Jean-Paul Brighelli dresse ici [Bonnet d’âne, 3.05] un tableau réaliste de la situation politique et sociale française à la veille du second tour de cette présidentielle. Sa réaction est globalement la nôtre – en tout cas, elle est non-conformiste et courageuse – même si nous pouvons ne pas être d’accord sur tel ou tel point particulier. On lira cette chronique comme on prend un grand bol d’air frais et sain . Sur le dégoût qu’inspire cette présidentielle nullissime et pestilentielle, nous sommes à l’unisson avec une large majorité de Français. Et avec Jean-Paul Brighelli, bien-sûr. LFAR
Les noms d’oiseaux volent bas depuis quelques jours. Voter MLP, ce serait donc voter fasciste. Ou mieux : nazi. À point Godwin, point Godwin et demi. Et voter blanc c’est tout pareil — un demi-point de mieux !
Claude Rochet, qui a fait une brillante carrière dans le privé et dans le public, professeur des universités et vieux spécialiste du fascisme français, a beau expliquer dans une tribune rigoureuse ce qu’est le fascisme, et comment le vrai fascisme a toujours été du côté des puissances économiques, c’est sur Marine Le Pen que l’on s’acharne. Et mieux que cela : sur tous ceux qui n’appellent pas à voter pour son adversaire. Mélenchon, tu n’as pas honte d’être fasciste ?
Pourtant, comme le souligne mon ami Jacques Sapir analysant le programme de MLP, « la décence devrait obliger cette même meute de reconnaître qu’il n’y a rien de « fasciste » ni dans son programme ni dans le comportement de son mouvement. Où sont donc les milices armées qui tiendraient les rues ? Depuis des années, elles viennent d’une toute autre mouvance que le FN. A prétendre que le FN est « antirépublicain » on s’expose de plus à une contradiction évidente : si ce mouvement fait courir un danger à la République, il devrait être interdit et ses responsables emprisonnés. Si tel n’est pas le cas, c’est que ce parti n’est pas un danger pour la République. A vouloir se draper dans l’Histoire, cette meute journalistique et écrivassière se prend les pieds dans le tapis. Le programme défendu par Mme Marine le Pen est un programme populiste, avec ses bons mais aussi ses mauvais côtés. C’est un programme souverainiste, même s’il n’est pas exempt de dérapages, comme sur la question du droit du sol et de la protection sociale. On peut le contester, on peut même le réprouver. Mais, en faire un épouvantail est d’un ridicule achevé. Non, nous ne sommes pas dans l’Allemagne de 1933. Nous ne sommes même plus dans la France de 2002. Les choses ont profondément changé, sauf peut-être l’inconscience crasse de cette meute bavante qui nous rejoue la même partition qu’elle nous avait jouée lors du référendum de 2005. Et, il faut le souligner, elle avait été battue à l’époque ! »
Je suis loin d’approuver moi-même tout le programme de Marine Le Pen. Par exemple, ne pas vouloir scolariser aux frais de la République les enfants de migrants est une grosse bourde : il faut les sur-scolariser, et deux fois plutôt qu’une, et leur apprendre la langue française qui sera leur vraie patrie, et à travers eux scolariser leurs parents. Mais ce sera facile, dans les classes dédoublées que nous promet Macron.
Que je sache, ce ne sont pas les fascistes qui, le 1er mai, tentent de faire brûler les policiers — et s’en réjouissent. C’est une section CGT — désavouée par Martinez, légèrement débordé par ses troupes. À noter que Hollande ne s’est pas rendu au chevet du policier le plus gravement atteint — il a trop à faire à exhorter ses troupes à voter Macron. Le marionnettiste est sorti de son cagibi élyséen.Oui, le vrai fascisme a toujours été du côté des puissants — il n’est populiste que dans ses moyens. Aude Lancelin a dressé un état enfin lucide de la presse française, sidérée, chère âme, de ce que la quasi-totalité des médias soutienne Toufriquet. Ce qui met la France, au palmarès de Reporters sans frontières, au 45ème rang, « quelque part entre le Botswana et la Roumanie », ajoute la journaliste. Et de préciser: « Le tout à cause, contentons-nous de citer l’organisme international sur ce point, « d’une poignée d’hommes d’affaires ayant des intérêts extérieurs au champ des médias qui ont fini par posséder la grande majorité des médias privés à vocation nationale. » Jamais une situation pareille de mainmise quasi totale sur la presse ne s’était vue en France depuis 1945. »
Oui, le vrai fascisme n’est pas dans une résurgence d’Auschwitz — il faut toute la rhétorique échevelée d’Arno Klarsfeld pour oser le dire —, mais un enfant inavoué, quoique vigoureux, du néo-libéralisme qui a fait des médias son bac à sable préféré. Ceux qui ont célébré le mieux la première place de Macron au soir du 1er tour, ce sont les boursiers qui se sont rués dès le lendemain sur les actions des banques — entre + 8 et + 10% en moyenne.
Alors, si vous êtes banquier, ou grand industriel, ou gros propriétaire terrien ; si vous participez peu ou prou au dernier cercle du pouvoir — particulièrement du pouvoir bruxellois ; si vous êtes dans les petits papiers de Jacques Attali ou de Jean-Pierre Jouyet ; si vous complotez gaîment avec l’Institut Montaigne ou prenez vos ordres à l’Union des Organisations Islamiques de France — alors oui, votez Macron. Il est votre homme. Il est, comme le résume très bien Onfray, le paquet de lessive qui lavera plus blanc vos petits et vos grands bénéfices.
Mais dans tous les autres cas…
Et cela fait du monde.
La loi nous fait obligation de ne plus rien publier de politique à partir de vendredi 20 heures. Je vous prépare donc pour cette date un joli article sur l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites — ou quelque chose d’approchant. En attendant, bonne lecture — et pensez de temps en temps à moi, qui signe de mon nom ces chroniques du temps présent. •
Excellente analyse. Cependant, concernant la scolarité, permettez-mois d’être beaucoup moins optimiste que J.P. Brighelli, ne croyant absolument pas aux promesses de Macron. Son programme, dans ce domaine, s’inscrit en droite ligne avec la pseudo-réforme de Belkacem. De surcroît, le nom du sinistre Meirieu circule dans les couloirs sur le prochain ministre de la rééducation nationale. On n’en a donc pas fini avec le pédagogisme qui tue l’école à petit feu.
Le 7 mai 2017, 22 heures
Il y avait liesse hier soir au QG de campagne du candidat Emmanuel François Micron, nouveau président de la république. Dans l’assistance en fête, nous avons pu remarquer Mr Barak Obama s’entretenant avec Monsieur Ferdinand de Lesseps et Serge Alexandre Stavisky, Mr et Mme Actiftoxique, Mr et Mme Cac40 et leur fille Capitalisationboursière, Mr et Mme Dow Jones, Monsieur et Mme Goldman-Sachs et leur fils Lloyd Blankfein, Monsieur Cash Flow, Mr et Mme Retoursurinvestissement et leurs charmantes filles Thune, Flouze et Pèze, Mr et Mme Produitsdérivés, Mme Merkel à la tête d’une délégation de 30 000 migrants, de nombreux journalistes de l’audiovisuel public venus chercher leurs chèques de campagne. Le monde des Lettres et des arts était représenté en la personne de Black M, candidat au fauteuil d’Alain Finkielkraut à l’Académie en France, de graphitomanes de rues, de sculpteurs de nuages, de facilitateurs d’événémentiels, c’est-à-dire de tout ce qui compte dans la pensée en France aujourd’hui. Les supporters du candidat Micron se sont rendus à la Tour d’Argent, louée pour l’occasion, et l’on a pu y voir Mme Taubira sur les genoux du baron de Rothschild, Robert Hue partageant une flûte de champagne avec François Fillon, en écoutant les bons mots de Daniel Cohn-Bendit, Mr Jacques Attali venu présenter son 136ème plan de Gouvernement mondial, Mme Medef échangeant ses premières impressions avec Messieurs Effemi et Océhem, Arlette Laguiller venue fêter la défaite de la haine, s’entretenant chaleureusement avec Mme Actiondividendeprioritaire. Un incident très drôle est venu légèrement perturber ce grand moment d’espérance républicaine : deux chômeurs de longue durée se sont présentés à la porte de la Tour d’Argent en demandant s’il n’y aurait pas des restes. Le service d’ordre a jeté les deux importuns à la Seine sous les applaudissements des supporters. Pendant ce temps, la belle jeunesse de Vaulx en Velain et de Trappes fêtait à sa façon la victoire de son candidat en brûlant quelque centaines de voitures, flambant comme l’espoir qui nous anime, en criant ‘’ Elle a perdu la sale française, on a gagné ! Bouffons de français ‘’ Merci à cette belle jeunesse de contribuer à ce grand moment de soulagement après que nous ayons frôlé le retour aux jours les plus sombres de notre histoire, là où vit la bête immonde dont le ventre est toujours fécond. Des personnes bien informées laissaient entendre que le premier décret du nouveau président viserait à rétablir le suffrage censitaire, interdisant aux pauvres ( vous savez, ces gens qui n’ont pas de travail, se nourrissent de raviolis en boîte, boivent de la bière en regardant the voice à la télévision ) de faire entendre leur voix fétide aux élections. Les supporters de Monsieur Micron ont entonné l’internationale mondialiste dont les premiers vers sont des paroles d’espoir pour tous ceux qui vivent tournés vers le futur :
Debout les nantis de la terre,
Debout les gavés de la faim
La Bourse tonne en son cratère
C’est l’irruption de l’emprunt
Puis ce fut la Carmagnole !
Ah ça ira, ça ira, ça ira, tous les RMIstes à la lanterne
Ah ça ira, ça ira, ça ira tous les CDD on les pendra
C’est une ère lumineuse qui s’ouvre en France ! Meilleurs vœux au nouveau président.
Bravo !
Il fallait lire Messieurs Effemi et Ohemcé cela va de soi
Le lien vers la tribune de Claude Rochet / :http://claude-rochet.fr/de-la-nature-du-fascisme/
Oui, vraiment, bravo !