« Nous dépasser, toujours et encore. Pour servir. Nous avons su. Nous saurons. En responsabilité. » C’est avec ces quelques mots d’une remarquable sobriété et d’une limpide clarté que Christiane Taubira annonçait fin décembre 2021 à la Gauche, à la France et au Monde qu’elle était prête à incarner une nouvelle voie politique, pourvu seulement que tous se rallient à sa candidature à la présidentielle de 2022. « Nous savons ce qu’il faut faire. Nous savons comment faire », ajoutait-elle quelques jours plus tard, appelant partout à des « bifurcations résolues », avant de conclure : « Ainsi sommes-nous. Complaisamment pétris d’un idéal de société campé sur un contrat social auquel nous nous accrochons ».
Depuis de longues années, Christiane Taubira revisite ainsi la somptueuse tradition républicaine du discours pour préau d’école ou fin de banquet, hésitant toujours entre pompeux et pompier, dans un déluge de mots mis bout à bout sans autre motif que le ronflement produit par leur déclamation inspirée. À la tribune, ses prises de parole rappellent ainsi le style du sénateur radical-socialiste de l’entre-deux guerres – en fin de mandat –, mâtiné seulement d’esprit caraïbe et de sursauts « poétiques » réalisés en écriture automatique.
Mais c’est dans le tweet – signé ChT, et que les initiés attendent avec impatience –, que s’exprime sans doute le mieux le génie taubiresque. Qu’une injustice faite à la doxa de la gauche ait lieu quelque part dans le monde, et il tombe dans l’instant, vengeur, décisif, faisant trembler dans leurs palais lointains ou leurs caves sordides les pouvoirs comme leurs tortionnaires. Toute victime dûment estampillée politiquement correcte, des Népalais aux Palestiniens – et notamment tout représentant d’une minorité visible – obtiennent l’immédiat soutien de ce cœur porté en écharpe sous celle d’un parlementaire pour lequel la défense de la Guyane n’aura certes pas été le bagne.
Le sectarisme du président Césette
La spécialité de Tata Christiane, c’est le tweet nécrologique : le cadavre d’une personnalité bien-pensante n’est pas encore refroidi qu’elle envoie déjà à ses followers un message découpé en deux parties académiques. La première résume le souvenir du cher disparu en une image et, qu’il s’agisse de Guy Bedos, Desmond Tutu, Toni Morrison ou d’autres, l’évocation des « rires partagés » semble alors obligatoire – à combiner avec les mots « force » pour les femmes et « douceur pour les hommes ». C’est sans doute que cette formule récurrente permet la transition vers la seconde partie, celle où elle laisse entendre qu’ils se sont connus et que le défunt l’appréciait hautement. Car, comme pour les zombies du culte vaudou, Christiane Taubira, l’Ogoun ferraille du palais Bourbon, n’évoque jamais les morts que pour les enrôler à son service.
De cette ambiance caraïbe, que renforce parfois l’usage du créole, certains ont voulu voir dans Christiane, sinon un Aimé Césaire, au moins un Édouard Glissant. Mais c’est bien plutôt du côté des politiques qu’il faut chercher le parallèle, chez le roi Christophe ou chez François Duvalier, car derrière la cascade de mots de Mama Doc c’est en effet la même mégalomanie, le même sectarisme incandescent, et finalement la même aigreur qui s’expriment. Le texte de loi qui porte son nom, par lequel elle ne voulut stigmatiser qu’une culture, sinon une race, en a donné toutes les preuves souhaitables. Et l’on devine ce que qu’aurait mené à bien avec l’aide de quelques tontons macoutes celle qui restera toute sa vie prisonnière des rancœurs du président Césette. ■