
Xénia Fédorova est une jeune journaliste russe, francophile et francophone, dont la carrière se poursuivait en France, à Paris, où elle dirigeait RT, la télévision russe en français, lorsqu’une décision soudaine de Bruxelles et Paris, le 27 février 2022, en guise de rétorsion contre l’attaque de la Russie en Ukraine, décida de fermer RT, jetant sur le pavé 176 salariés de cette chaîne informative au professionnalisme remarqué (notre distingué confrère Frédéric Taddéï, figurait parmi ses journalistes de 2018 à 2022).
« La télé des Gilets-Jaunes »
La Macronie n’avait pas pardonné à la télévision russe de Paris sa couverture empathique des événements violents entourant la révolte des ruraux et des rurbains qui effraya l’Élysée. Ce fut sans doute la vraie raison de l’interdiction de la chaîne RT. Sa principale créatrice puis dirigeante, Xénia Fédorova, dut donc s’en aller après son travail sans problèmes en France de 2017 à 2023. Elle revient sur cette période et donne sa version des faits dans Bannie (Fayard, 2025, 295 pages, 22 €).
Une citation imprévue de Boualem Sansal
Connaissant bien la France et ses prolongements extérieurs, Xénia Fédorova a même trouvé, pour l’exergue de son chapitre sur les Gilets-Jaunes, une citation aussi rare que frappante, puisée dans l’œuvre d’un francophone étranger et pas le moindre : Boualem Sansal. La voici :
« La France est en train de mourir sans le savoir… Ou peut-être plutôt sans vouloir le savoir ».
Bref, la téléaste et l’écrivain nous ont psychanalysés, ont osé mettre en lumière le terrible mal de la résignation qui nous mine sans que nous osions nous l’avouer. Ce défaitisme aussi profond que caché, quasi honteux et que seul, sans doute, pourrait juguler une volonté politique en acier de nos dirigeants, bien des francophiles à travers le monde, du Japon au Québec, du Proche-Orient à l’Afrique noire, s’en désolent et reformulent, sous une forme ou une autre, le réalisme cru et cruel du Nord-Africain Boualem Sansal mis en valeur par notre consœur slave. ■ PÉRONCEL-HUGOZ
Le regard médiatique de Xénia Fedorova sur le conflit russo-ukrainienAu lieu d’analyser la situation avec des faits solides, les médias grand public ont déroulé leur récit, qu’ils alimentaient de slogans politiques. Ils affirmaient que, si la Russie gagnait, l’Europe s’effondrerait. Cependant, la réalité montre une autre image : économiquement, c’est l’Europe qui supporte le plus gros poids de ce conflit, bien plus que les Etats-Unis, qui semblent bénéficier de la situation. Quelques-uns ont eu la lucidité de le dire. Je pense à l’essayiste François Lenglet : « L’Europe est la grande victime économique de cette guerre en Ukraine ». |
Longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, Péroncel-Hugoz a publié plusieurs essais sur l’Islam ; il a travaillé pour l’édition et la presse francophones au Royaume chérifien. Les lecteurs de JSF ont pu lire de nombreux extraits inédits de son Journal du Maroc et ailleurs. De nombreuses autres contributions, toujours passionnantes, dans JSF.
Excellente idée de remettre en lumière cette journaliste que j’appréciais. Sur RT on pouvait entendre des analyses et des informations « dissidentes » et de ce fait très utiles y compris sur des sujets franco-français occultés ou déformés sur les médias du Système. Merci à Péroncel-Hugoz de soutenir ainsi sa jeunesse consœur !