Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Que l’on se rassure ! La lettre d’information quotidienne de JSF (les anglomanes diraient newsletter) sera toujours distribuée par courrier électronique sous sa dénomination actuelle, si simplement et délicieusement française : « La lettre de JSF ». Notre titre provocateur n’est là que pour illustrer le mécanisme pernicieux de l’anglicisation, en l’occurrence des possibilités d’anglicisation, de notre langue. Tout le monde a l’occasion, quasi quotidienne, de le constater : nous subissons une invasion de mots ou de tournures anglais, ou prétendument anglais, qui polluent lexique et syntaxe. Jargon, sabir ou charabia : inutile de donner des exemples, nombre d’articles et de publications s’en étant d’ailleurs déjà chargés.
Aujourd’hui, c’est l’Académie française qui, dans son récent rapport « sur la communication institutionnelle en langue française » (adopté jeudi 3, rendu public mardi 15), dénonce, en toute légitimité et autorité, le danger gravissime qu’une anglicisation effrénée fait courir à notre bon vieux français. Il faut lire ce rapport* ! Lecture qui pourrait être démoralisante, mais qui se révèle passionnante, d’un texte suffisamment court (une trentaine de pages) pour n’être jamais rébarbatif.
S’il est sans doute réconfortant qu’une Compagnie de cette qualité existe toujours en France, il est cependant désolant d’en être là, cinquante-huit ans après la parution du livre d’Etiemble Parlez-vous franglais ?, livre qui avait valu à son auteur d’être appelé « le pourfendeur du franglais », vingt-huit ans après la loi Toubon qui proposait de façon très pragmatique une liste assez complète de mots à utiliser à la place des mots (fr)anglais utilisés à l’époque, cinq ans après les quatre pages de l’entretien accordé par Alain Borer à l’hebdomadaire Le Point (26 octobre 2017) dans lequel ce « poète […] amoureux de la langue française pleure sa destruction et notre soumission à l’anglais. »
Revenons à ce petit bijou de rapport sous-titré mais en majuscules : « POUR QUE LES INSTITUTIONS FRANÇAISES PARLENT FRANÇAIS ». Cela vous paraît évident ? Les exemples proposés prouvent que ce n’est pourtant pas le cas pour tout le monde. Ce rapport embrasse en effet « l’ensemble des actions de communication qui visent à promouvoir […] une institution, une entreprise ou une organisation vis-à-vis de ses administrés, clients et différents partenaires », c’est-à-dire l’ensemble de la vie publique, depuis n’importe quelle publicité jusqu’aux propos du porte-parole du gouvernement, et même au-delà. Après deux pages de présentation, il se divise en trois parties assez inégales : dix-sept pages (sur trente !) sont consacrées à un « relevé d’exemples » de maltraitance de la langue française dans la communication des ministères, collectivités territoriales, établissements, sociétés, services publics, grands groupes (distribution, construction, alimentation, communication, transports, finance, etc.). Suivent cinq pages d’ « observations » sur ce corpus, dont une demi-page seulement sur les quelques « bonnes pratiques » rencontrées (en fait : quand il y a traduction). Et, pour terminer, cinq autres pages de « réflexions ». Trois qui valent condamnation sans appel de l’usage du franglais : ce dernier se substitue indûment au français dans tous les secteurs de la société y compris dans le secteur public, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat ; il concourt [en cette époque de mondialisation – note de JSF] au « risque […] d’une réduction à un dénominateur commun artificiel, robotisé, uniforme » ; il introduit un « flou grammatical » entre français et anglais, favorisant la perte de certains repères linguistiques au point de provoquer agacement et incompréhension d’une partie de la population ; il favorise ainsi « une double fracture linguistique : sociale […] et générationnelle ». Les deux dernières pages appellent à une « communication claire et efficace ».
Clarté et efficacité : le 15 août 1539, François Ier ordonnait que tous les actes de la justice et de l’administration royales soient « prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel français et non autrement ». Le français est alors devenu la langue de l’Etat français. Sans sombrer dans un purisme inapproprié, on attend de l’Etat (et de ses services) qu’il soit respectueux de la langue française, notre bien commun. Et même exemplaire dans ce domaine. Le mérite du rapport de l’Académie est de constituer une pièce à charge contre le pouvoir politique, dont la passivité, puisqu’il laisse faire depuis des décennies et en dépit de la loi, confine à la complicité. Il faut maintenant qu’il soit remis au chef de l’Etat, « protecteur » en titre de l’Académie française. ■
*Le rapport (Cliquer sur l’image)
** Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source.
L’anglais est la langue du fric. Comme le fric est devenu hélas la seule chose qui « compte » dans la vie moderne, il assez normal, sauf à réagir pour avoir d’autres « valeurs », de le voir triompher.
Le plus débile c’est qu’en France, on invente des mots anglais inexistants ou ayant disparu :Parking en anglais cars park, smoking: diner jacket, tuxedo en américain, tennisman: tennis player VIP de nos jours Dignitaries plus proche du français dignitaire…….
Mais que voilà un rapport bienvenu. Mais il est à craindre qu’il reste lettre morte. Le snobisme et le manque de caractère de ces français (en méritent-ils même le nom?) gros pratiquant de ce mode de communication est tellement ancré dans leur mode de vie qu’ils ne changeront pas. Peut-être y aura t’il un sursaut salutaire dans les générations à venir, mais j’en doute.