Par Aristide Renou.
On pense ce qu’on veut de la conduite à tenir face à la pandémie. Et nous ne tenons pas vraiment à nous engager dans les interminables logorrhées sur le sujet – dont les médias ont donné l’exemple proprement dégoûtant. Mais la distinction opérée ici entre les « bons sentiments » et la vraie « gentillesse » est ici de bon aloi. Elle est parente de la Tradition qui est nôtre.
D’aussi loin que je me souvienne, les bons sentiments un peu cul-cul, un peu poisseux, un peu trop insistants m’ont toujours mis mal à l’aise, sans que je sache trop pourquoi. Un peu comme ces clowns dont le maquillage et les grimaces, censés provoquer le rire, suscitent plutôt une sourde inquiétude, comme si la grosse farce et les gros rires étaient destinés à masquer des sentiments tout contraires et pouvaient à tout instant dégénérer en sauvagerie.
C’est pourquoi j’ai tout de suite détesté le pathos doucereux qui s’est mis à déborder des discours officiels lorsque, il y a bientôt deux ans, nos vies ont été mises sous l’éteignoir avec l’arrivée du Covid. Les « Prenons soin les uns des autres » sonnaient aussi faux que les « Nous sommes en guerre ». Les applaudissements à 20h au balcon me semblaient non seulement ridicules mais aussi, rapidement, vaguement sinistres et il y avait quelque chose de menaçant dans cette manière qu’avaient les « autorités » de nous parler comme à des enfants, et à des enfants pas très malins qui plus est.
Et en effet, avec quelle rapidité nous sommes passés de la « guerre au virus » à la guerre contre ceux qui refusent de considérer que ce virus nous fait courir un grave danger ; avec quelle facilité les appels à la solidarité se sont transformés en appels à la délation, les cajoleries en menaces ; avec quelle bonne conscience nous avons laissé mourir dans une solitude claquemurée ces personnes âgées que l’abandon de nos libertés était censé protéger. En moins de temps qu’il n’en faut à Jean-Michel Blanquer pour annoncer depuis une plage d’Ibiza un énième « protocole scolaire » incompréhensible, les gentils voisins ou les gentils collègues « tous solidaires » se sont transformés en garde-chiourmes, toujours prêts à vous aboyer dessus s’ils l’osent ou, s’ils n’osent pas, à se plaindre à qui de droit que vous ne portez pas avec suffisamment d’enthousiasme et d’application le sacro-saint masque en papier.
Il y a deux ans, on allait réinventer la solidarité, la bienveillance, la gentillesse, c’était sûr. Nous allions montrer notre grandeur d’âme en sacrifiant notre prospérité pour « sauver des vies ». Cette épidémie allait déboucher sur une ère nouvelle où le lion dormirait avec l’agneau et les querelles futiles seraient oubliées au profit de ce qui est « vraiment important. »
Deux ans plus tard, la colère, le mépris le ressentiment, la haine même coulent à plein bords, les anathèmes et les insultes fusent de toute part et on entend les « gentils » dire qu’il serait normal que les « méchants » insuffisamment vaccinés cessent de bénéficier du remboursement de leurs soins, puisque manifestement les menacer des les priver de leur gagne-pain ne suffit pas toujours à les ramener dans le droit chemin.
Adieu les bons sentiments si sirupeux, bonjour la méchanceté la plus crasse et la plus décomplexée. Et, comme ils se doit, ceux qui sont les plus investis dans le commerce des bons sentiments sont les plus mauvais et les plus sournois, comme par exemple Martin Hirsch.
C’est que ces bons sentiments si complaisamment affichés sont le signe extérieur de l’évidence du bien, qui rend immédiatement suspects toute objection et tout questionnement. « Quoi ? Vous ne voulez donc pas faire le bien ? Vous ne voulez pas sauver des vies ? Comment pouvez-vous seulement raisonner, alors que ce qu’il y a à faire est si évidemment bon ? »
La cul-culterie, c’est le bien qui ne se discute pas, le bien simple et sans mélange, le bien à la portée des enfants les plus niais, et c’est d’ailleurs pourquoi, ce qui caractérise le cul-cul, c’est de parler à des adultes comme s’ils étaient des enfants. Mais, comme de juste, ceux qui commencent par vous parler de manière infantile finissent par vous traiter comme de vilains garnements si jamais vous avez l’audace de leur désobéir. « Allez, un vaccin pour tonton Castex, et un autre pour tonton Véran, et puis encore un pour Tatie Brigitte… Oh, le vilain qui ne veut pas faire son vaccin pour faire sauver papy et mamie ! Au coin, privé de cinéma et de restaurant ! »
Les bons sentiments, c’est aussi le plaisir pas trop subtil de se sentir vertueux sans efforts, ce que Rousseau appelait « le bon témoignage de soi-même ». C’est si agréable, alors pas question de laisser des têtes de pioche nous gâcher notre petit plaisir quotidien avec leurs objections. Qu’on les fasse taire à la fin, ces empêcheurs de s’auto-congratuler en rond !
Défiez-vous de tous ces gens si merveilleusement compatissants, solidaires, altruistes à peu de frais. Leur sentimentalité facile n’est que la conséquence de leur sécheresse de cœur et de l’étroitesse de leurs vues. La niaiserie doucereuse de leur expression n’est que le masque de leur refus de toute délibération véritable et se change bientôt en implacable dureté si vous avez le malheur de suggérer que, peut-être, il n’est pas si simple de savoir ce qui est bien, ici et maintenant.
La gentillesse véritable n’est pas si bon marché ni si démonstrative. Elle est parente de la lucidité et de l’indulgence pour nos communes faiblesses et, par conséquent, elle ne s’indigne de n’être pas payée de retour. Elle est d’une qualité rare alors que leur mollesse est un vice très commun. Elle sait aussi s’allier avec les exigences de la justice alors leur fausse tendresse est une forme de complaisance avec soi-même.
Et, si vraiment vous n’avez que ce choix-là, préférez ceux qui vous promettent du sang, des larmes et de la sueur à ceux qui vous parlent comme s’ils étaient le tonton-gâteau qui apporte des friandises aux ch’ti n’enfants bien sages. Le despotisme ne vient pas toujours botté, casqué et éructant, il peut aussi être écœurant comme une barbe à papa et cul-cul la praline comme un président qui vous enjoint paternellement de bien vous laver les mains. ■
Très bien vu et dit .
Il convient de se méfier d’avantage de ceux qui « agissent pour votre bien » que de ceux qui « aiment bien et châtient bien «
Les premiers sous couverts de bons sentiments exploitent votre faiblesse à leur avantage et les seconds revendiquent un discernement positif dans le choix des punitions.
Ceux qui font étalage de leur sentiments ressemblent aux chauves qui n’ont que trois cheveux et les étalent sur un crâne lisse pour la photo.
Aristide Renou retrouve le style des gtangs moralistes français. Bravo !
Excellente et simple manière de rapporter les choses que celle d’Aristide Renou. Son papier devrait être colporté en tous lieux, en espérant que d’aucuns apprennent à lire en même temps qu’ils s’attèlent à comprendre le français. Il faut encore ajouter une chose cependant : ces commentaires commentent en fait quelque chose que nous connaissons depuis que nos générations encore vivantes respirent, chose qui n’a donc absolument rien de nouveau «en esprit», quand même la «lettre» a-t-elle conquis quelques abimes insoupçonnés jusque-là ; je veux dire qu’il s’agit tout simplement des effets des communisme, socialisme, anarchisme et autres gaucheries systématisées. Je suis malheureusement né de parents infectés par cette satanerie, j’ai même eu l’abrutissement d’aller défiler dans les rues de mai 68, croyant dur comme fer être entouré sur les barricades par les anges de cette profonde gentillesse obligée, dont on sait exactement ce qu’elle cachait, maintenant que, gouvernant, elle s’exhibe plus indécemment que jamais.
Bien des amitiés à Aristide Renou, s’il accepte de les recevoir d’un inconnu.
« Le baiser Lamourette » qui précède la grande tuerie de la révolution, cela ne nous rappelle rien ? Le visage convulsé de haine de Lénine, mais aussi celui si rassurant du petit père des peuples, sans oublier le visage halluciné et spectral du joueur de flûte qui emmena son peuple et l’Europe dans le cauchemar éveillé. . Tous ont un point commun, une avalanche de bons sentiments factices, en fait un amour immodéré de soi, qui nous empêche de voir le visage de l’autre, celui que nous allons effacer de notre vue, oubliant que c’est nous-même qui nous effaçons de la communauté des vivants devant Dieu. La ruse du diable-merci David- tuer Dieu à travers l’autre est bien là, elle nous laisse nus et désespérés. Bref luttons contre cette idolâtrie de soi, ce narcissisme affectif. Elle plonge ses racines dans un de nos plus grand écrivains.
Excellent article, nous encourageant à demeurer lucides et authentiques, , et surtout à défendre notre esprit critique contre vents et marées , le cultiver et en transmettre les essentielles vertus autour de nous , particulièrement auprès des nouvelles générations .
Bien cordialement .
Merci pour cet article. Les gentils auto-proclamés ont besoin de méchants pour conforter leur gentillesse, ainsi le bouc émissaire les exonère de leur culpabilité.