Ceux qui défendent la forêt amazonienne ont raison : il est bon de lutter, là comme ailleurs (en Afrique notamment…) contre la destruction de la Création, dans une quête insensée de gains immédiats, finalement totalement anti économique de par son absurdité même. Il faut respecter les arbres, l’eau, l’air, les animaux… et l’on a toujours raison lorsqu’on le fait.
Mais l’Homme ? Ne fait-il pas, lui aussi, partie de la Création ? Et ne mérite-t-il pas, lui aussi, d’être défendu et protégé ? Poser la question, c’est évidemment y répondre. C’est toute l’habileté, nous oserons même dire l’astuce, de Benoît XVI que d’avoir ainsi intelligemment posé le problème, en interpellant nos contemporains sur l’inconséquence majeure qu’il y aurait à promouvoir une défense de la création (toujours bonne et positive) si on l’assortit de propos et de pratiques qui, parallèlement, abimeraient et détruiraient l’Homme.
Certes, le Pape n’écrit pas pour être habile, et l’habileté en soi n’est pas sa raison d’être. Mais rien ne lui interdit bien sûr, à l’inverse, de présenter habilement ses raisonnements, comme il le fait une fois de plus dans ce discours publié par Zenit ( http://www.zenit.org/index.php?l=french ), dont nous extrayons les passages suivants…
« ….Etant donné que la foi dans le Créateur est une partie essentielle du Credo chrétien, l’Eglise ne peut pas et ne doit pas se limiter à transmettre uniquement le message du salut à ses fidèles. Celle-ci a une responsabilité à l’égard de la création et doit faire valoir cette responsabilité également en public. Et en le faisant, elle ne doit pas seulement défendre la terre, l’eau et l’air comme des dons de la création appartenant à tous. Elle doit également protéger l’homme contre la destruction de lui-même.
Il est nécessaire qu’il existe quelque chose comme une écologie de l’homme, comprise de manière juste. Il ne s’agit pas d’une métaphysique dépassée, si l’Eglise parle de la nature de l’être humain comme homme et femme et demande que cet ordre de la création soit respecté. Ici, il s’agit de fait de la foi dans le Créateur et de l’écoute du langage de la création, dont le mépris serait une autodestruction de l’homme et donc une destruction de l’œuvre de Dieu lui-même.
Ce qu’on exprime souvent et ce qu’on entend par le terme « gender », se résout en définitive dans l’auto-émancipation de l’homme par rapport à la création et au Créateur. L’homme veut se construire tout seul et décider toujours et exclusivement seul de ce qui le concerne. Mais de cette manière, il vit contre la vérité, il vit contre l’Esprit créateur. Les forêts tropicales méritent, en effet, notre protection, mais l’homme ne la mérite pas moins en tant que créature, dans laquelle est inscrit un message qui ne signifie pas la contradiction de notre liberté, mais sa condition.
De grands théologiens de la Scolastique ont qualifié le mariage, c’est-à-dire le lien pour toute la vie entre un homme et une femme, de sacrement de la création, que le Créateur lui-même a institué et que le Christ – sans modifier le message de la création – a ensuite accueilli dans l’histoire du salut comme sacrement de la nouvelle alliance. Le témoignage en faveur de l’Esprit créateur présent dans la nature dans son ensemble et de manière particulière dans la nature de l’homme, créé à l’image de Dieu, fait partie de l’annonce que l’Eglise doit apporter. Il faudrait relire l’Encyclique Humanae vitae à partir de cette perspective : l’intention du Pape Paul VI était de défendre l’amour contre la sexualité en tant que consommation, l’avenir contre la prétention exclusive du présent et la nature de l’homme contre sa manipulation…. »
L’indispensable respect du monde vivant n’implique pas qu’on mette sur le même plan ou que l’on attribue
la même importance à la vie d’un homme, d’un chien, d’une mouche ou d’un microbe.
Il n’implique pas non plus qu’on proclame un « droit égal de toutes les espèces à l’existence », et moins encore leur « valeur égale ».
Dire que l’homme est le seul être qui ait de la valeur dans le monde est une erreur, dire que tous les vivants ont nécessairement la même valeur en est une autre.
Je voudrais rajouter qu’aux croyances obscurantistes des trois principales religions monothéistes (judaïsme, christianisme et islam) qui partagent le Livre de la Genèse et qui pronnent sous diverses formes un « créationnisme » plus ou moins délirant, il faut opposer la « théorie de l’évolution » découlant des travaux de Jean-Baptiste de Lamarck puis de Charles Darwin au XIXe siècle, et adoptée aujourd’hui par la communauté scientifique.
L’équivoque de cette ligne de défense, méritoire au demeurant, du pape Benoît XVI, est que, précisément, elle se positionne sur un mot totalement galvaudé: « l’homme ». Car enfin, qu’est-ce que l’homme?Il n’y a pas de notion plus éculée, donnant lieu à des significations plus opposées, et finalement plus dépourvue de sens à force d’avoir voulu tous les contenir.
D’abord sur le point de départ. L’Homme est-il menacé au sens le plus prosaïque de mot? Va-t-il disparaître de la surface de la terre comme le pigeon migrateur, le dinornis ou le tigre de Tasmanie? Bien sûr que non, puisque c’est sa croissance indéfinie, non seulement démographique, mais économique, qui élimine un grand nombre d’espèces sauvages. Oui mais, nous dit le pape, « c’est une certaine idée que nous nous faisons de l’homme qui est menacée ». Le problème est que, précisément, c’est également au nom de « l’homme » que cette nouvelle conception est affirmée. Dès lors, le débat devient inintelligible pour le plus grand nombre: pour critiquer un adversaire, il est indispensable de prendre une distance par rapport à lui, et de ne pas utiliser son vocabulaire, surtout quand celui-ci est entièrement contrôlé par celui-là.
J’avoue préférer la position de Joseph de Maistre, qui radicalement la notion d’Homme en s’exclamant: « l’Homme, je ne l’ai jamais rencontré!
Sur l’opposition entre science et créationnisme dont parle Sebasto, il faut lire l’intéressant article que publie aujourd’hui Chantal DELSOL, dans le FIGARO.
En effet, si le « créationnisme » est ridicule, un certain « scientisme » qui s’en tiendrait aux prétentions naïves qui furent les siennes au XIXème sièce, l’est sans-doute tout autant. Au reste, les scientifiques d’aujourd’hui ne s’en sont-ils pas, pour la plupart, largement dégagés ? Peut-être faut-il veiller à ne pas substituer un obscurantisme à un autre …