Par Aristide Renou.
Jean-Jacques Bourdin est donc la dernière victime en date de la terreur féministe. (24 janvier 2022).
Rappelons les faits. Une ancienne journaliste de la chaine sur laquelle il officie a porté plainte contre lui pour une « agression sexuelle » qui remonterait à 2013 : il aurait tenté de l’embrasser « à plusieurs reprises » lors d’un déplacement professionnel. Suite à cela, Bourdin a commencé par se faire ignoblement piétiner en direct par Valérie Pécresse avant d’être aujourd’hui lâché par son employeur qui le « retire temporairement » de l’antenne de BFMTV et RMC. Bref, selon une séquence devenue classique, la divulgation d’une plainte – ou simplement des rumeurs d’entorses au code féministe du sexuellement correct – aboutit d’abord à un lynchage médiatique suivi, en moins de temps qu’il n’en faut à Caroline de Haas pour affirmer qu’un homme sur deux ou trois est un agresseur, par une mise au placard professionnel, quand ce n’est pas à un licenciement pur et simple.
Quoi qu’il advienne de la plainte, Bourdin, comme beaucoup d’autres avant lui et beaucoup d’autres après lui, aura été humilié publiquement avant de voir sa carrière brisée ou, à tout le moins, sérieusement amochée.
Bourdin a évidemment déploré que « la présomption d’innocence » n’ait pas été respectée dans son cas et, en règle générale, ceux qui prennent sa défense sont sur la même ligne : il faut respecter la présomption d’innocence. Ce qui est compréhensible mais ne mènera nulle part. Car la présomption d’innocence n’a rien à voir avec le lynchage dont il est l’objet. La présomption d’innocence, je le rappelle, signifie qu’un homme ne peut être condamné pénalement que s’il existe des preuves suffisantes de sa culpabilité, de nature à convaincre un tribunal indépendant et impartial. Autrement dit, la présomption d’innocence, en tant que règle de droit, trouve à s’appliquer devant les tribunaux et seulement devant eux.
Or le châtiment que subit Bourdin est extra-judiciaire. Ce qui lui arrive a très peu à voir avec le droit et beaucoup avec les mœurs. Bourdin ne sera sans doute pas inquiété par la justice, les faits semblant être prescrits, pour ne rien dire du fait que la plaignante risque fort de n’avoir aucune preuve tangible pour soutenir ses allégations. Il n’en reste pas moins qu’il aura été puni et que cette punition est évidemment destinée à servir d’exemple à tous les autres hommes. Le message est clair : « Conformez-vous au code féministe du sexuellement correct, ou il vous en cuira. »
Comme ce code est informel et que son application ne dépend pas de tribunaux, il est vain de croire que le droit pourrait nous protéger contre cette tyrannie d’un nouveau genre. La seule défense possible est d’attaquer ce code en tant que tel, de contester sa légitimité, de montrer son inanité. L’arme des féministes, c’est la culpabilisation, la mauvaise conscience. Une arme très féminine et qui peut être redoutablement efficace sur ceux qui ne sont pas des égoïstes forcenés ou des brutes épaisses, c’est-à-dire, quand même, une très large proportion de la partie mâle de l’humanité. Cette arme fonctionne par la parole et se combat par la parole. La défense première contre la tyrannie néo-féministe, c’est de rappeler que les hommes et les femmes n’ont pas à avoir honte lorsqu’ils se conduisent comme des hommes et des femmes et d’expliquer pourquoi ils n’ont pas à avoir honte.
Saisissons donc l’occasion que nous offre l’affaire Bourdin pour faire notre devoir dans cette guerre de longue haleine et pour fournir des arguments à ceux d’entre nous qui peuvent être troublés par les anathèmes féministes. Je l’ai été moi-même, il y a maintenant bien longtemps, et je sais d’expérience que l’on peut briser ces « fers forgés par l’esprit » avec un peu de travail, pourvu que l’on rencontre les bons arguments ou les bonnes personnes.
Jean-Jacques Bourdin conteste les faits qui lui sont reprochés, mais en vérité il aurait dû faire bien plus : il aurait dû affirmer qu’un homme qui tente d’embrasser une femme ne fait rien de mal et que, si c’est tout ce dont l’accuse, il n’a strictement rien à se reprocher.
Pourquoi ?
D’abord parce que nous n’avons pas d’accès direct à l’âme de nos semblables et que, par conséquent, pour qu’une relation amoureuse puisse démarrer, il est nécessaire que l’un des deux protagonistes fasse le premier pas. Ce premier pas, il est approprié que ce soit l’homme qui le fasse. Parce que faire le premier pas, c’est prendre un risque, le risque d’être éconduit et qu’être éconduit n’est jamais agréable et peut même être passablement douloureux, suivant les circonstances. Or la virilité est essentiellement un certain rapport au risque. L’homme viril est celui qui ose prendre des risques et qui fait preuve de maitrise lorsque la situation devient dangereuse. Il se trouve que les femmes normalement constituées apprécient la virilité, sont attirées par cette qualité du caractère et, par conséquent, elles apprécient les hommes qui osent faire le premier pas.
En fait, un homme qui sait oser, sans être grossier ou maladroit, voit presque toujours son pouvoir de séduction augmenter auprès de celle avec laquelle il a osé, même si cette augmentation est modeste et temporaire. C’est l’une des raisons pour lesquelles un homme ignore souvent si ses avances seront bien reçues : parce que l’appréciation que la femme porte sur lui peut changer du simple fait qu’il lui aura fait des avances et en fonction de la manière dont il les aura faites.
Une femme attendra donc normalement que l’homme fasse le premier pas, même si elle tâchera aussi souvent de l’encourager par des signaux plus ou moins discrets. C’est dans l’ordre de la différence des sexes.
Mais, dira-t-on peut-être, pourquoi le premier pas ne pourrait-il pas consister à de demander LE CONSENTEMENT de la dame, le fameux consentement si cher aux féministes ? Pourquoi ne pas commencer par dire « Est-ce que je peux vous embrasser ? »
Eh bien, cela pourra éventuellement arriver, en fonction des circonstances. Mais en général ce ne sera pas le cas. Parce que demander explicitement son consentement à la dame place les deux protagonistes en position de spectateur de ce qui est en train de se passer. Demander à quelqu’un « êtes-vous d’accord ? », c’est lui demander de s’examiner lui-même, de sonder son propre cœur, et cela vous place en position de spectateur de votre propre désir. Chacun, à ce moment, devient spectateur de lui-même et de la situation, or cette position de réflexive est puissamment corrosive de l’expérience érotique. La sexualité humaine a un besoin vital de l’intimité pour pouvoir être vécue d’une manière qui ne soit pas dégradante, qui ne blesse pas notre amour-propre. En demandant à quelqu’un de consentir explicitement à un acte à connotation sexuelle – comme un baiser – nous levons le voile de la pudeur qui, sans que nous en ayons conscience, recouvre constamment cet aspect de notre existence. Nous le mettons, et nous nous mettons, en position de voyeur de notre propre sexualité, une situation qui nous met naturellement mal à l’aise (je n’ignore pas qu’il y a des exceptions à cela, mais ces exceptions sont précisément ce qu’on appelle des perversions).
A quoi il faut ajouter que les femmes sont normalement plus pudiques que les hommes et apprécient beaucoup moins qu’eux les spectacles de nature sexuelle, comme en témoigne le rapport très différent que les deux sexes entretiennent avec la pornographie.
Par conséquent, demander à une femme « Puis-je vous embrasser ? », c’est en général augmenter fortement le risque de faire échouer ses avances. Pas parce qu’elle vous jugera déplaisant, mais parce qu’elle ressentira la situation elle-même comme déplaisante, et vous en voudra de l’avoir mise dans cette situation déplaisante. Si vous riez au sketch des Inconnus « Ingrid, est-ce que tu baises ? », pourquoi ne riez-vous pas de même lorsqu’une féministe vous parle de consentement ?
Vouloir placer la sexualité sous le signe du consentement explicite et détaillé en toutes circonstances, c’est vouloir tuer tout érotisme, toute séduction, et en définitive tout amour. Ce qui est d’ailleurs sans doute le but de certaines féministes, qui semblent muent par une rage inextinguible contre notre condition corporelle et sexuée.
Mais, quoi qu’il en soit, il faut oser dire clairement, posément et sans crainte : un homme qui essaye d’embrasser une femme ne fait rien de mal. Tenter sa chance non seulement n’est pas un crime mais est même souvent très recommandable, quand bien même on échouerait cette fois-là.
Bien sûr, il faut immédiatement ajouter que cette règle générale doit être appliquée avec beaucoup de discernement. Tenter un baiser peut être inapproprié dans beaucoup de circonstances, par exemple en public puisque, comme il l’a été dit, l’amour ne se vit pas sous le regard des spectateurs. Il va sans dire que le faire de but en blanc, avec une inconnue, est une faute qui, pour le coup, se rapproche vraiment d’une agression. Se montrer insistant est inconvenant et se montrer vulgaire ou grossier plus encore et change une tentative innocente en une faute, etc. Un homme digne de ce nom, et convenablement éduqué, n’hésitera pas à tenter sa chance, mais il saura aussi se faire éconduire gentiment sans maugréer. Bref, de l’audace, mais toujours avec tact, et avec élégance autant que possible.
Je ne sais pas du tout si c’est ainsi que Jean-Jacques Bourdin a agi – et pour tout dire, la différence d’âge entre lui et celle qui l’accuse (il avait plus de 60 ans, elle moins de 25) m’en fait douter fortement – mais c’est totalement dénué d’importance. Je ne défends pas le très antipathique Jean-Jacques Bourdin, je défends un principe. Vous connaissez la chanson : lorsqu’ils s’en sont pris à Jean-Jacques Bourdin je n’ai rien dit, je n’aimais pas Jean-Jacques Bourdin, etc.
Apprenons donc à nos fils à se conduire comme des hommes, c’est-à-dire entre autres choses à ne pas avoir peur de faire le premier pas, et apprenons à nos filles à ne pas s’offusquer que les hommes puissent se montrer entreprenants avec elles, pourvu qu’ils le fassent, comme je l’ai dit, avec tact et une certaine délicatesse. Apprenons à nos garçons à ne pas avoir honte d’être des hommes, et à nos filles à ne pas avoir honte d’être des femmes. Apprenons leur à traiter les anathèmes et les sornettes féministes avec le mépris et l’ironie qui leur convient. Donnons-leur l’exemple, montrons-leur, en paroles et en actes, que nous n’avons ni peur ni honte et soyons sûr que nous aurons fait beaucoup, à notre modeste niveau, pour combattre la tyrannie sinistre du féminisme contemporain. ■
Le génial P. J. Toulet a résumé cette analyse en quelques vers ;
Boulogne
Paul-Jean TOULET
Recueil : « Contrerimes »
Boulogne, où nous nous querellâmes
Aux pleurs d’un soir trop chaud
Dans la boue ; et toi, le pied haut,
Foulant aussi nos âmes.
La nuit fut ; ni, rentrés chez moi,
Tes fureurs plus de mise.
Ah ! de te voir nue en chemise,
Quel devint mon émoi !
On était seuls (du moins j’espère) ;
Mais tu parlais tout bas.
Ainsi l’amour naît des combats :
Le dieu Mars est son père.