« Nous avons nous-mêmes créé une situation inextricable, où intégration ratée se conjugue avec poussée islamiste voire terroriste, et désormais avec une noyade nationale dans le narcotrafic »
C’est l’illustre Rima Hassan, franco-syro-palestinienne et députée européenne de son état, qui nous fournit, « en dépit de son plein gré », la grille de lecture de ce qui nous arrive. Ce qui arrive à Boualem Sansal tout d’abord, otage du régime algérien jeté en prison depuis novembre 2024, malgré son âge avancé et une maladie grave. À l’Algérie ensuite, qui s’enfonce dans une sorte de national-islamisme agressif, et dont le président accuse la France de « génocide » et humilie ouvertement Paris. À la France enfin, submergée par une immigration musulmane hors contrôle et qui voit se déployer sur son sol un bataillon de mudjahidines 2.0 algériens, qui menacent quotidiennement de la violenter.
Le point commun ? La lutte décoloniale (en vérité une volonté de colonisation à l’envers) que portent les idéologues musulmans et autres « racisés » contre la France et l’Occident, avec le soutien d’une extrême gauche convertie à l’islamisme, la haine des « sionistes » (lire des Juifs), et la défense bec et ongles du régime algérien, « la Mecque des libertés », selon l’élue LFI.
Fort logiquement, Mme Hassan et ses amis, après avoir relativisé le pogrom et les prises d’otages du 7 octobre 2023, approuvent un an plus tard la prise en otage d’un écrivain franco-algérien par le régime d’Alger. L’époque est aux otages et fait partie des traditions… L’écrivain avait eu le tort de critiquer le régime, de prévenir ses concitoyens français de l’islamisme qui les menace et de croire qu’entre la dictature militaire et celle des barbus, il pourrait peut-être un jour émerger un chemin de paix et de liberté pour les peuples arabes… Qui ne voit, dès lors, que la lutte pour la liberté de Boualem Sansal est aussi, et même d’abord, la nôtre ?
L’appareil militaro-sécuritaire au pouvoir à Alger depuis l’indépendance vit très confortablement d’une fantastique rente gazière et pétrolière (95 % des exportations et 60 % des recettes budgétaires) du pays. Le peuple, lui, ne reçoit que des miettes via le contrôle des prix des produits alimentaires. Mais le pouvoir à Alger vit aussi d’une autre rente : la dénonciation quotidienne de « l’ennemi éternel français » (dixit un ministre du Travail algérien), coupable de tous les maux du pays.
Récemment, après la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara occidental, la pression est montée de plusieurs crans. Alger, désormais, juge – et il n’a pas tort hélas – que la France est molle, qu’elle est devenue faible. Que le moment est venu de lui faire payer ses « 132 années de colonisation par 132 années de visas », comme dit Tebboune. Qu’on peut lui envoyer des dizaines de milliers d’harragas chaque année et n’en reprendre aucun, même quand ils remplissent les prisons françaises. Que les caciques du régime peuvent venir se faire soigner gratuitement dans les meilleurs hôpitaux parisiens, avec un passeport diplomatique. Qu’ils peuvent politiser à leur guise, depuis vingt consulats et la grande mosquée de Paris, une masse de plusieurs millions d’immigrés algériens (le chiffre Insee de 2 millions est bien supérieur si l’on inclut les clandestins), dont certains appellent à l’intifada en France…
Alors que de Gaulle, après Évian, voulait fort justement tourner définitivement la page algérienne et passer à autre chose, à peine quinze ans après l’indépendance, avec le regroupement familial et l’immigration de masse des années 1970, nous avons nous-mêmes créé une situation inextricable, où intégration ratée se conjugue avec poussée islamiste voire terroriste, et désormais avec une noyade nationale dans le narcotrafic, le tout émaillé de bouderies et de colères à répétition du régime algérien à notre encontre, un régime passé maître dans l’exploitation, chez nous, d’un inextinguible complexe de culpabilité.
Les choses désormais ont atteint un niveau de tensions tel que la génuflexion n’est sans doute plus la meilleure voie à suivre. Foin de repentance, de contrition, de reconnaissance de « crimes contre l’humanité », cette énorme erreur de Macron en 2017 avant son élection. Sun Tzu enseigne qu’il ne faut jamais se battre sur le terrain de l’adversaire. Alors à quoi sert de touiller les « mémoires » que d’un seul côté, sinon à alimenter la rente mémorielle exploitée sans vergogne depuis soixante-trois ans par le pouvoir militaro-sécuritaire algérien ? Pourquoi ne pas nous adresser, au contraire, aux deux tiers de la population qui n’ont jamais connu la guerre d’indépendance et qui aspirent surtout à vivre convenablement et si possible librement ?
Une dose de bon sens s’impose désormais avec les mesures suivantes, applicables immédiatement : suppression pour trois mois renouvelables de tous les visas et autres titres de séjour, arrêt des transferts financiers vers l’Algérie, suppression de l’aide publique au développement (200 millions par an !), fermeture de consulats (vingt en France contre trois consulats français en Algérie), cela en attendant que cessent les déclarations insultantes contre la France et ses dirigeants, que Boualem Sansal soit remis en liberté, et qu’Alger s’engage à reprendre sur son territoire ses ressortissants expulsés depuis la France. La puissance impose le respect, comme la faiblesse conduit inéluctablement au paillasson… ■ PIERRE LELLOUCHE
*Dernier livre paru : Engrenages. La guerre d’Ukraine et le basculement du monde, de Pierre Lellouche, Odile Jacob, 368p., 23,90€. Odile Jacob
Tant que Macron sera là inutile d’espérer des mesures contre l’Algérie qui ne comprends que les rapports de force, ce dont notre « président » est dépourvu. Ne voit-il pas qu’il nuit aux émigrés et descendants d’algériens qui veulent sincèrement devenir français?