« Ces jours sont navrants et absurdes, »
Par Richard de Seze.
Un juge administratif français a suspendu l’expulsion vers l’Algérie d’un Algérien qui appelait au meurtre des Français. Pourquoi ?
Parce que selon lui garder en France l’exalté ne « ferait [pas] peser un danger imminent pour l’ordre public au point de justifier son expulsion en urgence absolue, alors que l’autorité judiciaire n’a pas estimé utile de le placer en détention provisoire ni même sous contrôle judiciaire » ; et même, la procédure d’urgence absolue utilisée par le ministre de l’Intérieur risquerait « de priver l’intéressé, avant de l’expulser, de garanties essentielles », ce qui serait un risque bien plus grave que de voir deux ou trois Français effectivement assassinés parce que l’influenceur algérien aurait réussi à influencer ses compatriotes accueillis en France ou ces Français qui se disent Algériens. C’est ainsi, un juge peut intervenir dans le jeu diplomatique de la France en invoquant des motifs parfaitement vaseux et prétendre n’avoir fait que son métier ou même son devoir tout en excipant de la séparation des pouvoirs.
Une préférence nationale, sociale, environnementale ?
Pendant ce temps, une entreprise française va fermer ses portes – une parmi mille et mille – à Calais car elle a perdu un appel d’offres pour un marché public, la confection d’uniformes de gala pour l’armée et la gendarmerie françaises. C’est une entreprise malgache qui va les fabriquer, elle est moins chère. La CGT Textile Habillement Cuir et Blanchisserie explique que la direction est coupable, forcément, alors que les seuls coupables sont les fonctionnaires qui rédigent des cahiers des charges et les politiques qui ne mettent en place aucune barrière. La CGT Textile Habillement Cuir et Blanchisserie, d’ailleurs, explique avec ingénuité qu’il faudrait conditionner l’attribution des marchés publics « à des critères sociaux et environnementaux » pour garder la production en France : la bonne idée ! On pourrait appeler ça la préférence nationale et la CGT arrêterait de défiler pour soutenir n’importe quel crétin européiste ! J’étais à deux doigts de les trouver touchants, ces crétins, mais leurs revendications avaient quand même un odieux parfum internationaliste puisque si les salariés étrangers jouissaient des mêmes droits que les français, la CGT Textile Habillement Cuir et Blanchisserie ne serait plus si roide sur le maintien de la production nationale sur le territoire national.
Lucie, Hitler et les œufs de vache
Pendant ce temps, sous les applaudissements officiels, l’État français lançait Lucie, un projet d’intelligence artificielle (IA) générative, un robot conversationnel, un modèle de langage probabiliste accessible via une interface de conversation, financé dans le cadre de France 2030, un plan d’investissement public qui vise à développer la compétitivité française et à renforcer de la souveraineté nationale dans le domaine des nouvelles technologies (c’est un truc mis au point par Le Maire, on peut avoir confiance). « Lucie, l’IA vraiment open source basée sur la transparence, la confiance et l’efficacité. Lucie n’est pas seulement ouverte, elle est également transparente et fiable [elle n’a été entraînée qu’avec des données françaises, c’est pour ça]. Depuis sa création, chaque décision a été guidée par des principes de responsabilité, d’équité et de fiabilité. Que ce soit pour l’éducation, le gouvernement ou la recherche, Lucie est conçue pour être un modèle sur lequel vous pouvez compter. » Et elle respecte aussi les valeurs européennes, c’est marqué dessus, rassurez-vous. Le lancement de Lucie, c’était en prélude au Sommet international sur l’IA où « la France souhaite aboutir dans le cadre du Sommet à la création d’une nouvelle plateforme mondiale qui servira d’incubateur pour mettre l’intelligence artificielle davantage au service de l’intérêt général. » Et alors ? Alors les internautes ont demandé à Lucie de parler comme Hitler, et elle l’a fait, dans le respect des valeurs européennes, sans doute, Hitler était assez chaud sur le sujet. Ils lui ont demandé de décrire le processus de fabrication d’une drogue de synthèse, et elle l’a fait, en toute transparence et fiabilité, au gramme près pour les ingrédients. Ils lui ont demandé ce qu’étaient des œufs de vache et elle a répondu : « Les œufs de vache, également connus sous le nom d’œufs de poule, sont des œufs comestibles produits par les vaches ». Ils lui ont demandé combien font cinq fois cinq, et elle n’a pas su. Voilà l’un des nouveaux jouets de Macron, voilà l’une de ses fiertés, avant qu’il ne se jette, devant le fiasco, au chevet du Louvre, annonçant des mesures qui étaient déjà discutées depuis deux ans. Ces jours sont navrants et absurdes, mais au moins ils permettent de sourire. ■ RICHARD DE SEZE
Article précédemment paru dans Politique magazine.