

A la fin du XXe siècle, ma fonction à la tête de la rubrique Francophonie du journal Le Monde, me mit en rapports fréquents avec le président Senghor du Sénégal, en outre premier Africain à entrer à l’Académie française.
Ensemble, nous ourdissions le « complot » pour la Francophonie, avec Boutros-Ghali, Norodom Sihanouk, Bourguiba, Hélou, Roussillon, ex-agent secret de De Gaulle au Canada, etc., etc…
Anglo-américanie
Le Grand Sénégalais nous disait que la plupart des politiciens parisiens de l’époque ne s’intéressaient pas vraiment à la « Grande cause francophone », notamment Giscard d’Estaing, que ladite cause « ennuyait » et qui parlait anglo-américain à table, chez lui… En ce sens, l’actuel président Macron est bien sur la même ligne (Photo de gauche), pérorant en anglais à tort et à travers, baptisant même une réunion internationale d’hommes d’affaires à Versailles, du malsonnant « Choose France », comme si « Choisir la France » n’était pas plus élégant… et plus français !
Des lecteurs « dénonciateurs »
Bref, avec Senghor, j’évoquais tour à tour, la plupart des aspects de la langue française, et je lui confiais, en riant, que certains lecteurs du Monde écrivaient à mon directeur pour se plaindre de mon emploi de mots comme « Nègre » ou « Négrillon » (au lieu de « petit noir ») ; à la suite de quoi, en mars 1994, le président-poète me confirma par écrit que lui et le co-inventeur de la Négritude, l’Antillais Césaire, non seulement continueraient à user du mot « Nègre », mais en outre, avaient forgé le néologisme « nègrerie » qui, de nos jours, risquerait de m’amener en justice, si je l’utilisais dans un de mes articles…
Je donne ci-après en exclusivité pour nos lecteurs la missive senghorienne citée.
La Négresse de Biarritz
En cette année 2025, le quartier de la Négresse à Biarritz a été condamné par un tribunal de Bordeaux à changer de nom car le mot « Négresse » serait raciste et sexiste (sic). Or ce beau nom remontait au Second Empire et perpétuait la bonne mémoire d’une mulâtresse antillaise (Image de droite) ayant tenu une auberge à Biarritz sous le Premier Empire…
Messe noire ou nègre ?
Avec Senghor nous constations quand même avec satisfaction, que les puissantes corporations des archéologues et surtout des antiquaires avaient obtenu que puisse continuer à être employée en toute impunité l’expression consacrée d’Art nègre.
De même les amateurs de cérémonies chrétiennes, chantantes et ondulantes en Afrique subsaharienne, ne pouvant décemment parler de messes noires, se sont autorisés à parler de « messes nègres ».
Sans oublier les quelques bonnes plumes qui eurent le courage d’encore utiliser de temps en temps les bons vieux termes de « Négresse » ou « Négrillon » qu’on trouve d’ailleurs aussi bien chez Morand et Sartre que chez Camus.
« Petit Noir », c’est un café et non pas un « Négrillon ! » lâcha un jour Senghor, qui, bien-entendu, avec Césaire, maintint la graphie originelle de « Négritude ». Mais ils ne purent sauver les savoureux et innocents « Nègres en chemise » et « Baisers de Nègres » qu’un confiseur marseillais vendait sans histoires depuis près de deux siècles ! (À gauche, Senghor académicien français).
Au point d’absurdité et de fanatisme où l’on est, faudrait-il bientôt débaptiser le Cap-Nègre, cher aux époux Sarkozy ? En le remplaçant par l’affreux Cap-Noir ou bien par Black-Cape, ce qui devrait plaire à l’américanomane ancien chef d’Etat ? Lequel, d’ailleurs, ne parle pas anglais en public tout simplement parce qu’il ne connaît pas la langue de Charles III. ■ PÉRONCEL-HUGOZ
Longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, Péroncel-Hugoz a publié plusieurs essais sur l’Islam ; il a travaillé pour l’édition et la presse francophones au Royaume chérifien. Les lecteurs de JSF ont pu lire de nombreux extraits inédits de son Journal du Maroc et ailleurs. De nombreuses autres contributions, toujours passionnantes, dans JSF.
Je n’ai pas vraiment connu l’époque évoquée ici. Mais elle me paraît bien clair que le journal Le Monde du temps de Péroncel-Hugoz devait être bien autre chose que ce qu’il est devenu aujourd’hui.
On ne devait pas s’ennuyer avec les auteur du complot francophones. raconte ici.
Grand merci à Péroncel-Hugoz et à JSF.