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Par Pascal Cauchy.
Le menhir, le phare et le cap. Méditation enracinée sur un Français vu de l’étranger.
Sans doute depuis le général De Gaulle en 1970, aucun homme politique français dont on apprend le décès n’eut les honneurs (je n’écris pas les hommages) de la presse du monde entier. Ayant eu la curiosité, grâce à Internet, de parcourir les journaux des cinq continents, je constate que Jean-Marie Le Pen était connu du monde entier. De Moscou à Rio, de Los Angeles à Delhi, du Cap à Tel Aviv et en passant par toute l’Europe, Tokyo et Pékin, le nom de Le Pen s’écrit dans toutes les langues, avec tous les alphabets. Pour tous, ou presque, il fut « El Diablo de la Republica » (La Nacion de Buenos Aires). Cette notoriété mondiale mérite attention.
Comment l’expliquer alors que Jean-Marie Le Pen n’accéda jamais à aucun pouvoir, n’exerça aucune fonction de responsabilité nationale ou internationale ? Sans doute ses saillies, parfois calamiteuses, ont pu lui donner une célébrité plus ou moins flatteuse. Pourtant d’autres, ailleurs, ont eu le verbe haut et provocateur sans pour autant bénéficier d’un succès médiatique planétaire. Il faut le reconnaître, le nom de Le Pen s’affiche d’abord comme un repoussoir, le « diable » en politique, et rares sont les contemporains qui ont eu ce rude privilège depuis 1945. La longue vie politique de Jean-Marie Le Pen (près de soixante ans) fut un atout pour se faire connaître, certes, mais son meilleur avantage est qu’il fut constamment à contre-courant des idées de son temps. Pour le dire vite, il fut un opposant idéologique permanent. Mais à qui et à quoi ?
Costumé en diable par Mitterrand
Au temps de la IVe République, il est anticommuniste alors que le PC et le marxisme règnent en maîtres chez les intellectuels. Il parvient même à prendre la présidence de l’UNEF de la faculté de droit. Député poujadiste et benjamin de l’Assemblée en 1956, il rejoint l’armée en Algérie après être passé par l’Indochine et Suez, un choix en contrepoint avec la politique du « système ». De Gaulle au pouvoir, Le Pen reste dans l’opposition quand celui-là fait de l’Algérie un État indépendant sous la férule du FLN. Cette opposition systématique, il ne la quittera jamais. Le grand public le découvre, l’œil bandé, pendant la campagne présidentielle de 1974. Il n’obtient que 0,74 %. Mais le chef du nouveau Front National est sur la rampe de lancement. Deux slogans déterminent la marque du parti nationaliste : « La France aux Français » et « Un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés de trop ! ». Le premier n’est pas neuf. Il a été popularisé par Edouard Drumont et le marquis de Morès, avant de revenir en force dans les années des Ligues. Le second naît à gauche quand la préférence nationale en matière d’emploi était un argument électoral et de lutte contre le capitalisme ; il fut inauguré par Edouard Herriot, chef du Cartel des Gauches.
Absent de l’élection de 1981, Jean-Marie Le Pen prend définitivement les habits du Diable peu après. Le costumier s’appelle François Mitterrand, le costumé y met du sien. À partir de 1982, le FN progresse à la mesure de son rejet. Phénomène étonnant, plus les électeurs du parti sont moralement disqualifiés, plus le FN gagne des voix. Vingt ans plus tard, Jean-Marie Le Pen est au second tour de la présidentielle. Ce succès, Jean-Marie Le Pen et le FN le doivent à la place laissée vacante à droite avec la fin de l’épisode gaulliste. La tradition nationale et populaire de l’histoire républicaine avait vécu, elle était à ramasser. Née vers 1890 avec Boulanger et Déroulède, elle semblait obsolète quand Giscard accède au pouvoir et que le parti gaulliste entame sa mue libérale avec Chirac. Mais à gauche aussi, un creux idéologique se forme. La rétraction du PC accentue le vide dans les années 1980. Le parti de Thorez et de Marchais avait su capter un patriotisme ouvrier depuis 1945. Quand arrive le traité de Maastricht, c’est la marée basse pour l’idée nationale à droite comme à gauche, hormis quelques voix. Mais la mer remonte. Dès lors le FN est porté par le flux.
Le Pen, paratonnerre de la gauche
Pour Mitterrand et la gauche socialiste, le FN a le triple avantage de concurrencer la droite classique, d’assurer à la gauche le monopole moral et d’effacer un passé bien compliqué pour certains : Mitterrand à Vichy, Marchais travailleur volontaire en Allemagne, les socialistes solidaires du maréchal Pétain et Blum muet sur les déportations, les communistes alliés des nazis, etc. La vie politique française a trouvé son antidote au poison de l’histoire. Le Pen c’est Destop, il ne faut pas le boire car c’est un décapant de première force. La formule chimique, c’est celle de « l’antifascisme » qui avait si bien fonctionné en 1936. Et quand la gauche dut assumer ses complaisances douteuses (génocides en pagaille, crimes organisés, terrorisme, trafics en tout genre, pédophilie) et montrer ce qu’elle est (escroqueries, argent roi, Bernard Tapie…), Le Pen fut le paratonnerre commode. On ne critique pas le camp du bien, « c’est faire le jeu… », etc.
Mais cette histoire française ne suffit pas à expliquer la renommée mondiale de J.-M. Le Pen. Le physique y est sans doute pour quelque chose, il y a du Danton chez Le Pen. Mais, surtout, c’est qu’aujourd’hui, les thèmes jetés dans le gueuloir (merci Flaubert !) politique il y a un demi-siècle sont devenus désormais des faits majeurs reconnus dans le monde entier. Depuis la mort du fondateur du FN, une petite musique se fait entendre : « Le Pen disait mal des choses vraies ». La « préférence nationale », la lutte contre les dérangements démographiques et l’Islam agressif, la recherche de la souveraineté comme intérêt principal sont dans l’air dans le monde entier. Depuis le Brexit, les vents dominants poussent l’idée nationale. Modi en Inde, Poutine en Russie, Milei en Argentine, Trump en Amérique, Melloni en Italie, Orban en Hongrie, et les centaines de millions d’électeurs : ils sont nombreux à pouvoir se reconnaître dans les formules du FN. Et puisqu’on a dit et répété, aujourd’hui encore, que pendant des siècles la France était et est un phare politique pour le monde, sans doute Jean-Marie Le Pen y a tenu sa place sur la passerelle. ■ PASCAL CAUCHY
Vive Jean-Marie !
On ne t’oubliera pas !
Un ancien électeur de Jean-Marie depuis 1984…