Par Kaoutar Seghrouchni Idrissi
Face aux chaos libyen, à une Tunisie incertaine et faible, aux menaces d’explosion en Algérie, le Maroc reste pour la France un partenaire sûr et un indispensable pôle de stabilité amicale. Cette analyse, donnée dans Causeur le 16.06, apporte un éclairage utile sur la toute récente rencontre franco-marocaine. LFAR
Le président Macron ne cesse de surprendre. Après avoir serré la main à Trump, accueilli en grande pompe Poutine à Versailles, le voilà qui s’en va causer diplomatie avec le Roi du Maroc.
Or, la situation politique marocaine est plus que complexe. En effet, ces derniers jours ont été le lugubre théâtre d’affrontements sur fond de lutte sociale entre le mouvement social Hirak – né en octobre 2016 à Al-Hoceïma après la mort de Mouhcine Fikri, poissonnier qui avait tenté d’empêcher la destruction d’une pêche illégale saisie par la police – et le Palais.
Le Rif rétif à Rabat
Les relations entre la monarchie et le Rif marocain n’ont jamais été au beau fixe. Déjà du temps d’Hassan II, le Rif se considérait comme marginalisé par le Palais. Une tradition populaire y subsiste d’ailleurs, lorsque les rifains récitent l’hymne national : au lieu de conclure par « avec pour étendard, Dieu, la Nation, le Roi », ces derniers achèvent le chant par « Dieu, la nation, le peuple ». Autant dire que le monarchisme n’est pas en odeur de sainteté dans cette région du Maroc célèbre pour ses résistances aux colonialismes français et espagnol.
Logiquement, en bon humaniste social-démocrate, Macron, aurait dû condamner la répression policière des manifestations, la marginalisation des acteurs du mouvement social et l’arrestation de la tête pensante de Hirak, Nasser Zefzafi.
Répression et promesses
Mais dès sa visite au Maroc cette semaine, Emmanuel Macron a semblé s’ériger en porte-parole du Palais dans un dossier qui relève pourtant de la sécurité intérieure du territoire.
Le pouvoir chérifien avait déjà connu de fortes turbulences dans cette région qui n’hésite pas à remettre en cause les préceptes royaux du pays. Si le mouvement du 20 février 2011 a été si vite désamorcé grâce à l’intelligence du souverain (qui convoqua alors des élections anticipées assorties d’une réforme de la Constitution), les revendications politiques, identitaires, sociales et économiques demeurent. Le courroux de Nasser Zefzafi, fondateur du mouvement Hirak, est principalement dirigé à l’encontre du pouvoir de l’Etat marocain, le célèbre makhzen.
Les partis politiques silencieux
Il faut dire que le royaume ne fait pas dans la dentelle. La police a arrêté le chef de file du mouvement le 29 mai ainsi que 25 autres personnes, alors que ce dernier était en train d’interrompre le prêche d’un imam d’Al-Hoceïma. De nombreux militants sont actuellement poursuivis pour « atteinte à la sécurité intérieure », réception de « transferts d’argent et appui logistique de l’étranger » ainsi que pour « atteinte à l’intégrité du Royaume ». De son côté, la sphère politique est restée timidement en retrait. Si le secrétaire général du Parti Authenticité et Modernité (centre-gauche, réputé proche du Roi), président de la Région Tanger-Tétouan-Al-Hoceïma, Ilyass El Omari, s’est exprimé le 13 juin à la télévision, les autres partis se murent dans le silence. Leur mutisme a permis à l’Etat chérifien d’engager un bras de fer avec le mouvement social : heurts dans la ville, grève de la faim des militants détenus, grève générale en prévision à Al-Hoceïma, violences dans les rues. Et l’on ne peut pas dire que Rabat s’économise dans la gestion de la crise : visite de 7 ministres le 22 mai, promesse d’accélération des projets d’investissement de 6,5 millards de dirhams annoncés en 2015, etc. L’Etat marocain a ainsi lancé et relancé un bon nombre de projets d’infrastructures et de l’économie locale afin d’apaiser les tensions. Mais cela ne suffit visiblement pas à éteindre l’incendie.
Peur sur le Rif
Avec son attitude de grande sœur parfois envahissante, la France joue une fois de plus sa partition au creux des ors et dorures du Palais royal. Compte tenu de l’anti-royalisme qui règne dans le Rif, cette initiative pourrait faire bouger les choses. Soit en apaisant les tensions par la mise en place de politiques publiques efficaces et socio-économiques. Soit en déclenchant l’alliance objective entre islamistes et manifestants, qui rêvent de détrôner Mohamed VI pour devenir calife à la place du calife. Il n’est point besoin de préciser que cette dernière hypothèse pourrait réellement mettre en danger la stabilité du Royaume, la solidité de sa Couronne, et la légitimité du monarque. •
Kaoutar Seghrouchni Idrissi
Juriste
Il va de soi que bon sens exige le soutien de la France au monarque chérifien. Seul pilier solide dans un pays où les islamistes et autres radicaux du type frères musulmans fomentent sans relâche toutes sortes de complots. Feu roi Hassan II disait que le Maroc est pareil à un lion qu’il faut tenir en laisse par un élastique. Autre problématique dans ce pays, comme dans l’ensemble des pays musulmans, le démographie galopante, que les économies locales sont incapables d’absorber.Le planning familial vu la religion est dans un triste état,voire en échec.L’unique solution passe par les investissements étrangers, le numérique et bien sûr la formation. sans oublier l’émancipation des femmes.Je pense que Mohamed V en est conscient. Comme il devrait être conscient de la nécessité d’afficher une certaine retenue dans ses dépenses et ses intérêts patrimoniaux trop intensifs.