Voici le résultat de cette rencontre (notée en titre), ainsi qu’Actu.fr l’a résumée. Selon son vocabulaire, ses choix, sa connaissance du sujet, ses appréciations et interprétations propres, dont nous lui laissons la responsabilité. Pour qui s’intéresse à l’histoire et à la situation du royalisme français, de l’Action française en particulier, ce texte est à lire, le cas échéant, à commenter.
Après une longue traversée du désert, l’Action Française renaît de ses cendres en captant, grâce aux réseaux sociaux, de très jeunes militants.
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« Depuis une dizaine d’années on assiste à une véritable résurgence de ces idées, avec des sections locales qui fleurissent un peu partout en France, et qui, comme à Bordeaux, se sont constituées autour d’un noyau dur de très jeunes militants »
Baptiste Roger-Lacan, Historien
Ils s’appellent Faustine* et Adrien, respectivement 27 et 30 ans. Souriants, la parole facile, et styles vestimentaires dans l’air du temps, ils sont les nouveaux visages de l’Action Française (AF), un parti nationaliste et royaliste, au sein duquel ils militent à Bordeaux (Gironde).
Qui sont-ils ?
Le trentenaire est président de fédération régionale, qui compte environ 200 militants, dont une cinquantaine dans la capitale girondine. Vieux de plus d’un siècle – il est né en 1899 -, le mouvement se targue de près de 3000 adhérents en France, selon les dires d’Adrien.
À Bordeaux, le groupe ratisse large. Il rassemblerait autant d’enfants bercés par des valeurs de gauche que d’héritiers de vieilles familles nationalistes. Un point commun chez ces néoroyalistes, ils sont jeunes. Très jeunes. « J’ai 30 ans et je pense que je suis un peu le papi de l’AF à Bordeaux, ironise-t-il. Les 16- 30 ans sont en effet la classe d’âge la plus représentée, indique Adrien.
Historiquement le mouvement était porté par des étudiants, « mais on voit arriver de plus en plus de jeunes travailleurs », commente encore le porte-parole de la section Nouvelle-Aquitaine. Au point que la section locale a créé une branche qui leur est spécialement dédiée.
Une résurgence du mouvement dans les années 2010
Une aubaine pour le mouvement nationaliste qui voit ses effectifs se reconstituer depuis les années 2010, après une longue traversée du désert, comme l’observe Baptiste Roger-Lacan, doctorant spécialiste du royalisme et de l’histoire de la contre-révolution :
« Après son âge d’or entre 1919 et 1940, le mouvement a littéralement été brisé par les condamnations de Charles Maurras et Maurice Pujo, pères intellectuels de l’Action Française, qui ont été jugés pour leurs rôles pendant la guerre, et leur soutien au régime de Vichy. »
L’émergence du Front National, dans les années 70, a achevé d’enterrer le mouvement, en captant, au sein du parti qui se voulait la grande maison du nationalisme, les derniers royalistes.
2012 marque aussi le début de l’engagement d’Adrien, qui a été porté par l’engouement autour de « la Manif pour tous ». Elevé par des parents « patriotes » et « nationalistes », terreau fertile de l’idéologie de l’Action Française, l’étudiant en histoire a été séduit par un mouvement qu’il voyait « s’incarner dans le temps ».
Des familles de gauche
Faustine, en revanche, a grandi dans une famille engagée à gauche – parents socialistes, grands-parents communistes. Alors que rien ne l’y prédestinait, elle a rejoint les rangs de l’AF en 2019, « grâce à des amis, et à (s)es lectures ». Ce qui l’a séduite ? « Ils osent mettre les vrais mots sur les problèmes que rencontre la France « .
« Délitement du pays », « communautarisme », « hausse de la délinquance », « féminisme débridé » et « immigration non contrôlée »… La réponse à tout ce qu’ils dénoncent ne peut trouver de résolution, selon eux, que dans « le nationalisme intégral », théorisé par Charles Maurras au début du XXe siècle. Une doctrine visant à instaurer un régime autoritaire, mais respectueux des libertés locales, qu’incarnerait le système monarchique.
« Ils ont une lecture de l’Histoire de France fallacieuse, réplique le Doctorant. Selon eux, la Révolution française de 1789, fomentée par les Francs-maçons et les étrangers, aurait arraché l’histoire du pays à son cours naturel. Pour rétablir l’ordre, il faudrait donc redonner la primauté, garantie par la monarchie, aux groupes qui encadrent naturellement l’individu, comme la famille, les corporations ou la religion catholique ».
Anachronique ? « On ne peut pas créer à partir de rien ! Tous les systèmes viennent de quelque part », argue Faustine. Pour celle qui travaille désormais dans la culture, » un secteur complétement à contre-courant de ce qu’elle pense » de son propre aveu, difficile d’exprimer ses idées à voix haute.
Le tournant 2.0
Pour cause, rares sont ses contemporains qui y souscrivent. Aussi, pour draguer les plus jeunes, l’Action Française s’est appliquée à moderniser ses vecteurs de communication. A l’image de la presse traditionnelle, ceux que l’on appelait les camelots du roi, en référence au journal qu’ils distribuent à la sauvette, ont su prendre le virage de l’internet.
« Ils utilisent de façon très habile les réseaux sociaux. Ils ont avec eux des influenceurs qui instillent avec brio leurs thématiques sur Facebook et YouTube, et font des millions de vues » décrit l’universitaire.
Adrien, le référent régional, évoque aussi les opérations de tractage, les conférences et débats ouverts à tous et les actions de nettoyage des quais ou autre maraudes.
Mais les membres de l’Action Française, comme d’autres groupuscules d’extrême-droite, s’adonnent aussi à l’agit-prop.
Renouant ainsi avec la tradition du « Chahut », ils ont par exemple tnté de pénétrer par la force, en pleine séance, au Conseil régional à Toulouse. « Une excellente stratégie pour faire du clic. Même s’ils ne vont pas au bout, ce type d’actions capturées sous forme de courtes vidéos parvient à capter une audience jeune », avance encore Baptiste Roger-Lacan.
Le vote à la présidentielle ?
S’ils n’adhèrent pas au fonctionnement de la Vème république, ils appellent tout de même à se positionner. « Certains ne votent pas, mais ils sont extrêmement minoritaires », affirme Adrien, en insistant sur le pragmatisme dont fait preuve l’Action Française, « qui refuse de se désintéresser de scrutins nationaux aussi lourds d’incertitudes que de conséquences ».
À l’échelle nationale, des directives de vote ont été données via un communiqué, rappelant au bon souvenir des militants les lignes directrices du groupuscule.
« On amène un cadre, assez fin, avec des grands axes forts qui laissent une flexibilité aux votes des gens », précise Adrien.
Selon ses pronostic, l’électorat de l’AF sera morcelé entre Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen et Eric Zemmour…Faute de mieux et avant le retour du roi.
*Le prénom a été modifié
✓ Pour les Royalistes, le meilleur candidat à la présidentielle est: Mr. Nicolas Dupont-Aignan ;
§ Message d’un: « Royaliste-Lozérien ».