Du moins telle que, par exemple, l’affaire des propos de la reine Sofia l’a révélée.
On se souvient que, tout récemment, la reine Sofia a suscité un tollé dans une partie de l’opinion publique espagnole. Publié à l’occasion de ses soixante-dix ans, un livre d’entretiens avec la souveraine (1) a, en effet, provoqué de très vives réactions dans la presse et les milieux associatifs et politiques du royaume. En cause, les propos de la souveraine sur plusieurs thèmes de société.
Des propos qui nous semblent, du reste, être tout à son honneur, et qui ne justifiaient nullement le battage qu’on a fait autour d’eux. En fait ce qui a mis le feu aux poudres c’est sa phrase « les lois civiles ne doivent pas ignorer les lois naturelles »
La reine Sofia s’était permis, dans ses dialogues avec Pilar Urbano, de remettre en cause le mariage gay, légal en Espagne depuis 2005 : « Si les homosexuels veulent officialiser leur union, c’est bien qu’ils puissent le faire. Mais qu’ils n’appellent pas cela un mariage ! » Dans un autre passage, elle fustigeait le principe de la laïcité : « Je crois que nous devrions enseigner la religion à l’école, au moins jusqu’à un certain âge. Les enfants ont besoin d’une explication sur l’origine du monde et de la vie. » Dans ces entretiens, elle critiquait également l’avortement, puis s’opposait à l’euthanasie et aux quotas de parité en politique….. Evidemment les bobos/gauchos/trotskos espagnols ont été à deux doigts de s’étrangler tous !
Mais ce n’est pas tant le fait qui nous importe ici; c’est plutôt ce qu’il a révélé de la royauté espagnole, et du jeu qu’elle peut, ou non, jouer.
Les associations gays, les mouvements féministes, les partis de gauche ont crié au scandale, arguant qu’il s’agissait d’une sortie contraire aux usages. Car si la Constitution le lui permet, les usages veulent que la famille royale n’exprime pas son opinion sur des questions sociales et politiques. Même le Parti populaire (opposition), pourtant proche des opinions conservatrices de la reine, a estimé, par la voix de son porte-parole Esteban Pons, que « l’institution monarchique ne doit pas parler. Le roi et la reine sont comme le drapeau, qui joue son rôle dans les actes officiels mais sans faire de déclarations. »
Pour une fois, c’est le président socialiste du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, qui a tenu le beau rôle : il a refusé d’alimenter la polémique, préférant évoquer « la manière exemplaire avec laquelle la reine remplit sa fonction ».
Il est clair que pour nous, et vu d’ici, cet épisode n’a rien qui puisse ou qui doive nous enthousiasmer. Si nous trouvons fort sain que la reine Sofia exprime son respect pour « les lois naturelles », et fort sympathique sa sortie qui a hérissé tout ce que l’Espagne compte d’esprits subvertis et pervertis, nous ne pouvons bien sûr pas faire l’éloge sui generis (et encore moins en proposer l’instauration chez nous !…) d’un système à la Esteban Pons, où le roi « ne doit pas parler »; où « le roi et la reine sont comme le drapeau… » mais surtout ne doivent pas « faire de déclarations ».
Convenons que, même si nous maintenons qu’il a mieux valu pour l’Espagne, pour la France et pour l’Europe, voir Juan Carlos succéder à Franco, plutôt que d’assister à un retour de la république espagnole, il serait difficile de proposer aux français la transposition pure et simple de ce modèle, en leur demandant d’avoir pour lui les yeux de Chimène !….. (à suivre…).
(1) : La reina muy de cerca (La reine de très près) de Pilar Urbano, éditions Planeta.
(2) : Voir la note « République ou Royauté ? L’exemple espagnol… » dans la catégorie « République ou Royauté ? ».
Il n’est pas complètement sûr qu’une mauvaise monarchie vaille toujours mieux qu’une république. La solidarité avec la décadence peut entraîner, si d’aventure les nations s’en guérissent, le rejet global de tout ce qui s’en est rendu complice dans la même poubelle. De plus, certaines choses sont trop hautes pour survivre dans la déchéance.