
Par Hilaire de Crémiers.
Trump sait ce qu’il fait. Il a pris ses dispositions, toutes ses dispositions, depuis déjà plusieurs mois. Depuis son accession à la présidence en janvier, il déroule son plan comme il l’a prévu. Et avec toute la rapidité requise et qu’il juge nécessaire. Il n’a plus que quatre ans devant lui et il arrivera bientôt à 80 ans.

Il a conscience – même s’il le pense et le dit avec une fatuité quelque peu ostentatoire qu’un certain bon sens jugera sans doute disproportionnée – qu’il est dans les circonstances d’aujourd’hui – et c’est vrai – le seul à avoir le charisme suffisant auprès du peuple américain pour changer les choses fondamentalement. Or, dans son esprit, comme dans celui de son électorat, c’est bien fondamentalement qu’il convient de les changer, et même il y a urgence d’opérer un tel changement, pour le peuple des États-Unis d’abord, pour le monde ensuite. Eh oui ! L’un et l’autre sont inséparables, mais il existe un ordre de priorité, les États-Unis par nature et définition commandant le reste du monde, soit en le dirigeant, soit en le laissant à lui-même selon les opportunités. De Jefferson à Roosevelt et maintenant à Trump, la doctrine reste la même, doctrine d’État, à fondement spécifiquement religieux. En dépit de tout, cette doctrine revient sans cesse, c’est le cas aujourd’hui. Ne pas le voir, c’est s’aveugler. Les Français qui sortent de Sciences-Po ne sont pas capables de seulement comprendre.
Il suffit pourtant de l’entendre et de bien vouloir, lui, le comprendre pour appréhender ce point essentiel qui fait frémir nos démocrates patentés. Ceux de là-bas, bien sûr, mais qui sont en train de perdre la partie ; en fait, surtout ceux de chez nous, particulièrement en France, toute la prétendue intelligentsia et toute la presse de gauche déchaînée qui hurle au fascisme comme les wokistes d’outre-Atlantique. C’est que ces petits maîtres craignent cet exemple américain ; il pourrait remettre en cause leur magistère et leurs prétentions à la direction des esprits ; ils sont sur la défensive, comme ne l’a que trop montré l’affaire scandaleuse de la suppression de C8 et d’NRJ12, entre autres, décidée arbitrairement et par la connivence dans la censure d’État de l’ARCOM et du Conseil d’État aux ordres de la bien-pensance officielle et des autorités morales et politiques de la République. C’est ainsi en France, ça l’a toujours été sous toutes les Républiques, sans exception, dans la suite de la première qui interdisait toute contradiction. Et faut-il rappeler comment de tels beaux esprits, dans un passé pas si lointain, se partageaient successivement, quelquefois simultanément, l’opinion et la représentation dite nationale, en fait toujours partisane comme aujourd’hui, dans l’hémicycle agencé à cet effet, en choix aussi virulents que définitifs, américanophiles, soviétophiles, russophiles, anglophiles, germanophiles, mais d’abord et avant tout francophobes, la plupart du temps sans le savoir tant leurs esprits étaient – et sont encore – façonnés par la propagande ? Pauvre France abandonnée, rejetée par un républicanisme idéologique et un rousseauisme stupide, qui lui servent de principes constitutionnels, sans plus rien entendre des voix qui lui viennent de son histoire, ni des fortes leçons que lui inflige régulièrement l’étranger. Après deux cents ans de République, qui passe son temps à enseigner aux Français la détestation de leur pays, de leur histoire, de leur religion, de leurs traditions, les malheureux ne comprennent plus rien à leur propre nation, ni à la politique nationale et royale qui l’a constituée, et qui pourrait, en étant remise en vigueur, la tirer de son affaissement. C’est un troupeau sans berger, comme les gilets jaunes, comme les agriculteurs, comme toute la France de la périphérie.
Macron préside à la mort de la Ve République
Ces quelques éléments de réflexion permettent de cerner les différences qui séparent les conceptions en concurrence. Le discours de Macron n’est pas celui de Trump, tout le monde le constate. Macron ne croit plus en la France, il réprouve son passé, il ne jure que par une construction européenne théorique à qui il attribue la souveraineté d’un État, mais purement abstraite, sans citoyenneté efficace. Il ne se sert de sa présidence que dans cet unique objectif, mettant son propre avenir en jeu dans le cadre d’une communauté politique européenne, en fait inexistante, sauf dans les discours aussi prolixes que vains et sur les papiers aussi abondants que nuisibles, et dans une Communauté européenne de défense dont il voudrait visiblement prendre la direction en lui amenant et lui sacrifiant la défense française, mais sur laquelle les partenaires européens expriment les plus grandes réserves.
Trump, lui, veut un vrai redressement de son pays, et il y croit totalement, s’inscrivant dans la tradition originelle des États-Unis. Trump n’a pas peur, ni de l’Amérique, ni des Américains, ni de Dieu ni de la vérité politique. Il pense à la grandeur des États-Unis et aux grandes choses qu’ils doivent accomplir. D’où sa persuasion – non feinte mais réellement profonde, même si nous l’estimons pour notre part contestable dans notre incompréhension d’une telle mentalité – que son élection est un signe de la Providence et que Dieu le protège, singulièrement après les deux attentats qui l’ont personnellement visé, pour mener une mission qui consiste à remettre l’Amérique dans la bonne voie qui est, de plus, sa vraie voie, historique et vocationnelle !
Grave et implacable devoir auquel il s’est entièrement consacré et auquel il ne saurait renoncer. Aucune remontrance, surtout celle de Macron, ne peut le faire changer d’avis. Ses dehors politiciens, provocateurs, voire amusés avec ses partenaires de tout acabit, ne sauraient vraiment cacher cette conviction qui l’anime dans ce qu’il juge être un combat contre le mal. Les ricanements du Monde et de Libération ne changeront rien à l’affaire. Ils n’ont rien compris à l’Amérique profonde. Pas plus que le petit sot de l’Élysée et toute sa clique qui s’imaginent que leur raisonnement abstrait peut influencer la marche du monde. La vérité des faits devrait les faire rougir de honte : la France, aujourd’hui, à cause d’eux, a tout perdu, sa propre indépendance, sa souveraineté concrète, son influence dans le monde, l’Afrique tout entière, le Proche et le Moyen-Orient, bientôt le Pacifique, tout, absolument tout, et même demain l’Europe, telle qu’elle est partie, et qui va la quitter. Et ils sont contents d’eux, alors qu’ils sont incapables d’assurer l’ordre dans le territoire qui leur est confié, où les truands sont les maîtres, faisant de la France un narco-État, où des gosses sont assassinés tous les jours, où la pornographie – suscitée par leur laxisme comme la drogue – a tout envahi et tout sali, où les familles sont brisées, avec leurs lois criminelles, où il est impossible d’avoir une entreprise ou de posséder un patrimoine, où la taxe comme l’allocation deviennent la règle, où plus personne ne contrôle l’immigration, qui nous envahit par centaines de milliers, maintenant par millions, avec une Algérie qui nous bafoue et nous insulte, où les petits marquis qui nous gouvernent ne pensent qu’à se servir, à se hisser du col dans une course éhontée au pouvoir, aux honneurs, où un Ferrand devient président du Conseil constitutionnel pour, sans doute, protéger demain son copain Emmanuel quand il aura quitté l’Élysée. Macron préside à la mort de la Ve République, puisse-t-il ne pas présider à la mort de la France.
Trump remet de l’ordre en nettoyant le wokisme
Eh bien, Trump, à l’inverse, veut d’abord et le plus rapidement possible nettoyer- c’est le terme exact – la situation antérieure, telle que l’administration précédente l’a laissée et lui a, en quelque sorte et malheureusement, léguée : l’état en est jugé désastreux par une majorité d’Américains ; la cause en est due essentiellement ces dernières années à la domination des préjugés idéologiques du clan Biden et Harris, qui ont favorisé un « wokisme » général qui a tout envahi, non seulement dans les écoles et les universités, mais même dans les entreprises, dans les administrations, y compris l’armée, avec des normes et des concepts à la limite de l’absurde et du grotesque. Comme chez nous ! Sauf qu’aux États-Unis, la volonté est fermement affichée de tout balayer de cet énorme paquet de sottises et d’insanités. Il n’y a pas de problème de genre, a affirmé Trump solennellement, il y a un masculin et un féminin. Ah, que cela fait du bien ! De retrouver la nature et le bon sens le plus élémentaire ! Et tout le reste suivra. Trump a bien l’intention d’aller jusqu’au bout.
Puis, les choses remises en ordre aux États-Unis et l’immigration étant enfin contrôlée, limitée et réduite à la seule nécessité nationale, Trump souhaite, en même temps, – il l’avait annoncé – arrêter les guerres à travers le monde en supprimant les causes des conflits, par l’intervention décisive de l’État américain doté de toute sa puissance, capable de se déployer sur tous les continents et toutes les mers, de l’Ukraine jusqu’au Proche Orient. Le but ? Fort simple : mettre les États-Unis en tête du monde, « America first », prioriser les intérêts américains, ce qui ne veut pas dire, contrairement à ce qui s’écrit un peu partout, qu’après l’Amérique le reste ne compterait pas, mais ce qui signifie qu’il faut l’organiser et le contrôler dans l’intérêt bien compris des États-Unis, avec cette pensée qu’ils ont pour fonction historique, depuis leur fondation et selon la doctrine des vénérables pères fondateurs, maintenue jusqu’aujourd’hui par les meilleurs des présidents, d’être l’image la plus parfaite possible, voulue par Dieu, de la société telle que la Bible la conçoit, où les vertus de la liberté humaine doivent donner tous leurs fruits. Modèle ! Certes, on peut sourire, persifler, mais c’est ainsi. Et chacun doit prendre sa part de responsabilité, et les Européens ne peuvent y échapper. À eux de faire le nécessaire pour la défense de l’Europe et pour maintenir la paix en Ukraine. La logique de Trump est en soi terrible. Parfaitement. Il en sera de même pour les droits de douane et pour tout. Personne ne saurait abuser du libre-échange. Chacun doit faire le nécessaire chez soi. Resterait à lui expliquer que ce sont des carabistouilles quand l’un des partenaires est en situation dominante. Macron est bien incapable de le faire, vu qu’il a consenti à tout, comme il ne l’a que trop prouvé.
Trump convoque en maître, Macron et Zelensky accourent
Et donc Trump s’arrange pour réussir à tout coup. Il décide ; il est le maître ; il le fait savoir. Il crée des situations nouvelles en vue d’en tirer le profit maximum ; il arrange les circonstances, détermine les moments, fixe les lieux, choisit et convoque les partenaires qui ne peuvent se récuser : ni Macron, ni Zelensky. Ils viennent, ils accourent. C’est lui qui ouvre les négociations sur le terrain où il entend les mener. Il se pose aux yeux de tous et comme naturellement en grand ordonnateur de la scène internationale comme des comptes publics du monde, des États, tout en définissant les droits et les charges de chacun ; c’est lui qui donne les chiffres, et tant pis s’il les gonfle dans son intérêt, c’est qu’il fait de bonnes affaires ; tricher fait partie du « deal ». C’est lui encore qui règle les accords politiques avant même les partenaires concernés, fixant les limites, les obligations, tout en exprimant les prétentions et revendications, toujours qualifiées de justes, des États-Unis dont il assume, avec une franchise sans scrupules, le caractère irréfragable, malgré l’apparente extravagance des propos – le Groenland, le Canada, Panama – ou encore le chiffrage cinq fois exagéré, de 100 à 500 milliards, des prétendus prêts américains, présentés comme un dû indubitable de l’Ukraine pour des avances qui correspondaient à des investissements en matériel de guerre achetés aux entreprises américaines ! L’homme a tous les culots, rien ne l’arrête. Et que peut dire Macron ? Et Zelensky ? Il a établi à son usage exclusif un système de commandement, tant chez lui que dans le monde. Ses chargés de mission, comme ses collaborateurs, l’ensemble de la hiérarchie du pouvoir aux États-Unis d’Amérique depuis le vice-président, J.D. Vance, et le secrétaire d’État, Marco Rubio, sont sous sa coupe directe. Il choisit ses hommes et les intronise dans leurs fonctions. Préalablement, il a éliminé les équipes précédentes et continue de purger l’administration d’État de haut en bas.
Dans l’armée, il a démis brutalement de ses fonctions fin février le chef d’État-major interarmes Charles Brown, le plus haut gradé, ainsi qu’une série d’officiers généraux et supérieurs, l’amirale Lisa Franchetti, le général James Slife. Des licenciements importants sont en cours chez les agents civils. Il veut transformer l’état d’esprit de l’armée. Peter Magseth, l’ancien présentateur de Fox News, a été nommé chef du Pentagone. À la tête de l’armée, Trump a placé Dan Caine, non tant pour son grade que pour ses convictions affichées comme directeur à la CIA.
Une Europe racornie de dirigeants sans envergure accrochés à leur pouvoir
Tous les postes dans toutes les directions sont ainsi revus à l’aune de la nouvelle doctrine. Ministres, adjoints, ambassadeurs, directeurs. Habituel aux États-Unis, un tel changement prend une tournure radicale et significative. Marco Rubio, secrétaire d’État, Robert Kennedy, à la Santé, John Radcliffe, à la CIA, Tom Homan, au contrôle de l’immigration, Sophie Miller, à son cabinet, Linda McMahon, à l’éducation, Tulsi Gabbard, directrice du renseignement, Kash Patel, directeur du FBI, Pam Bondi, attorney général, Mike Huckabee, ambassadeur en Israël, Suzy Wiles, chef de cabinet à la Maison-Blanche, celle qui est la stratège secrète et discrète de Trump. Ces noms sont en eux-mêmes des lignes directrices d’un programme, le contraire de ce que nous avons en France et même en Europe, où un Bayrou, un Retailleau, un Darmanin s’efforcent en vain de jouer aux durs.
Et faut-il parler de l’ineffable Elon Musk, choisi exprès par Trump pour passer l’administration à la tronçonneuse, comme Javier Milei en Argentine ? Le patron de Tesla, de X, de SpaceX dirige le département de l’efficacité gouvernementale, dit DOGE. Effroi et panique ! L’affaire a commencé avec l’USAID, Aide internationale des États-Unis pour le développement, soit 42 milliards suspendus ! Il s’agit de tout réexaminer et revoir les priorités. Les États-Unis sont le premier contributeur mondial, assurant 40 % de l’aide mondiale. Où va l’argent ? Pour payer qui ? Cris d’orfraie, évidemment ! C’est un énorme coup de boutoir. Toutes les agences de l’État vont y passer.
Et pour le règlement de paix en Ukraine, en moins d’un mois, Trump a tout disposé. De lui-même. Traitant directement avec Poutine, sans Zelensky, sans l’Europe, sans Macron. Il a envoyé en émissaire sur place son vieil ami Keith Kellogg. Des préliminaires ont été discutés, mardi 18 février, non à Paris, ni à Genève, mais en Arabie Saoudite, à Riyad, sous les regards du prince héritier, le fameux Mohammed Ben Salman, dit MBS, que Trump se concilie pour la suite au Proche-Orient, et de son ministre des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan. La Russie avait délégué son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et le conseiller de Poutine, Iouri Ouchakov. Côté américain, Mario Rubio, le secrétaire d’État, menait la délégation, avec Steve Witkoff, envoyé spécial, et le conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz, un dur à la Trump. Les photos étaient saisissantes. Le monde n’avait plus qu’à regarder.
Restait à Macron à faire l’important, à réunir à Paris, en toute urgence, ce qu’il pouvait d’Européens. À courir à Washington, en annonçant qu’il allait faire la leçon à Trump qui n’en a tenu aucun compte. Devant le président français, il n’en a pas moins développé son plan, avec accord séparé qui oblige l’Ukraine de Zelensky à reconnaître sa dette vis-à-vis des États-Unis et à vendre minerais et terres rares, pour 500 milliards. Et Zelensky viendra à Washington, après Macron, aussi impuissant que lui, pendant que les clauses de la trêve seront examinées sans même leur présence !
Telle est la situation en cette fin février. Qu’en sera-t-il demain ? Macron et l’Europe devraient écouter la sévère leçon qu’à Munich, le 14 février, le vice-président américain, J.D. Vance, leur a adressée, et d’ailleurs en toute sympathie. Une Europe racornie, sans visée autre que de préserver l’entre-soi d’une commode bien-pensance qui flatte des dirigeants sans envergure dont l’unique pensée est de garder le pouvoir et d’écarter toute contradiction. À ce point, il n’est pas difficile de savoir qui a perdu la partie. À ce jour, cependant, Trump n’est pas à l’abri, non plus, dans sa détermination sans scrupule, d’une erreur et d’une faute. La France devrait s’en remettre à elle-même, à elle d’abord, pour se conserver elle-même, sauvegarder son avenir et préserver ne serait-ce que son honneur. ■ HILAIRE DE CRÉMIERS
Précision : Peter Magseth, secrétaire à la défense des USA, s’appelle Pete(r) Hegseth,
Remarquable article !
Hilaire, malgré son tropisme « Algérie française » est vraiment le meilleur d’entre nous .
Merci Hilaire pour ce papier . Quelle science ! que de connaissances ! Quelle mémoire , j’ai plaisir à vous lire , malgré mes incompétences et non connaissances . Merci Hilaire, à très bientôt .
Marie – Louise Dujol