
« On peut dire que la mise à l’écart des Européens dans les derniers développements de l’affaire d’Ukraine n’a pas été volée. Trump et Poutine leur vouent un immense mépris. Ils ont tout fait pour le mériter. »
CONTRIBUTION / OPINION. Dans le grand concert des empires, l’Europe a tout fait pour se retrouver dindon de la farce. Roland Hureaux retrace la chronologie de la relégation diplomatique des Européens.
Gros chagrin chez les Européens de l’Ouest. Les Etats-Unis et la Russie vont discuter entre eux pour trouver une solution à la guerre d’Ukraine sans les y associer. C’est à Riyad, en Arabie Saoudite, que se tiendra le premier rendez-vous des ministres des Affaires étrangères des parties concernées– apparemment le seul terrain neutre qu’ils aient trouvé pour traiter des affaires européennes. Humiliation suprême : les Européens ne sont pas associés à ces pourparlers, pas plus qu’ils ne l’ont été à ceux qui ont eu lieu dans la discrétion sur la question du Proche-Orient. Le président ukrainien Zelensky non plus., ce qui chagrine aussi les Européens qui ne s’étaient apparemment jamais aperçus il n’était qu’un pion.
Le discours historique de J.D.Vance à Munich
Il y a quelques semaines, lors de la Conférence internationale sur la sécurité de Munich, le 14 février 2025, les mêmes Européens ont été défrisés par les propos offensifs du vice-président américain J. D. Vance, qui les a pris à partie pour leur dire, à sa manière, leurs quatre vérités. La menace sur la liberté et la démocratie en Europe ne vient selon lui « ni de la Russie ni de la Chine ni aucun autre acteur extérieur ». Elle vient de l’Europe occidentale elle-même : « Ce qui m’inquiète, c’est la menace qui vient de l’intérieur, le recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales, des valeurs partagées avec les États-Unis. » « Il n’y a pas de sécurité si l’on a peur des voix, des opinions et de la conscience qui guident son propre peuple. »
Atteinte à la démocratie : il a cité la Roumanie où la Cour suprême a annulé le premier tour des élections présidentielles qui ont mis en tête le candidat pro-russe et eurocritique Călin Georgescu et marqué sa crainte que l’Allemagne ne fasse de même si l’AFD venait à gagner les élections législatives – ce qui ne s’est finalement pas produit. Vance dénonçait la montée des censures de toutes sortes, observant au passage qu’aucun de ces partis dits extrémistes qui s’écartent de la doxa, malgré leur représentativité avérée, n’a été invité à Munich. Et de citer, au titre du recul des libertés, la condamnation à la prison au Royaume-Uni d’un homme n’ayant fait rien d’autre que prier en silence non loin d’une clinique d’avortement, sans insister d’ailleurs davantage sur ce sujet clivant. Cependant la France de Macron n’a pas été épinglée : parce qu’elle compterait moins ? Ou bien simplement qu’elle ne perd rien pour attendre ?
Vance a appelé les Européens à écouter leurs peuples, singulièrement sur la question de l’immigration. « Aucun électeur sur ce continent n’est allé aux urnes pour ouvrir les vannes à des millions d’immigrés sans aucun contrôle. » Ecouter les peuples, contre Davos (cité explicitement). « Croire en la démocratie, c’est comprendre que chacun de nos citoyens est doté de sagesse et a droit au chapitre. »
Les provocations d’Elon Musk
Quelques jours plus tôt, Elon Musk, représentant de Trump, avait fait une tournée tout aussi remarquée, attaquant la commission de Bruxelles pour ses projets de contrôle de l’intelligence artificielle et soutenant les principaux partis pro-russes ou eurocritiques, à commencer par l’AFD – ce qui n’est pas forcément rassurant pour un Français. Au Royaume-Uni, il a sévèrement critiqué les gouvernements, les policiers et les hommes de justice dont l’actuel premier ministre travailliste Keir Stamer, ancien procureur, pour avoir longtemps fermé les yeux sur l’odieux trafic de milliers de femmes blanches et pauvres organisé par des gangs pakistanais. Cette passivité exprime plus que tout la décadence européenne. Ceux qui se sont indignés de l’ingérence de Musk seraient-ils dans cette affaire abjecte du côté des mafieux ? On ne sera en tout cas pas étonné que ce discours ait été reçu dans un silence de mort.
Indignation et colère
Quoiqu’une partie des peuples européens ait été heureuse d’entendre les hommes de Trump dire tout haut ce qu’ils pensent tout bas, le concert d’indignation des officiels (sauf l’Italienne Meloni) et des médias est tout à fait à la hauteur de ce qu’on pouvait imaginer. Les gens de Bruxelles, particulièrement visés, ne sont pas en reste : c’est la panique, d’autant que l’on suppose que Trump et Poutine veulent mettre à bas les institutions européennes – et même l’OTAN.
La reductio ad hitlerum est évidemment ressassée partout, comme chaque fois que la pensée dominante en Occident se sent menacée. Trump, Poutine sont, sans nuances, assimilés à des nazis. D’autres disent qu’ils sont fous. La démocratie est bien mal partie si les chefs de deux des principales puissances de la planète sont de ce camp ! L’Inde, plus lointaine, a un gouvernement autoritaire. Et la Chine est bien pire. Il n’y aurait plus de démocratiques que les pays de l‘Europe occidentale et encore pas tous, pas la Hongrie, la Slovaquie, la Croatie ni bientôt la Roumanie ! Un bêtisier est à constituer d’urgence avec tout ce qui s’est dit un peu partout depuis l’élection de Trump.
La gauche est bien entendu en première ligne dans ces assauts. Pour Macron, la menace russe est « existentielle » et il a tenté de mobiliser les principaux pays européens (Royaume-Uni compris) en les réunissant à Paris pour envoyer des soldats en Ukraine. Signe de son aveuglement : il va à Washington, pour tenter de convaincre Donald Trump qu’il est risqué de se rapprocher de Poutine, comme si le président américain n’y avait jamais réfléchi. La droite n’est pas en reste : Valérie Pécresse qu’on croyait libérale s’indigne que Trump veuille abolir les censures (dite fact checking). Et même l’extrême droite : Jordan Bardella refuse, de peur de se compromettre, de rencontrer Banon, un proche de Trump.
Hystérie et désarroi
La réaction européenne s’exprime sur deux registres : l’hystérie qui provoque la surenchère dans l’indignation, la complaisance à surréagir, quitte à inventer, à tout ce qui peut conforter l’idée que Trump et ses adjoints sont des affreux, à tout ce qui dans leur discours est politiquement incorrect. C’est d’autant plus facile que Trump a un côté provocateur qui le pousse aux excès. Par exemple quand il déclare vouloir annexer le Groenland ou le Canada. Ni le roi du Canada, Charles III, ni le Foreign Office qui en a vu d’autres, ne l’ont pris au sérieux.
L’autre registre est le désarroi : la doxa post-libérale et libertaire, en situation de domination depuis des décennies, dans lequel elles évoluent, n’était pas pour les oligarchies occidentales un choix mais une évidence. Hors d’elle, il n’y avait que le monde des ténèbres. Ils n’auraient jamais pensé que les ténèbres puissent venir à leur tour en position dominante. Beaucoup ont dit qu’ils ne pouvaient pas l’imaginer. Avec la réélection de Trump, le monde, pour eux, s’effondrait.
L’idéologie post-libérale (ne l’appelons plus libérale puisqu’elle multiplie les censures et les excommunications), se qualifie de « progressiste ». Il est, pour elle comme pour toutes les idéologies, plus important que tout de se croire dans le sens de l’histoire, une croyance qui dispense de toute argumentation mais permet d’écraser sans ménagements les adversaires quand il leur est permis, ce qui est rare, d’entrer dans le débat. Dès lors que cette idéologie se trouve gravement en échec, c’est le désarroi. Ce désarroi est comparable à celui des communistes qui ont vu en 1990 l’effondrement du bloc soviétique. Tout s’effondre d’un coup, ils n’ont plus de repères.
L’« intersectionnalité » woke
Le coup est particulièrement dur pour ceux qui se sont engagés contre la Russie dans la guerre d’Ukraine, soit à peu près tous. Il y a un cocktail de positions politiques formant un tout solidaire sur des sujets pourtant différents : antiracisme et décolonialisme, projet de gouvernement mondial (dont l’Union européenne serait, selon l’idée de Monnet, la première marche), libération sexuelle, avortement et homosexualité, idéologie transgenre, Covid, réchauffement climatique et décarbonation, légalisation des drogues, immigration libre et métissage, pédagogie permissive, accessoirement libre-échange et liberté de circulation des capitaux. Ceux qui adhèrent à l’un de ces principes, tels les principaux dirigeants du Forum de Davos, adhèrent généralement aux autres. Dans le bord d’en face, on appelle cela l’« intersectionnalité ».
L’hostilité à la Russie, la haine de Poutine sont allées jusqu’à ne pas l’inviter à l’anniversaire du débarquement de Normandie que pourtant les immenses sacrifices de l’Armée rouge avaient permis. Elles ont atteint dans le bloc post-libéral des sommets non seulement sous l’effet d’une manipulation de l’opinion avec des moyens très sophistiqués aujourd’hui maîtrisés par les Etats-Unis, mais aussi du fait que par ses positions sur la plupart de ces sujets, spécialement sociétaux, la Russie apparait comme le principal obstacle à la diffusion de l’idéologie woke au reste du monde. Sans que d’ailleurs la Russie donne dans aucun excès de puritanisme, elle ne pense pas, comme les soi-disant « progressistes » que la transgression de toutes les normes morales soit l’avenir du monde.
La guerre d’Ukraine
Les Occidentaux ont été entrainés à compatir aux malheurs de la pauvre Ukraine où les Américains avaient en 2014, installé de force un gouvernement qui leur était favorable. Cette compassion ne tient pas compte que dans certaines sphères nord-américaines, une guerre contre la Russie était programmée dès la fin du communisme (on se réfèrera à profit au livre de Zbigniew Brezinski, Le Grand échiquier, 1997), que dans les vingt-cinq ans qui ont suivi, les Occidentaux ont repoussé toutes les propositions d’entente émanant de Moscou et multiplié les provocations, que le seul motif du conflit était la volonté de faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN, affaire qui aurait pu être aisément réglée s’il n’y avait eu, à l’Ouest, la volonté de provoquer une guerre. Les meilleurs diplomates du temps de la guerre froide, connus pour avoir été des « faucons », tenaient déjà l’adhésion des pays d’Europe d’Est pour une provocation que la Russie, pays encore faible, avait avalée en silence. Mais Poutine avait clairement dit que l’adhésion de l’Ukraine qui privait la Russie de sa base historique de Sébastopol et plaçait les forces d’OTAN à 900 km de Moscou était une ligne rouge à ne pas franchir.
La déception des Européens de l’Ouest est aujourd’hui immense : voir que le nouveau président américain refuse de poursuivre une guerre inutile et sanglante, tente de négocier directement avec Poutine par-dessus la tête de Zelensky mais aussi des Européens les plus engagés – France, Royaume-Uni, Allemagne, Pologne – est pour eux inconcevable. Très curieusement, ce sont les Européens dont nous parlons, à l’instar du parti démocrate américain, lequel partage la même idéologie universaliste et humanitaire se prétendant libérale, qui veulent continuer la guerre, tandis que Trump et Poutine, dont la philosophie avouée est l’égoïsme national, veulent faire la paix.
On accuse le président américain de « lâcher » l’Ukraine, après que les Etats-Unis l’ont poussée à la guerre, ce qui est vrai mais est sans doute moins immoral que de continuer à subventionner sans fin des pertes humaines parfaitement inutiles. Les guerres idéologiques sont sans fin. Les intérêts, eux, ne sont pas illimités.
Les Européens de l’Ouest qui, au départ, avaient été embarqués dans le conflit, notamment au travers de sanctions contre la Russie, ruineuses pour eux, sont comparables à une meute de chiens courants que le maitre de battue lance à la poursuite du gibier, qui s’y donnent à fond, spécialement ceux qui veulent se distinguer en aboyant en tête comme le président français, et qui, quand le maitre sonne la fin de la battue, ne sachant pas s’arrêter, continuent à courir après le gibier.
Les erreurs inimaginables des Européens de l’Ouest
Les inconséquences des dirigeants de l’Europe occidentale dans un affaire qui a été en définitive la plus absurde qui soit, sont innombrables :
- Ils ont assimilé abusivement le régime oligarchique et corrompu de l’Ukraine à un poste avancé de la civilisation et de la démocratie.
- Eux qui invoquent pour un oui ou pour un nom le souvenir d’Hitler n’ont pas voulu voir qu’une part non négligeable de la pointe avancée de l’armée ukrainienne était composée de groupes armés néo-nazis agitant le souvenir du collaborateur Stepan Bandera.
- Ils n’ont pas imaginé une seconde que la Russie, première puissance nucléaire du monde, qui avait vaincu Napoléon et Hitler, ne se laisserait pas vaincre par la petite Ukraine, ni même par l’OTAN, ce qui était évident dès le départ.
- Ils n’ont pas vu ce qu’avait de provocateur la volonté de faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN, acte analogue à ce que serait une alliance de la Belgique avec la Chine contre la France. Mais se mettre à place de l’adversaire, attitude de base de la diplomatie, est un exercice inconnu des idéologues autistes. C’est sans doute la raison pour laquelle Macron a supprimé le corps diplomatique : ne pas voir, ne pas savoir.
- Ils ont confondu abusivement le souci compréhensible de Poutine de ne pas avoir des ennemis à sa porte avec une volonté impérialiste de conquête du monde.
- Ils n’ont pas mesuré ce que leur coûteraient les sanctions à l’égard de la Russie, principale cause de la crise économique dans laquelle s’enfonce l’Europe.
- Ils ont prédit un effondrement économique rapide de la Russie suite à ces sanctions (le surdiplômé Bruno Le Maire s’est particulièrement distingué sur ce registre) qui n’a évidemment pas eu lieu.
- Ils ont aussi prédit que Poutine n’était pas assuré de son pouvoir, qu’il pouvait être renversé d’un jour à l’autre par ses opposants, oubliant que ces opposants lui reprochent surtout de ne pas être assez dur.
- Pas davantage n’ont-ils anticipé la résilience économique de la Russie malgré les sanctions, ni le renforcement considérable de la puissance militaire russe que la guerre d’Ukraine a entrainé, au point que cette puissance est aujourd’hui bien plus à redouter qu’elle ne l’était en 2014, surtout que dans le même temps les Européens ont désossé leurs armées au bénéfice de la cause perdue de l’Ukraine.
Toutes ces erreurs étaient évitables dans la mesure où ce qui est finalement advenu était prévisible. Les Etats-Unis en ont fait moins : dans la mesure où leur but inavoué était d’affaiblir l’Europe et d’enfoncer un coin entre l’Europe de l’Ouest et la Russie, ils se sont beaucoup moins lourdement trompés.
Crimes
Pire qu’une erreur, un crime : la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont saboté , à la demande des Américains, toutes les tentatives d’arrangement : accords de Minsk de septembre 2014, accords d’Istanbul de mars 2022, ce qui a ouvert la porte à une guerre qui a fait 1 million de morts et d’innombrables handicapés, et détruit l’Ukraine que l’on disait vouloir protéger. Autre crime : le matériel livré au gouvernent ukrainien tout au long de la guerre était, sauf exceptions comme les canons Caesar, un matériel quasi de réforme, comme si les Européens (et les Américains) n’avaient jamais envisagé sérieusement de gagner la guerre, seulement de la faire durer pour user la Russie. Et tant pis pour la jeunesse ukrainienne (et russe) tenue pour de la chair à canon, tout comme les mercenaires recrutés dans les pays les plus pauvres de la planète.
Les dirigeants des Etats se sont fourvoyés mais encore davantage les instances de Bruxelles, où l’allemande Ursula von der Leyen, prompte à élargir les compétences de l’Union au commerce des armes et à celui des vaccins (deux secteurs particulièrement propices à la corruption) n’a pas été la dernière à jeter de l’huile sur le feu.
Le dernier carré du woke ?
Comment ne pas parler de stupidité, jointe au cynisme, devant le comportement des Européens de l’Ouest ? Stupidité car toute idéologie abêtit quand elle est prise au premier degré, ce qui est le cas en Europe aujourd’hui. Le grand journaliste suisse Guy Mettan ne mâche pas ses mots à ce sujet : « L’incompétence géopolitique des Européens est sidérante » . Il cite à ce sujet les plus fins analystes d’Asie, tel le singapourien Kishore Mabubhani, l’indien Bhadrakumar, le chinois Zhang Weiwei, tous effarés par le recul intellectuel des dirigeants européens. Stupidité aggravée par une sorte de sélection négative qui aboutit à une baisse du niveau général des classes politiques occidentales, laquelle frappe tous les observateurs un peu distanciés. Un Macron que certains tiennent pour très intelligent ne fait pas exception. Nous ne devons pas exclure que le projet européen, dont le caractère idéologique (au sens que donne à ce mot Hannah Arendt) n’a pas échappé à beaucoup, se soit traduit pas un rétrécissement des esprits propre à tous les aveuglements.
Les Européens de l’Ouest, à tous le moins leurs dirigeants, sont bien partis pour être le dernier carré de l’idéologie woke (ou post-libérale) dont l’élection de Trump a sonné le glas. Après les folies du post-libéralisme, vient ce que Trump appelle la « révolution du bon sens » et, ajouterons-nous, de la nature. Après l’obscurantisme du prétendu « progressisme », revient le temps de la lumière ou du retour au réel ! Faut-il préciser qu’en voulant camper la résistance européenne à la nouvelle Amérique, désormais incarnée par Trump, après 20 ans de servilité, en voulant jouer les petits De Gaulle sur des positions idéologiques à mille lieues de celles du fondateur de la Ve République, les gens comme Macron se ridiculisent ?
Une humiliation qu’ils n’ont pas volée !
Toutes les raisons évoquées plus haut font que l’on peut dire que la mise à l’écart des Européens dans les derniers développements de l’affaire d’Ukraine n’a pas été volée. Trump et Poutine leur vouent un immense mépris. Ils ont tout fait pour le mériter.
Acculée, la bête idéologique, frappée outre-Atlantique, cherche à se réfugier de ce côté-ci de l’océan. Elle, n’est donc pas tout à fait morte et peut devenir dangereuse, soit par l’agressivité extérieure, soit par l’intolérance intérieure. On en voit déjà les effets dans le durcissement du contrôle de l’opinion en France, en Allemagne au Royaume-Uni, sur tous les sujets de la galaxie « woke », justement dénoncée par Vance. La récente fermeture par l’ARCOM, autorité de contrôle de l’audiovisuel, de la chaîne C8 en est un symptôme parmi d’autres.
Il est probable que Trump arrivera à contrôler ces Européens de l’Ouest qui brûlent dans leur fanatisme d’user leurs dernières cartouches en Ukraine dans un combat déjà perdu. Mais les dérives intérieures des Etats européens où ni la classe politique, ni l’administration n’ont changé, risquent de se prolonger encore, comme un canard sans tête continue de marcher quelque temps après sa décapitation.
Personne cependant, parmi les derniers idéologues du post-libéralisme woke, n’empêchera l’histoire de poursuivre son cours. Et l’Europe, aujourd’hui humiliée, affaiblie, désemparée ne trouvera pas un nouveau souffle sans rompre avec leurs chimères. Elle doit, sans suivisme servile, se mettre résolument à l’école de la révolution qui commence aux Etats-Unis. ■ ROLAND HUREAUX
Cher Yves Floucat, certainement un essai brillant de Roland Hureaux, il n’est pas le seul à cette conclusion de 4 années de guerre Ukraine/Russie. Mais qu’écrivait-il en mars 2022, cela m’intéresserait que vous le publiassiez ! En effet, il est plus facile, d’aller dans le sens du vainqueur, je n’oublie pas que mon aïeul était secrétaire-archiviste de l’Empereur, qu’il admirait pour des qualités qu’il était seul à voir de près ! Moi-même en mars 2022, j’ai été choquée comme tout le monde par la brutalité de l’entrée en guerre de la Russie, sans sommation, comme il était d’usage, dans la guerre civilisée d’Ancien Régime. J’avais à l’époque, découvert l’Ukraine Capétienne, telle que je l’appelle, où le Roi capétien Henri 1er petit-fils d’Hughes Capet, bien aimé de votre milieu de pensée, a été chercher, la seule princesse du monde byzantin, et non slave, digne d’un roi de France, Anne de Kiev. J’ai donc partagé le texte suivant, indignée par le procédé bien totalitaire utilisé par Poutine, de la falsification historique associée à la persécution des chercheurs, historiens, archivistes soucieux de vérité historique. Il n’y avait pas au IXème siècle de princesse chrétienne, brillante, cultivée, bilingue grec-latin, fidèle au Pape (avant le Schisme) autre qu’à Kiev, la Ruthénie de Kiev, proche de Byzance, héritière, de la civilisation romaine, en effet, il n’y avait que des tribus slavonnes dans la steppe de la Moscovie. C’est le grand-père d’Anne, Saint Vladimir, qui a oeuvré à l’évangélisation, de ces païens, en envoyant des missionnaires Cyrille et Méthode, dans ce grand nord-est. Voici ce texte partagé en 2022: Chantal Fain
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Voici l’article de l’historien géorgien Lasha OTKHMEZNI, spécialiste des batailles géantes de 39-45, paru le 26 mars dernier, sur l’édition numérique de L’Express, mais incomplet. Il semble qu’il l’ait complété depuis, en tous cas il a une cohérence qu’on peut imprimer, et que voici. Je suis assez contente d’être proche de cette analyse, qui est sortie tardivement dans les media, à savoir que l’histoire, toujours au service des hégémonies, ce qui n’est pas un jugement de valeur, mais un fait, qui a toujours constitué la base de la propagande, peut aussi être contredite pas d’autres faits. L’auteur montre comment l’histoire de son pays par Poutine, est sérieusement biaisée, et n’explique pas pourquoi, l’Ukraine ne veut plus tomber dans les bras enamourés de Poutine. Tribune de l’EXPRESS du 26 mars2022
« L’histoire de l’Ukraine selon Poutine contredit tous les faits établis »
Le président russe a multiplié les falsifications sur les peuples russes et ukrainiens afin de justifier sa guerre. Décryptage par l’historien Lasha Otkhmezuri.
Publié le 26/03/2022 à 08:00, mis à jour le 27/03/2022 à 20:59
Mein Kampf d’Adolf Hitler ou les écrits de Giovanni Gentile (le grand philosophe du fascisme italien) sont des sources primordiales pour comprendre l’histoire européenne du XXe siècle. De même, l’article de Vladimir Poutine, Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens, publié en juillet dernier, joue un rôle essentiel dans la compréhension de ce début de XXIe siècle. Les crimes perpétrés par l’armée russe en Ukraine sont directement liés à la falsification historique promue par le maître du Kremlin. Il est primordial de démonter ces thèses trompeuses, avancées pour justifier l’actuelle invasion.
Le mythe du paradis perdu
Selon Poutine, « les Russes, les Ukrainiens et les Biélorusses (…) étaient unies par une langue (…), le pouvoir des princes de la dynastie Riourikides (…) et une foi orthodoxe. » C’est FAUX.
Les Russes et les Ukrainiens n’ont jamais été unis par l’orthodoxie. Les sources ecclésiastiques byzantines attestent qu’après le baptême orthodoxe du Grand Prince Vladimir Ier, en 988, le christianisme a encore du mal à s’implanter. Sur le vaste territoire de la Rous de Kiev, on compte alors à peine une demi-douzaine d’évêques – en comparaison, avant la conversion de l’empereur Constantin au début du IVe siècle, la seule Egypte romaine comptait une centaine d’évêques. Par la suite, au fil des siècles, le territoire ukrainien s’est révélé une terre de concurrence entre les christianismes grec et latin (représenté aujourd’hui par la communauté « uniate », de rite orthodoxe, mais rattachée au Vatican).
Avant le début de la conquête mongole, au XIIIe siècle, les Riourikides et des seigneurs de la guerre, qu’on appelle un peu rapidement les « princes », ont régné sur la majeure partie de ce qui est aujourd’hui l’Ukraine, la Biélorussie et la Russie. Mais ils ne cessaient de se faire la guerre. Après l’arrivée des Mongols, pendant presque trois siècles, des luttes fratricides ont opposé également les « collaborationnistes » et les « résistants » au khanat [royaume mongol]. Ainsi, Alexandre Nevski, le personnage historique préféré de Poutine, s’était-il allié à des troupes mongoles pour vaincre son frère « indépendantiste » Andreï, qui rejetait leur joug. On est loin de l’unification idéalisée par Poutine.
En ce qui concerne l’idée d’une langue unificatrice, il s’agit, là encore, d’un produit de l’imaginaire poutinien. Même la langue de la liturgie n’était pas unique : si le grec était en usage à la cour des princes, le slavon avait cours lors des célébrations pour le peuple. Puis à partir du XVIe siècle, le clergé orthodoxe en Ukraine a adopté la langue polonaise. Cette décision n’était pas le fruit d’un complot contre la Russie d’agents étrangers, comme Poutine le sous-entend, mais un choix pratique dans une bataille pour les âmes qui opposait alors l’église orthodoxe à l’église catholique. Le paysan ukrainien, avant la fin du servage, au milieu du XIXe siècle, n’a ainsi jamais été russifié. A l’ouest du Dniepr, celui-ci continuait à parler l’ukrainien, dans la partie longtemps sous influence polonaise, pour autant conquise par l’Empire russe.
L’anti-Russie, une arme contre l’Ukraine
Après son étude ethnologique abracadabrante, Poutine développe une théorie complotiste : « Pas à pas, l’Ukraine a été entraînée dans un jeu géopolitique dangereux, dont le but était de faire de l’Ukraine une barrière entre l’Europe et la Russie, un point d’appui contre la Russie. Inévitablement, le moment est venu où le concept ‘l’Ukraine n’est pas la Russie’ ne convient plus. Il a fallu un projet d »anti-Russie’, que nous n’accepterons jamais. » Pour l’ancien agent du KGB, il s’agit d’une machination « occidentale », qui est parvenue à faire que « les présidents, députés et ministres [ukrainiens] changent, mais l’orientation vers la séparation avec la Russie, vers l’inimitié avec elle, reste inchangée », ce qui met en péril la « véritable indépendance » de l’Ukraine.
Tout ceci est aussi faux que délirant. Ce concept d' »anti-Russie » est apparu pour la première fois en 2010 sur le site de la Fondation de la perspective historique, dirigée par une ancienne parlementaire qui relaye des théories complotistes, avec une vision du monde impérialiste. Avant celui de l’Ukraine, c’est le gouvernement géorgien qui était alors accusé de mettre en oeuvre ce projet « anti-Russie ». Selon les auteurs, « l’essence de ce projet est de créer un centre politique dans l’espace post-soviétique qui soit une alternative au centre traditionnel représenté par Moscou » pour « éteindre toute intégration et influence russe ».
Concernant la « séparation » déplorée par Poutine lui-même entre la Russie et l’Ukraine, le paradoxe est qu’il en est le premier responsable. C’est sous son leadership que les relations entre les deux pays n’ont cessé de se dégrader. D’abord à la suite de la « révolution orange » de 2004 et la victoire de Viktor Iouchtchenko, victime d’un empoisonnement, sur le favori de Moscou, Viktor Ianoukovitch. Puis, dix ans plus tard, lors de la révolution de Maïdan déclenchée pour sortir de la tutelle russe incarnée par le même Ianoukovitch, devenu président, avant l’annexion de la Crimée et l’organisation de rébellions sécessionnistes dans différentes régions. Finalement, un seul projet : celui, « anti-Ukraine », mené par le Kremlin.
L’Ukraine, une prétendue fiction
Le patron du Kremlin dévoie ensuite la toponymie, en affirmant que l’Ukraine serait la « Petite Russie » (Malorossia) : « En 1686, l’Etat russe a incorporé la ville de Kiev et les terres situées sur la rive gauche du Dniepr, y compris la région de Poltava, la région de Tchernigov et Zaporojié. Leurs habitants sont réunis avec la majeure partie du peuple orthodoxe russe. Ces territoires sont appelés Petite Russie. »
C’est faux. Cette expression de « Petite Russie » a justement été introduite par le patriarcat de Constantinople pour marquer une différence : en 1458, sur demande des princes lituaniens, il créait pour les sujets chrétiens de rite grec une province ecclésiastique autonome, Mikra Rosia (Petite Russie), par opposition à celle qui était regroupée autour de Moscou, et baptisée Megalè Rosia (Grande Russie).
Poutine avance par la suite que « l’Ukraine moderne est entièrement la créature de l’ère soviétique ». Le voici alors qui répète quasiment le passage du discours du 31 octobre 1939 du ministre des Affaires étrangères de Staline, Molotov, qualifiant la Pologne de « créature monstrueuse du traité de Versailles qui ne vivait que de l’oppression des nationalités non polonaises ». Exactement, donc, comme aujourd’hui l’Ukraine « nazie », selon Poutine, « vit aux dépens des russophones ukrainiens ». On voit la logique : si l’Ukraine, comme la Pologne il y a quatre-vingts ans, est une création artificielle, son invasion est justifiée.
L’histoire de l’Ukraine selon Poutine contredit tous les faits établis. Vouloir les effacer conduit à s’en prendre aux populations qui sont les produits mêmes de cette histoire, jusqu’au meurtre et à la guerre. Car il s’agit pour le maître du Kremlin de se débarrasser de la nation ukrainienne. Et d’avancer vers un paradis perdu, fantasmé, qui a tout d’un enfer.
*Lasha Otkhmezuri, historien, est professeur invité à l’université d’Etat de Louisiane Shreveport. Il a écrit, avec Jean Lopez, Grandeur et misère de l’Armée rouge (Seuil, 2011) une biographie du maréchal Joukov (Perrin, 2013) et un ouvrage sur l’opération Barbarossa (Passés composés, 2021).
Lasha Otkhmezuri* . (photo) Nota Bene, plutôt que de dire : église orthodoxe à église catholique, je préciserai : église byzantine à église latine, car orthodoxe pour beaucoup signifie église russe, surtout dans le contexte actuel de guerre.