
Par Jean-Baptiste Noé.
Ce remarquable article – superbement illustré – est paru dans Conflits le 27 de ce mois. Ce n’est pas, à notre avis, sans raisons que ce excellent site le classe dans sa catégorie Religions et Géopolitique. Nous le reprenons en en faisant autant. Bonne lecture.. JSF

Les funérailles du pape François furent la démonstration de la romanité dans l’Église catholique. Couleurs, symboles, vêtements, gestes, autant d’éléments qui témoignent de la présence et de la continuité de Rome.
Née dans l’Empire romain, l’Église catholique en est l’héritière et la continuatrice. Au cours des funérailles de François, de nombreux éléments ont témoigné de la présence et de la continuité de Rome.
Couleur liturgique
Dans l’Église catholique, les funérailles sont célébrées dans les couleurs violettes ou noires. À l’exception des funérailles du pape où les célébrants sont en couleur rouge. Pour quelle raison ? C’est une tradition byzantine, c’est-à-dire romaine grecque, où les funérailles étaient célébrées en rouge. Le rouge est la couleur de l’Esprit saint, qui guide l’Église, mais aussi la couleur du sang des martyrs. Raison pour laquelle le pape porte des chaussures rouges, signifiant par là qu’il marche sur les pas des martyrs.
L’officiant est ici le cardinal Re, cardinal doyen du Sacré Collège. Il encense le cercueil ; l’encens étant le symbole des suppliques des hommes qui montent vers le Ciel, portant les prières vers Dieu. Un geste antique, qui symbolise les correspondances entre le monde terrestre et le monde céleste, entre les hommes et Dieu.
À côté du cercueil brûle le cierge pascal, allumé durant la nuit de Pâques, symbole de la lumière apportée par le Christ et de l’espérance de la Résurrection. Le cierge pascal, qui trouve lui aussi son origine dans la plus haute antiquité, dans la Bible d’une part et dans les traditions romaines, où des cierges étaient portés lors des fêtes des Lumières.

Cardinal Giovanni Battista Re during Pope Francis’ funeral mass, Vatican City, 26 April 2025//AGFEDITORIAL_FOT260425-115/Credit:Francesco Fotia/AGF/SIPA/2504261635
Grecs et Latins
Cette photo exprime la quintessence de la romanité.
Rome est grecque en Orient, où le grec était la langue la plus parlée. Saint Pierre, le premier des papes, parlait grec, étant originaire de l’une des rares villes hellénophones de Galilée. Mais Rome est aussi latine, le latin étant la langue de l’Occident. La Méditerranée romaine, Mare nostrum, est un espace entre Orient et Occident, entre monde grec et monde latin. Énée, le lointain fondateur de Rome, est un prince de Troie, qui est une ville grecque.
Sur cette photo, on voit les patriarches orientaux, qui sont des gréco-catholiques, c’est-à-dire des catholiques de tradition grecque. On aperçoit aussi les catholiques latins, dont les vêtements sont différents. Les vêtements liturgiques des gréco-catholiques, ce que l’on appelle la paramentique, sont directement issus de l’Empire byzantin, quand ceux des prêtres latins viennent de l’Empire romain d’Occident.

Rome, Funeral of Pope Francis Ceremony in St. Peter’s Square- – //IPAPRESSITALY_IPA2709/Credit:STEFANO CAROFEI / ipa/IPA/SIPA/2504261643
À la fin de la messe, deux chants ont résonné, celui de la litanie des saints, la supplique de l’Église romaine, où plus d’une centaine de saints sont invoqués pour assurer la protection et le salut de l’âme du défunt, et la supplique de l’Église orientale, qui tient son origine dans la liturgie byzantine.
À la messe de l’installation du nouveau pape, l’Évangile sera lu en deux langues : en latin et en grec, là aussi pour matérialiser l’alliance des Grecs et des Latins autour de Rome.
Poskynèse
Ici, le maître des cérémonies pontificales et un servant se prosternent devant le cercueil du pape. Ils effectuent ce que les Grecs appellent la proskynèse, c’est-à-dire la génuflexion devant l’autorité supérieure, en signe de respect et de reconnaissance de l’autorité. Ce geste de la proskynèse remonte à Alexandre le Grand. C’est lui qui, envahissant la Perse, découvre ce geste. Séduit, il l’introduit à sa cour, non sans provoquer de vives oppositions au sein de ses camarades d’armes. Mais le geste est resté et continue de se pratiquer.

Pope Francis’ funeral mass, Vatican City, 26 April 2025//AGFEDITORIAL_FOT260425-90/Credit:Francesco Fotia/AGF/SIPA/2504261638
Le cercueil et la mise en bière
Le rituel de la mise en bière reprend lui aussi de nombreux éléments issus de l’Antiquité romaine. Nous avons consacré un article à ce sujet qui peut être retrouvé ici.

The rite of Velatio before sealing Pope Francis’ coffin on the eve of his funeral at the Vatican (Vatican Media / Catholic Press Photo RESTRICTED TO EDITORIAL USE – NO MARKETING – NO ADVERTISING CAMPAIGNS)
Photo via Newscom/eyepress125824/EPN/Newscom/SIPA/2504261345
La procession dans les rues de Rome
Ces funérailles papales furent les plus grandioses que nous ayons vues, notamment du fait de la procession du cercueil dans les rues de Rome pour se rendre jusqu’à la basilique Sainte-Marie-Majeure.
On a beaucoup parlé de sobriété ou de simplification, en réalité c’est le même rituel que celui qui fut suivi pour les obsèques de Jean-Paul II. Le premier pape à avoir des funérailles sur la place Saint-Pierre est Paul VI (1978), avant lui, elles se tiennent à l’intérieur de la basilique. Elles furent organisées sur le parvis afin de pouvoir être mieux retransmises à la télévision et également de pouvoir accueillir plus de monde, notamment des chefs d’État.
C’est à partir des funérailles de Jean-Paul II (2005) que des délégations nombreuses de chefs d’État et de chef de gouvernement sont présentes. Avant lui, il n’y a quasiment aucun chef d’État. Éventuellement des ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège, quelques ministres venus à titre privé, mais sans plus. Les funérailles de Jean-Paul II sont l’occasion d’un événement diplomatique mondial sans précédent, que l’on retrouve uniquement dans les funérailles de François, puisque celles de Benoît XVI se tinrent dans une grande sobriété.
Le cercueil dans les rues de Rome est là aussi une nouveauté. La dernière translation du corps d’un pape remonte à 1924. Il s’agit de Léon XIII, décédé en 1903, qui souhaitait être enterré dans la cathédrale Saint-Jean de Latran, mais qui fut enterré provisoirement à Saint-Pierre, avant que son corps ne soit changé de lieu 20 ans après. Il y aussi le cas de Pie IX (1846-1878) qui a d’abord été enterré à saint Pierre avant d’être transféré en 1881 à la basilique Saint-Laurent hors les murs. La translation de la sépulture fut le moment d’intenses batailles politiques, des mouvements anticatholiques cherchant à s’en emparer pour la jeter dans le Tibre.
Quant à Pie XII (1958) et Paul VI (1978), ils décédèrent tous les deux à Castel Gandolfo. Il fallut donc rapatrier leur corps au Vatican, ce qui donna lieu à des manifestations de soutien populaire tout au long du trajet.
Le lieu de sépulture des papes, les circuits du trajet sont autant de façons de marquer la romanité dans des lieux et de l’inscrire dans l’espace urbain de Rome. ■ JEAN-BAPTISTE NOÉ
Jean-Baptiste Noé, docteur en histoire, est rédacteur en chef de Conflits.

C’est par ses rites que l’Eglise est judaïque (Le Nouvel Israêl avec qui l’Eternel institue la Nouvelle Alliance) et quelle est aussi « romaine »(héritière de l’Empire et de Byzance). L’Eglise passe à travers les culturesen les adoptant ; l’Incarnation n’est pas seulement biologique, elle est aussi sociale. La Chrétienté consiste à redresser les « religions » qui soutiennent chaque civilisation par la Révélation chrétienne.