes selon les nations, les peuples et les traditions qui la constituent.
CHRONIQUE. À l’heure où la présidente-directrice du Louvre alerte sur l’état préoccupant (infiltrations d’eau, équipements vétustes…) du musée, l’essayiste Paul Melun appelle à sauver ce joyau du patrimoine français et espère qu’il bénéficiera d’un élan similaire à celui de Notre-Dame de Paris.
« Sauver le Louvre, c’est sauver ce qui nous unit »
En ce mois de janvier, une alerte a retenti au cœur du patrimoine français. Laurence des Cars, présidente-directrice du musée du Louvre, a tiré la sonnette d’alarme sur l’état préoccupant de ce joyau national. Infiltrations d’eau, équipements vétustes, variations de température menaçant la conservation des œuvres… Le tableau est sombre. Face à cette situation, Emmanuel Macron s’apprête à annoncer un « grand chantier présidentiel », répondant ainsi à l’urgence exprimée. Une réaction rapide et salutaire qui, espérons-le, sera à la hauteur des enjeux.
Laurence des Cars mérite d’être saluée pour sa lucidité. Être à la tête du plus grand musée du monde, c’est non seulement gérer des chefs-d’œuvre, mais aussi porter la responsabilité d’un symbole universel. Par sa vigilance et son rôle de lanceuse d’alerte, elle satisfait pleinement à la mission que l’État lui a confiée. Il serait inconcevable que les appels de cette vigie courageuse soient ignorés.
La réactivité du président de la République, qui s’est rendu sur place il y a peu, témoigne d’une prise de conscience prometteuse. Si la restauration de Notre-Dame de Paris a montré ce que la mobilisation nationale pouvait accomplir en un temps record, souhaitons que le Louvre bénéficie d’un élan similaire. Notre-Dame, comme le Louvre, ne sont pas que de simples monuments, ils sont une part de l’âme française.
Une histoire de transformation
Le Louvre lui-même est une histoire de transformation. Forteresse médiévale sous Philippe Auguste, palais royal sous François Ier, ce bâtiment devint musée sous la Révolution, en 1793, dans un geste symbolique fort : celui de mettre l’art à la portée de tous, de faire du trésor des rois un bien commun. Victor Hugo, dans ses écrits, célébrait ce Louvre où l’Histoire rencontre la Beauté, cet univers où l’âme française se mire. Chaque pierre, chaque salle, chaque tableau raconte une page de notre passé et un fragment de notre identité.
Le Louvre est bien plus qu’un réceptacle de mémoire : il est une ambassade vivante de la France dans le monde
Au-delà de sa dimension patrimoniale, le Louvre incarne aussi une mission de médiation culturelle essentielle. Ce musée ouvert sur le monde est également ouvert à sa jeunesse : rappelons que l’accès aux collections et aux expositions temporaires y est gratuit pour les moins de 26 ans. Cette mesure, exemplaire, n’est pas une vaine largesse financière : c’est une conviction profonde que l’art appartient à tous. En France, une grande politique culturelle porte en elle un aspect social indissociable de son ambition. Ouvrir les portes du Louvre à la jeunesse, c’est offrir à chacun, quelle que soit son origine sociale, un accès à la beauté, à la réflexion, à l’émotion. C’est rappeler que la République se construit autant dans les écoles que dans les musées, lieux d’émancipation et de transmission.
Mais le Louvre est bien plus qu’un réceptacle de mémoire : il est une ambassade vivante de la France dans le monde. Avec près de huit millions de visiteurs en 2022, il fait rayonner l’excellence culturelle et artistique française sur tous les continents. Ses œuvres, de La Joconde à La Victoire de Samothrace, incarnent un dialogue universel, un langage de beauté qui traverse les frontières et les âges. Délaisser le Louvre serait renoncer à une partie de notre influence et de notre grandeur.
Ne pas oublier les autres musées
Cependant, concentrer nos efforts sur le Louvre ne doit pas nous faire oublier les autres musées, plus modestes, dispersés à travers le territoire. Ces lieux, parfois oubliés, sont eux aussi des sanctuaires de la culture, des ponts entre le passé et les générations futures. Dans les campagnes comme dans les petites villes, chaque musée raconte une histoire locale qui enrichit le récit national. La République a le devoir de garantir leur pérennité, car la culture ne saurait se limiter aux grands centres urbains ou au tourisme international.
Cette alerte sur le Louvre doit être l’occasion de repenser une grande politique culturelle, ambitieuse comme celle qu’André Malraux avait initiée. À l’époque où la mondialisation uniformise les imaginaires, protéger et promouvoir notre patrimoine est un acte de résistance, un rappel que la France demeure une terre de création et d’innovation.
Que le Louvre retrouve vite son éclat, et avec lui, la fierté d’un pays tout entier. Car sauver le Louvre, c’est sauver ce qui nous unit, ce qui nous élève, ce qui nous dépasse. C’est sauver un fragment essentiel de la France. ■ PAUL MELUN