G20 à Baden-Baden – Lichtentaler Allee
par Louis-Joseph Delanglade
Moins de trente ans après la disparition de l’empire soviétique, ce qui reste du bloc occidental est peut-être en train d’imploser. Il aura suffi que M. Trump, par l’entremise de son représentant au dernier G20 réuni à Baden-Baden, s’oppose à ce que soient réitérées conjointement l’opposition à « toute forme de protectionnisme » et la sacro-sainte profession de foi libre-échangiste et multilatéraliste. M. Sapin, croyant peut-être faire un bon mot mais surtout assuré de ne pas participer au prochain G20, a parlé de « désaccords […] entre un pays et tous les autres » – feignant ainsi d’oublier que le « pays » en question reste quand même la première puissance mondiale, tout à fait capable d’imposer la plupart de ses vues. M. Sapin eût donc été mieux inspiré de profiter de l’occasion pour en appeler à un commerce plus « juste », en l’occurrence un commerce dont les règles ne joueraient pas à sens unique en faveur de certains dont nous ne sommes pas.
Son pays non plus pour M. Trump qui rappelle que « les échanges internationaux sont un jeu à somme nulle dont les Etats-Unis ont été les grands perdants ». Le grand gagnant en Europe est l’Allemagne, les autres pays de l’Union étant bien incapables de faire autrement que de suivre, y compris à leur détriment. M. Perri, ancien journaliste devenu chef d’entreprise, répète volontiers que, tout étant affaire de bonne gestion, il est bien naturel que les excédents allemands ne cessent de s’accroître. Raisonnement d’économiste pour qui le facteur humain reste secondaire.
Rappelons à M. Perri que la France n’est pas l’Allemagne et que les Français ne sont pas des Allemands : à chacun son tempérament et ses atouts. Il serait plus vrai de dire que l’U.E., parce qu’elle est historiquement et essentiellement fondée sur l’économie, le commerce, la monnaie, profite à une Allemagne laborieuse, tirée du néant après 1945 par les Etats-Unis qui en ont fait, notamment avec le dogme du libre-échange, leur plus fervent soutien et leur allié inconditionnel. On comprend bien, dès lors, pourquoi Mme Merkel affichait une mine si déconfite lors de son entretien à Washington avec M. Trump, rencontre qualifiée de « glaciale » entre la femme de foi et l’entrepreneur pragmatique.
Dans l’intérêt de la France, ni libre-échangisme ni protectionnisme ne devraient constituer une position de principe. C’est affaire de nécessité, d’opportunité et de choix politique. En l’état actuel, nul besoin d’être un grand spécialiste pour se convaincre que des pans entiers de notre tissu industriel et agricole ont été victimes d’une mondialisation sauvage dont il est impératif de nous protéger pour simplement continuer d’exister. Il n’est sans doute pas trop tard pour revitaliser les grands secteurs de notre économie, au prix bien évidemment de mesures protectrices susceptibles d’entraîner, pour un temps difficile à évaluer, une diminution conjuguée de nos importations et de nos exportations. Ce serait en tout cas profiter au mieux de la nouvelle donne économique voulue par les Etats-Unis de M. Trump. •
Excellente synthèse.
En somme, le libre-échange est la doctrine des forts, en position d’inonder les autres de leurs produits. C’est la doctrine de l’Allemagne et sa mise en application lui rapporte 300 milliards d’excédents commerciaux / an. C’était aussi jusqu’à Trump la doctrine proclamée des E.U. Ils ne l’appliquaient pas vraiment puisque droits et taxes divers ont toujours plu sur les produits demandant à être protégés. Avec Trump, sinon la pratique déjà en vigueur, du moins la doctrine affichée vient de changer. La Chine et l’Allemagne coûtent décidément trop cher aux Américains pour qu’avec ces deux dragons le libre-échangisme garde valeur de dogme. Trump face à Merkel a marqué sinon avec élégance du moins avec force qu’avec l’Allemagne, la partie était terminée.
Le protectionnisme devrait être la doctrine des momentanément ou congénitalement faibles, s’il leur reste un minimum de vie ou de volonté; si leur faiblesse ne les a pas définitivement résignés à la dépendance et à la soumission.
Son commerce extérieur coûte à la France, bon an mal an, 50 à 70 milliards. Une toute théorique autarcie lui rapporterait ce montant. C’est dire ce que la religion de l’exportation si ancrée dans les milieux économiques a de relatif.
Mais la production française n’est pas congénitalement faible. Elle l’a longtemps prouvé. Simplement, tel n’est plus le cas aujourd’hui. Tant qu’elle n’aura pas refait ses forces, pour la France, un certain protectionnisme est de rigueur. Nous aurons le temps de redevenir libre-échangistes ensuite. La roue tourne de la sorte. Mort aux dogmes !