Nous n’avons rien à ajouter à cet article d’Alexandre Devecchio qui est paru dans le Figaro du 30 janvier. Simplement, observons que derrière le cas de Louis Boyard se dessine une partie de la société française. Lourdement inquiétante, en effet.
Cette déchéance ne se limite pas aux élus : ils sont le reflet d’une partie de la société française. Louis Boyard est l’enfant de l’ère du vide, le fils spirituel de TikTok et de Médine.
LA BATAILLE DES IDÉES – Comment le jeune député insoumis, qui a pour seul CV un passé de trafiquant de drogue et quelques vidéos TikTok, a-t-il pu connaître une telle ascension ?
«Je suis nul, vraiment nul, tu ne peux pas me mettre dans une salle de classe…» C’est ainsi que se présentait Louis Boyard en septembre 2021, lors de sa première dans l’émission «Touche pas à mon poste !» « J’vais pas t’mentir, j’ai dealé, j’vous jure », avouait-il dans cette même émission. Un an plus tard, le « nul » revendiqué était élu député du Val-de-Marne à seulement 21 ans ! Durant les quatre ans qui suivront, ses principaux faits d’armes seront d’avoir refusé de serrer la main aux députés du RN et d’appeler au «blocus challenge» des lycées durant la réforme des retraites.
Cela ne l’a pas empêché de tenter de conquérir ce dimanche la mairie de Villeneuve-Saint-Georges, après être arrivé en tête à l’issue du premier tour. La carrière politique de Louis Boyard pose une question vertigineuse : comment un médiocre autoproclamé, avec pour seul CV un passé de trafiquant de drogue et quelques vidéos TikTok, a pu connaître une telle ascension ? En vérité, le député Boyard est le symptôme d’une triple déchéance.
Tout d’abord celle de la gauche française, qui prospère désormais sur le terreau de l’antisionisme et de la haine de la France. Son choix de s’implanter dans une ville de banlieue connue pour ses cités « sensibles », comme celui d’afficher sur sa liste un militant pro-Hamas, s’inscrit dans la stratégie clientéliste suivie par la gauche depuis plusieurs décennies. Cette stratégie désormais assumée ouvertement et appliquée de manière radicale par la France insoumise, a en réalité été, avant même la note Terra Nova, l’apanage de toute la gauche, y compris le PS et les écolos, en particulier dans les communes de banlieue. La politique de la ville, celle des « grands frères », et le cheval de Troie associatif, ont souvent été une manière de sous-traiter le maintien de la paix sociale aux entrepreneurs politico-religieux, quand ce n’était pas aux petits caïds locaux. De ce point de vue, l’élection de Boyard n’est que le point d’orgue d’une longue dérive qui pourrait se retourner contre la gauche elle-même lorsque les leaders communautaires décideront de ne plus lui déléguer le pouvoir pour appliquer directement leurs propres règles.
Reflet d’une partie de la société française
Mais Boyard est aussi le fruit de la déchéance de la politique elle-même. Depuis la fin des années 1980, celle-ci a cédé la place à la technocratie et à la communication, avant de s’abîmer aujourd’hui dans l’insignifiance et la culture du buzz. Le jeune député insoumis est le produit de cette évolution. Son ascension consacre les noces de l’Assemblée et de la télé-réalité, l’avènement du député influenceur confondant ses électeurs avec des followers. Adieu controverse civilisée et joutes oratoires enflammées, bienvenue buzz stérile et post Instagram ! L’invitation des youtubeurs Mcfly et Carlito à l’Élysée ou la réponse d’Emmanuel Macron à un influenceur islamiste sur les réseaux sociaux montrent que cette dérive s’étend à l’ensemble de la classe politique et non aux seuls Insoumis.
Cette déchéance ne se limite pas aux élus : ils sont le reflet d’une partie de la société française. Louis Boyard est l’enfant de l’ère du vide, le fils spirituel de TikTok et de Médine. Villeneuve-Saint-Georges paie la facture de décennies d’effondrement de l’école, de consumérisme et de relativisme culturel. ■ ALEXANDRE DEVECCHIO