Par Eugénie Bastié
Une excellente recension* à propos d’un livre dont le sujet – Proudhon – retiendra toute l’attention des lecteurs de LAFAUTEAROUSSEAU.
On retient de lui la célèbre sentence provocatrice : « La propriété, c’est le vol ». Il était revendiqué par Jaurès et Maurras, il a influencé Bakounine et Péguy. Pierre-Joseph Proudhon a joué un rôle de premier plan dans l’histoire de la philosophie politique. Né vingt ans après la Révolution française, à Besançon, l’inventeur du mot « anarchisme » est inclassable. Autodidacte, rare penseur du XIX° siècle à être issu d’un milieu ouvrier, Proudhon fut journaliste, polémiste, philosophe et même député en 1848. Dans son essai Pierre-Joseph Proudhon, l’anarchie sans le désordre, Thibault Isabel nous invite avec pédagogie à découvrir les multiples facettes d’un philosophe sous-estimé, perdant de la bataille des idées.
Proudhon tente de réconcilier dans un « anarchisme conservateur » le besoin d’autorité et celui de liberté. Dans la lignée du socialisme à la française d’un Fourier ou d’un Leroux, il plaide pour une « philosophie des producteurs » qui mette le travail au centre de la société. Contrairement à Marx qui souhaite renverser le capitalisme par le haut, quitte à employer les moyens les plus brutaux, il n’aura de cesse de dénoncer la double aliénation du capital et de l’Etat.
Contre le centralisme jacobin et la jungle capitaliste, il propose le fédéralisme intégral sur le plan politique et le mutuellisme sur le plan économique. Il plaide pour l’établissement de frontières solides dans le commerce pour éviter l’établissement de grands monopoles transnationaux. Il appelle à encourager la petite propriété, le travail coopératif, le tissu associatif et l’organisation de solidarités locales. Anticapitaliste, Proudhon n’est pas antilibéral : bien au contraire, il considère que les libertés individuelles sont la seule chose sur laquelle doit veiller l’Etat.
Après que le marxisme a montré son caractère funeste, l’heure de la revanche sonne pour le Bisontin. Loin du « ni Dieu ni maître » des casseurs en rouge et noir, sa pensée est une ode à l’équilibre, un « ni Wall Street ni soviet » d’une surprenante actualité. Disciple d’Héraclite et de Montaigne, Proudhon croit à l’irréductible pluralité du réel et à la mesure des choses. C’est sans doute en cela qu’il est conservateur : il n’espère ni lendemains qui chantent ni refonte d’un homme nouveau. A l’instar de Weil ou Camus qu’il influencera, il croit, comme l’écrit Isabel, que : « La révolution est dans les âmes plutôt que dans les urnes ou sur les barricades. » •
Ci-dessus, à droite, Gustave Courbet, Portrait de P.-J. Proudhon en 1853, Petit Palais
Pierre-Joseph Proudhon. L’anarchie sans le désordre, de Thibault Isabel, Autrement, 180 p., 18,50
* LE FIGARO MAGAZINE – 23 JUIN 2017
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Le 10 juin 2016 La Faute à Rousseau reproduisait une texte de Maurras « quand Proudhon eut les 100 ans ». Un commentateur attirait l’attention sur une déclaration de Mgr Eyt, archevêque de Bordeaux déclarant à propos de l’écroulement du communisme « c’est la revanche de Proudhon sur Marx ». C’est pourquoi j’apprécie à sa juste valeur la publication par La Faute à Rousseau du beau texte d’Eugénie Bastié sur le dernier livre de Thibaut Isabel.
J’interviens lundi 26 juin dans une table ronde avec Thibaut Isabel devant des dirigeants économique et je ne manquerai pas de rappeler la phrase de Proudhon « la France renaitra de ses fragments ». Et quelles que soient les raisons de combattre Macron il faut reconnaître à ce dernier le grand mérite d’avoir aidé à faire imploser le système des partis et de l’avoir subséquemment converti en bombe à fragmentation. Et il faut poursuivre l’effort !. C’est pourquoi il n’était pas impolitique de faire élire des gens candidats sous le signe LREM. Face à la mort du communisme, à l’obsolescence eu socialisme, à la crise existentielle du libéralisme, le FEDERALISME (interne pas européen !!!)sera appelé à combler en partie le vide idéologique. Ce sera le rôle du Mouvement Fédéraliste Français.
Que ceux qui veulent en savoir plus sur le bons usage de l’Economie Sociale aillent sur le site : http://prospective-sociale.org/ dirigé par Philippe Durocher : une référence !