C’est la première fois que nous employons volontairement une grossièreté, sur lafautearousseau, au lieu de nous contenter d’un euphémisme. Depuis la création de notre quotidien – le 28 février 2007 – nous nous sommes toujours interdits l’insulte ou l’injure, les attaques sur le physique ou tout autre genre d’attaques ad hominem, les plaisanteries graveleuses même quand le sujet aurait peut-être permis d’y penser (comme lors de l’affaire Strauss-Kahn).
Aujourd’hui, nous faisons notre première entorse à cette règle et, du reste, une entorse pas vraiment bien méchante : mais, comme l’avait dit plaisamment Alfred Jarry, « Quand on passe les bornes, il n’y a plus de limites » !
Comment ! On apprend que Macron-qui-lave-plus-blanc a donné une soixantaine de circonscriptions gagnables au dernier des Caïmans, François Bayrou, l’ultime rescapé du « dégagisme ». Forcément : ne s’étant présenté à rien, il n’avait pas pu être sanctionné par les électeurs ! De plus, Macron l’a nommé ministre de la Justice, et a placé sa comparse Sarnez au gouvernement. Et le père-la-Morale Bayrou nous a sermonné, expliquant que, à partir de maintenant – c’est-à-dire de lui, bonjour la grosse tête ! – on allait « rouler au propre », on était sommés de devenir tous blancs comme neige, et, du reste, on allait y être contraints par la loi. On allait voir ce que l’on allait voir…
Eh ! bien justement, on voit ! Et c’est un désastre, pour le tandem super blanc/plus blanc que blanc ! Une dizaine d’employés du Modem (peut-être plus, selon France info), dont Marielle de Sarnez et l’ex Modem Sylvie Goulard, actuelle ministre des Armées, s’il-vous-plaît, auraient franchi la ligne rouge question rémunération par l’Europe. Et, bien sûr, Bayrou ne pouvait l’ignorer.
On avait Ferrand (pour qui il est acquis, maintenant, que contrairement à ses dires, donc à ses mensonges, de l’argent public est bien concerné par sa magouille familiale) et c’était déjà gros, très gros, même, puisque le-dit Ferrand est l’un des tous premiers accompagnateurs de Macron, donc, au coeur du « système ».
Voilà que, du très gros, on passe au carrément énorme : un Mont-Blanc, un Everest : le Garde des Sceaux, lui-même, présidant à la magouille, alors même qu’il donne des leçons de propreté morale et préparant une loi de Moralisation ! Alors, là, les bras en tombent !
Bien sûr, tout ce (pas) beau monde doit démissionner : Ferrand, d’abord, chronologie oblige, puis Sarnez et Goulard; puis Bayrou.
Et Macron ?
Macron, il n’y a que deux solutions, toutes deux aussi graves, la seconde peut-être pire que la première, plus dévastatrice :
Solution un : il savait, il connaissait les « dessous » de Bayrou (si l’on peut employer ce mot ici…) et il a laissé faire. Auquel cas il nous a sciemment menti, en parlant de moralisation et en affirmant qu’il représenterait le renouveau de la vie politique. C’est évidemment très grave…
Solution deux : il ne savait pas, et il a été trompé. Mais, ne serait-ce pas, en un sens, encore plus grave ? Comment ! Au coeur du Système comme il l’était (à l’Elysée, conseiller du président, puis ministre de l’Economie…), avec tous les moyens de renseignements et d’information dont il disposait, avec les personnels, bureaux et moyens divers mis à sa disposition, il ne savait pas que Bayrou, comme tous les autres, faisait, précisément, la même chose que tous les autres ? Alors, oui, cela, en un sens, serait encore plus grave, eu égard au degré d’inconscience, d’incompétence que cela signifierait pour quelqu’un qui est à la tête de l’Etat, chef des Armées et disposant des codes nucléaires…
En attendant, ce président mal élu, car élu « par défaut », vient de se prendre les pieds dans un tapis qu’il a déroulé lui-même. Qui l’obligeait à parler de morale comme il l’a fait, mettant la morale là où elle n’avait pas lieu d’être, és-qualité ? Qui l’a poussé à se présenter comme un nouveau Lancelot du Lac, un nouveau Bayard, l’apparition du « pur » sur la terre ?
Maintenant, sa folle promesse de pureté lui revient en pleine figure, comme un boomerang. « Le pied lui a glissé dans le sang », dit cruellement Chateaubriand du Chef du gouvernement, au lendemain de l’assassinat du duc de Berry.
Avec son parfum de soi-disant moralité, dont tout le monde voit, ou, plutôt, sent, maintenant, qu’il pue, Macron s’est lui-même empêtré et fourré dans une très sale affaire, dont on voit mal comment il va se sortir : « le pied lui a glissé… », nous laisserons au(x) lecteur(s) le soin de terminer la phrase comme bon lui semblera…